Pour apprendre à enrégimenter une salle, le syndicalisme demeure encore la meilleure école, et les représentants du SPQ Libre ont donné une impressionnante démonstration de leur savoir-faire en fin de semaine dernière au conseil national du PQ.
Ils ont su lire bien mieux que les apparatchiks du parti les sentiments des militants qui assistent impuissants au développement anarchique de la production d'énergie éolienne. Il n'est peut-être pas indispensable de tout nationaliser pour y mettre de l'ordre, mais l'entourage d'André Boisclair avait mal évalué l'ampleur de la grogne.
On n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace. Dans le climat, actuel, le président du SPQ Libre, Marc Laviolette, savait qu'il suffisait d'évoquer le souvenir de René Lévesque pour emporter le morceau. Le père fondateur n'avait-il pas indiqué la voie à suivre dès 1962 ? Un gouvernement péquiste qui abandonnerait l'énergie éolienne au secteur privé commettrait une véritable trahison. Bien joué.
L'erreur a été de répliquer en dramatisant à outrance, alors que la position du conseil national n'avait rien de contraignant. François Legault a lancé qu'il fallait «réconcilier le PQ avec nos entrepreneurs». Diable, de quand date la rupture ? Encore plus émotive, Rita Dionne-Marsolais voyait déjà le Québec étiqueté comme le nouveau Venezuela du nord. M. Boisclair lui-même n'a rien fait pour détendre l'atmosphère en quittant précipitamment la salle.
À qui la faute si Jean Charest peut maintenant rappeler la désastreuse nationalisation de l'amiante ? Ce sont les ténors du parti, y compris M. Boisclair, qui ont assimilé d'une façon démagogique la nationalisation à une expropriation. Même M. Laviolette a convenu qu'il serait inopportun de revenir sur ce qui est fait.
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Le résultat de cette mauvaise gestion de crise est d'avoir transformé ce qui aurait dû se limiter à une séance de défoulement collectif en épreuve de force entre la base militante et la direction du parti, entre la gauche et la droite.
Remarquez, ce n'était sans doute qu'une question de temps. Déjà, le SPQ Libre avait été très irrité par le désir avoué de M. Boisclair de faire du Québec «l'endroit où le capital est le mieux accueilli au monde». Le débat sur la nationalisation de l'éolienne offrait une magnifique occasion d'illustrer l'opposition fondamentale entre les deux visions de l'avenir de la société québécoise qui s'affrontent au PQ.
Pourquoi M. Laviolette a-t-il qualifié la position de M. Boisclair de «mou flou» ? C'est peut-être trop mou à son goût, mais cela n'a rien de flou : M. Boisclair est clairement favorable au privé. Après lui avoir si souvent reproché sa langue de bois, va-t-on maintenant se plaindre qu'il dise ce qu'il pense ?
Il avait déjà pris ses distances avec plusieurs dispositions du programme adopté au congrès de juin 2005, qu'il s'agisse de l'école privée ou de la stratégie référendaire. Un programme «formidable» qui a simplement le tort de ne pas être le sien. Pour la première fois, il vient de s'opposer à une position adoptée par les militants sous son propre règne.
Qu'on soit d'accord avec lui ou non, M. Boisclair s'est néanmoins comporté en chef. En se rangeant dans le camp des opposants au prolongement de l'autoroute 25, au risque d'en payer le prix électoral dans les circonscriptions de Laval, sans pouvoir rien espérer en retour sur l'île de Montréal, il a également fait preuve de principe.
Sur le fond comme dans le ton, il a prononcé son meilleur discours depuis qu'il est chef. Quand il lit un discours, il a toujours l'air guindé. Et quand il essaie d'en sortir, il s'égare. Cette fois-ci, on a décidé de le laisser improviser à partir d'un plan schématique. Le résultat a été concluant.
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Les nouveaux statuts adoptés en juin 2005 ont ramené de quatre à deux le nombre de conseils nationaux annuels. Au surplus, la discussion est limitée à la thématique imposée par la direction du parti. Les sujets les plus litigieux sont abordés à huis clos dans une nouvelle instance, la conférence des président(e)s, qui se réunit également deux fois l'an.
M. Boisclair apprécie certainement cette réforme voulue par Bernard Landry. Comme Lucien Bouchard avant lui, il avait vu chaque conseil national se transformer en examen de sa pureté souverainiste. Peu importe ce qu'il pouvait dire, il suffisait d'une poignée de dissidents pour que les médias transmettent -- souvent de façon exagérée -- l'image d'un parti profondément divisé et d'un chef aux abois.
Sur la question toujours infiniment délicate de la démarche vers la souveraineté, M. Boisclair s'est davantage distancié du programme en quelques mois que son prédécesseur ne l'avait fait durant tout son mandat. Il n'a cependant aucune obligation d'en rendre compte publiquement aux instances de son parti.
M. Landry a cependant laissé une autre créature derrière. Le SPQ Libre est le premier de ces «clubs politiques» qui peuvent maintenant se développer au sein du PQ, et il démontre déjà de manière remarquable sa capacité de jouer les trouble-fête. C'est largement sous son impulsion que le centre de gravité idéologique du PQ s'est déplacé vers la gauche et il n'entend manifestement pas permettre au nouveau chef de le ramener vers le centre.
M. Boisclair ne veut pas voir les questions afférentes à l'accession à la souveraineté faire irruption dans la prochaine campagne électorale, mais il faudra vraisemblablement compter avec le SPQ Libre, qui entend en faire l'objet de colloques. Il est vrai que l'indiscipline a coûté cher au PQ dans le passé, mais il y a des limites à imposer le silence à des gens de qui on exige un engagement total.
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mdavid@ledevoir.com
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