Un candidat du PQ nie le génocide rwandais

Québec 2007 - Philpot et le Rwanda


Le Parti québécois présente un candidat, Robin Philpot, qui nie le génocide des Tutsis au Rwanda, dénonce une association rwandaise de Montréal.
«On imagine mal que le PQ, ou tout autre parti, pourrait avoir dans ses rangs un candidat qui nierait l'Holocauste contre les Juifs. Comment peut-il tolérer un candidat qui nie que les Tutsis ont été victimes d'un génocide perpétré spécifiquement contre eux?» demande Callixte Kabayiza, président de l'Association des parents et amis des victimes du génocide au Rwanda.
M. Philpot, candidat du PQ dans Saint-Henri-Sainte-Anne (sud-ouest de Montréal), est connu pour avoir écrit un livre, avec Normand Lester, sur Option Canada.
Mais auparavant, il a publié un livre en 2003 intitulé Ça ne s'est pas passé comme ça à Kigali (la capitale du Rwanda). Il y dénonce la version officielle de l'Histoire, à savoir que 800 000 Tutsis ont été victimes d'un génocide en 1994, perpétré par des milices provenant de la majorité hutue.
Des Hutus qui s'opposaient au génocide ont eux aussi été tués.
Dans son livre, M. Philpot dit qu'il y a eu plusieurs massacres, mais qu'ils ont été perpétrés par toutes les parties impliquées dans le conflit. Selon sa thèse, le drame rwandais a été provoqué par la guerre menée par le Front patriotique rwandais (FPR), composé surtout de Tutsis. Selon lui, le FPR était soutenu par les Américains. Son frère, Me John Philpot, a été l'avocat de Jean-Paul Akayesu, reconnu coupable par le Tribunal pénal international sur le Rwanda (TPIR) d'avoir incité au viol et à l'assassinat de Tutsis.
Robin Philpot est revenu à la charge en 2004, écrivant : «Je rejette catégoriquement l'utilisation abusive du terme génocide.» Ces propos tranchaient avec la position du PQ. Cette année-là, l'Assemblée nationale du Québec marquait la 10e commémoration du génocide par une résolution unanime. Le député péquiste Daniel Turp déclarait : «Le génocide rwandais, ce plan intentionnel d'extermination de la minorité tutsie, selon les termes mêmes de l'ONU, aura été l'une des manifestations de violence les plus tragiques de l'histoire du monde.»
M. Turp comparait ce génocide à l'Holocauste et ajoutait : «Il est difficile de relever des cas de tuerie aussi massive durant un aussi court laps de temps, à peine 100 jours, sur un territoire aussi exigu; 75 % de la population tutsie du Rwanda a été exterminée. Un quart de million de femmes ont été violées, dont les deux tiers sont aujourd'hui séropositives.»
Au cours d'un entretien avec La Presse, cette semaine, M. Philpot a répété sa thèse : «On ne peut pas dire qu'il y a eu un génocide au Rwanda comme le génocide contre les Juifs : ça n'a pas été le cas», a-t-il dit. Il a dédié son livre à Juvenal Habyarimana, l'ancien président du Rwanda mort lorsque son avion a été abattu, en avril 1994. C'est son parti qui avait créé les milices hutues extrémistes qui allaient massacrer les Tutsis. La France vient de refuser l'asile à sa femme au motif qu'elle a participé «en tant qu'instigatrice ou complice» au «crime de génocide» au Rwanda entre avril et juillet 1994.
Le livre et les propos de M. Philpot scandalisent M. Kabayiza. «J'ai lu et entendu les positions de M. Philpot et je trouve ça inacceptable. C'est ne pas reconnaître l'horreur pour les victimes et les rescapés de ce génocide des Tutsis. C'est tourner le fer dans la plaie des rescapés. C'est manquer de vérité pour les victimes. Je demande à André Boisclair (le chef du PQ) de se prononcer sur les propos de son candidat.»
Pierre Trudel, professeur d'anthropologie qui étudie le génocide du Rwanda depuis des années, demande lui aussi à M. Boisclair de se prononcer. Dans une lettre ouverte qui paraît aujourd'hui dans La Presse, M. Trudel rappelle que M. Philpot nie les viols systématiques subis par les femmes tutsies, et nie le fait que des listes aient été dressées pour mettre en oeuvre le génocide. «Endossez-vous ces propos? demande-t-il à M. Boisclair. Allez-vous demander à votre candidat de se rétracter?»
Concernant les viols, M. Philpot a dit à La Presse : «Il y a des viols dans toutes les guerres. Il y en a en Irak et en Afghanistan. Dans le cas du Rwanda, des affidavits ont été présentés au TPIR, montrant que les récits de viols avaient été fabriqués. Le TPIR n'a pas reconnu ces preuves et a condamné un innocent, Jean-Paul Akayesu.»
M. Trudel rappelle que M. Philpot plaide contre un consensus international. «Les Nations unies, son secrétaire général, le pape, Human Rights Watch, la Fédération internationale des droits de l'homme, Amnesty International... et d'autres organisations non gouvernementales ont tous reconnu qu'il y a eu un génocide au Rwanda en 1994. Sans parler des preuves qu'apporte le TPIR à chacun de ses verdicts (...) Ça s'est passé comme ça à Kigali. Le nier est une insulte innommable.»
Miriam Rabkin, porte-parole du Centre de commémoration de l'Holocauste à Montréal, se dit aussi choquée par la thèse défendue par M. Philpot. «Dans nos activités, on fait souvent des liens entre l'Holocauste et le génocide des Tutsis au Rwanda, a dit Mme Rabkin. Je dois dire que ça me choque qu'un politicien nie le génocide rwandais.»
Option Canada
Robin Philpot a cosigné un livre avec le journaliste Normand Lester, Les secrets d'Option Canada, qui est à l'origine du déclenchement d'une enquête sur Option Canada par le Directeur général des élections. Cet ouvrage avait suscité des vagues lors de sa publication en pleine campagne électorale fédérale en 2006. Grâce à des documents inédits, les auteurs affirment que le camp du NON aurait dépensé 5,2 millions de dollars illégalement pendant le référendum de 1995 par le truchement d'Option Canada.
Le juge Bernard Grenier a été mandaté pour réaliser cette enquête. La remise de son rapport est prévue le 31 mars. Les péquistes ont accusé le gouvernement libéral d'avoir précipité la tenue des élections pour éviter d'éventuelles révélations gênantes. Les libéraux ont quant à eux accusé leurs adversaires de s'être lancés dans une campagne de «salissage». Le chef libéral Jean Charest s'est d'ailleurs dit prêt à témoigner devant le juge Grenier. Il a toutefois répété hier qu'il n'avait pas été convoqué. Il était le vice-président du camp du NON en 1995.

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André Noël30 articles

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André Noël a étudié en géographie à l'Université de Montréal et en journalisme à Strasbourg. Après avoir été rédacteur à la Presse canadienne, il est entré à La Presse en 1984. Il a toujours travaillé dans la section des informations générales, où il a mené des enquêtes très variées.





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