Au moment où fut créé le Conseil de la fédération en décembre 2003, plusieurs croyaient que cette nouvelle structure allait transformer les rapports entre le gouvernement fédéral et les provinces. Selon l'expression employée alors par le premier ministre ontarien Dalton McGuinty, l'époque «d'aller à Ottawa à genoux» était révolue. Réunis pour leur conférence annuelle estivale à Saint-John's la semaine dernière, les premiers ministres ont pu prendre la mesure de ses limites.
L'ambition qu'avaient les premiers ministres en créant ce conseil était d'en faire le lieu d'élaboration de consensus qui leur permettraient ensuite de traiter d'égal à égal avec Ottawa. Il fallait beaucoup d'enthousiasme, sinon une bonne dose de naïveté, pour croire qu'il serait possible de concilier des intérêts profondément divergents qui, sur une question comme la péréquation qui était à l'ordre du jour la semaine dernière, n'avaient jamais pu l'être par le passé. À Saint-John's, l'unanimité ne fut pas au rendez-vous, et les premiers ministres auraient abouti au même cul-de-sac s'ils avaient tenté d'élaborer une position commune sur la mise en oeuvre de l'accord de Kyoto.
À travers la péréquation, c'est toute la question plus vaste du déséquilibre fiscal qui était abordée. Il est juste de penser que les relations fédérales-provinciales auraient été transformées si les provinces avaient pu parler d'une seule voix. La bouchée était toutefois beaucoup trop grosse. Pour arriver aux compromis nécessaires, il aurait fallu s'accorder plus de temps, ce qui n'était pas possible en raison de la conférence qu'entendait tenir le premier ministre Harper au début de l'automne. Il aurait aussi fallu inscrire plus profondément dans les gènes des provinces la pratique de la concertation. En 30 mois d'existence, on ne peut pas dire que le Conseil avait acquis en cela une expérience solide.
L'idée sur laquelle repose le Conseil de la fédération n'est pas mauvaise du tout car les provinces ont tout intérêt à travailler ensemble aussi bien sur les sujets qui relèvent de leurs compétences exclusives que dans leurs rapports avec Ottawa. L'échec enregistré la semaine dernière ne le rend pas inutile, mais il faut bien reconnaître qu'il en ressort lourdement hypothéqué. Obligés désormais de jouer le jeu du chacun pour soi sur la question du déséquilibre fiscal, les premiers ministres se méfieront les uns des autres. Leur enthousiasme à l'égard de la concertation interprovinciale sera beaucoup moins grand.
Le premier ministre du Québec, qui est le géniteur du Conseil de la fédération, ressentira plus que les autres cet échec. Il se rend compte aujourd'hui qu'il est plus difficile qu'il ne voulait bien le croire de transformer les rivalités interprovinciales en coopération. En fédéraliste convaincu, Jean Charest ne dira pas que son objectif était irréaliste, mais peut-être le pensera-t-il en son for intérieur. Il lui faut aussi constater qu'il avait trop misé sur la création d'un front commun des 10 provinces pour faire avancer le dossier du déséquilibre fiscal. Non seulement cela ne s'est pas réalisé, mais il se retrouve seul face à Ottawa. Comme d'autres premiers ministres québécois avant lui l'ont fait, il lui faudra mobiliser l'ensemble de la société québécoise autour de cet objectif. Dans les circonstances, c'est le seul front commun qui puisse donner quelques résultats face à Ottawa.
bdescoteaux@ledevoir.ca
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