Les chefs des 20 pays du G20 (dont le premier ministre britannique Gordon Brown) ont montré leur maturité et ont mis de côté les bisbilles lors du récent sommet à Londres. Photo Reuters
Kimon Valaskakis - La crise économique mondiale a souligné le besoin croissant pour une meilleure gouvernance et le succès récent du G20 à Londres pose la question de l'aptitude potentielle de cet organisme pour devenir le noyau d'un éventuel gouvernement mondial. Qu'en est-il?
Quand j'étais ambassadeur du Canada à l'OCDE, le point culminant de l'année était la conférence ministérielle où les ministres des Affaires étrangères des pays membres se réunissaient à Paris pour définir les grandes orientations de l'institution. Comme il se doit dans les milieux diplomatiques, le communiqué final était préparé plusieurs semaines à l'avance. La marge de manoeuvre de la rencontre elle-même restait très faible: quelques virgules ici et là, l'ajout d'une phrase ou deux et pas plus. Le résultat: un communiqué très général et assez fade, mais nécessaire pour assurer le consensus.
En contraste, le G20 à Londres a produit un communiqué final plein de substance. On a réservé 1000 milliards de dollars à la lutte anticrise, on a promis de mettre fin au secret bancaire et aux paradis fiscaux, qui ont alimenté la démesure du capitalisme sauvage et on a décidé de renforcer le FMI et sa capacité d'intervention. Un excellent premier pas.
Sur la base de ce succès, beaucoup plus convaincant que la réunion du même G20 de novembre 2008 qui n'a rien donné, certains prétendent que cet organisme a prouvé sa vocation d'instrument privilégié de gouvernance mondiale.
Composé des 20 nations les plus riches du monde, produisant plus de 80% du produit économique mondial, plus inclusif que le G8 mais moins lourd que les Nations-Unies avec leurs 193 membres, libéré du veto des membres permanents du Conseil de sécurité, ce concert des nations aurait tout pour plaire.
Tout en applaudissant son récent succès, notons quand même que ses plus grandes forces sont aussi ses faiblesses. En premier lieu, le surprenant consensus de la réunion de Londres est un reflet de la gravité de la crise mondiale et de son caractère lose-lose. Tout le monde perd en période de dépression économique et tout le monde gagne avec une reprise. Quand il y a le feu dans la maison, ce n'est pas le moment d'être mesquin. Les chefs des 20 pays ont montré leur maturité et ont mis de côté les bisbilles.
Par contre, s'il avait été question des autres grands défis planétaires, comme le changement climatique, les problèmes de sécurité et de santé et l'effondrement de la cohésion sociale à la suite de la mauvaise distribution des revenus, le consensus serait beaucoup plus difficile à atteindre. Les impératifs nationaux et régionaux auraient pris le dessus, comme ils le font dans les autres instances intergouvernementales.
En second lieu, il y a la question du suivi, de la mise en application des décisions, de ce que l'on appelle en anglais compliance. Un communiqué de presse est un peu comme une résolution de Nouvel An. L'intention est bonne et sincère. On veut arrêter de fumer. Mais la réalité est souvent décevante. On n'y arrive pas. L'expérience des décisions prises par le G8 au fil des années démontre que les suivis réels des communiqués de fin de conférence dépassent rarement le 50% des promesses effectuées et restent très variables d'un pays signataire à un autre.
Avec 20 interlocuteurs, il est fort probable que le suivi effectif, dont la responsabilité incombe à chacun des signataires et sans aucune sanction prévue pour les mauvais élèves, va être beaucoup moins important.
Troisièmement, il y a le problème du déficit démocratique. Le G20 par définition exclut 173 des 193 pays membres de l'ONU. Il s'agit d'un directoire non élu. Ici, on remarquera l'opposition inévitable efficacité et représentativité. Plus un groupe est restreint, plus la prise de décision est rapide et efficace. Mais, en contrepartie, moins les décisions prises sont démocratiques. On a parlé de l'intérêt d'un G4 (États-Unis, Europe, Japon, Chine) et même d'un G2, le couple Chine-États-Unis qui, ensemble mènerait le monde. Ces comités restreints peuvent agir vite, mais ils deviennent de moins en moins légitimes.
À l'autre extrême, nous avons la représentativité maximale, mais au prix d'une tour de Babel: l'assemblée générale des Nations-Unies qui inclut la plupart des gouvernements des États-nations.
La position mitoyenne du G20 apparaît comme un juste milieu provisoire mais pas vraiment permanent, car il ne remplacera jamais la légitimité d'un éventuel parlement mondial.
Reconnaissons donc dans le G20 une cellule de crise pour la gestion immédiate de cycles économiques, surtout quand l'enjeu est lose-lose si on échoue et win-win si on réussit.
Mais pour les défis plus coriaces auxquels fait face le monde, ce sont des tâches qui dépassent les limites de ce que peut faire le seul G20.
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Kimon Valaskakis
L'auteur est un ancien ambassadeur du Canada à l'OCDE et président de la Nouvelle École d'Athènes, une initiative internationale, issue de l'Académie de Platon et orientée vers la solution des défis mondiaux. Il a été professeur titulaire de sciences économiques à l'Université de Montréal et président de l'Institut Gamma, un centre de prospective et de prévision.
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