Pierre Karl Péladeau, candidat-vedette du Parti québécois, ne regrette rien : ni son poing levé en faveur du « pays » ni ses dures batailles contre les syndicats. Il ne voit non plus aucun conflit d’intérêts entre son engagement politique et son puissant empire médiatique. Entretien — au cours duquel le ton a monté — avec un homme qui n’a peur de rien.
Pierre Karl Péladeau s’attable dans la salle de conférence du Devoir. Il fait la grimace lorsqu’on lui sert un verre d’eau : « Est-ce qu’il y a eu des coupes budgétaires au Devoir ? Je prendrais un café, si vous en avez. »
Il est pourtant de bonne humeur ce matin, le candidat-vedette du Parti québécois (PQ), malgré la campagne en dents de scie de Pauline Marois. Il sort son téléphone pour nous faire entendre un enregistrement où sa fille Romy chante son amour des Îles de la Madeleine. Il parle de tout et de rien. Du fait qu’il n’a pas mangé de viande depuis une douzaine d’années : « Dans 50 ans, tout le monde va être végétarien. Pour nourrir un boeuf, ça prend 10 portions qui peuvent être utilisées pour nourrir un être humain. »
L’homme d’affaires de 52 ans a appris à la dure qu’il faut contrôler ses moindres gestes dans l’arène politique. Il ne montre aucune émotion lorsqu’on lui parle de son poing levé en faveur du « pays », qui a transformé la campagne électorale. Deux jours plus tard, le PQ a éteint la fièvre référendaire qui s’était emparée des militants souverainistes. Pauline Marois n’a plus reparlé d’indépendance, sauf pour dire qu’il n’y aurait pas de référendum.
La chef péquiste a même repoussé son candidat-vedette, au cours d’une conférence de presse, pour répondre à sa place à une question qui lui était adressée. Avez-vous été muselé, M. Péladeau ?
« Je n’ai pas de directives. Je ne suis pas dissimulé, je ne suis pas camouflé. Tout le monde sait que mon expérience, mon expertise, c’est dans le domaine économique. Il n’y a pas une annonce économique où je n’étais pas présent avec Mme Marois », dit-il.
« Pas de baratin »
Pierre Karl Péladeau parle déjà comme un politicien. Il y a quelques minutes à peine, il nous disait pourtant : « Baratiner, c’est pas mon genre. » Livre-t-il le fond de sa pensée lorsqu’il jure ne voir aucun conflit d’intérêts entre son engagement politique et son puissant empire médiatique ?
Il nous parle de longues minutes et avec passion des succès de Vidéotron, de Star Académie, de La voix, d’Archambault, du Journal de Montréal et du réseau TVA. Québecor offre « une tribune pour mettre en valeur la richesse de notre patrimoine culturel. Ça met en valeur notre talent et ça fait fonctionner nos industries culturelles », dit-il.
C’est beau tout ça, vous parlez en tant qu’actionnaire de contrôle de Québecor, mais vous êtes en politique, M. Péladeau. Comment allez-vous faire pour éviter les conflits d’intérêts là-dessus si vous êtes au gouvernement ? Vous ne pourrez pas participer aux décisions sur le sport professionnel, la culture, la politique de prix unique du livre…
« J’espère que je vais pouvoir continuer à en parler, au contraire, ce sont des sujets sur lesquels je pense avoir une grande expertise », répond-il, insensible aux critiques. Certains ont même comparé Pierre Karl Péladeau à Berlusconi, l’ancien président et magnat de la presse en Italie. Il s’en fout : « Andrew Coyne a dit que j’étais devenu un oligarque russe et Lysiane Gagnon a dit que j’étais d’extrême droite. Allez-y, en termes de comparaison, tout est permis. »
Conflits de travail
Même assurance pour l’indépendance des médias de Québecor : comment l’empire peut-il couvrir la politique en toute apparence d’indépendance si son actionnaire de contrôle siège à l’Assemblée nationale ? « Je n’ai jamais donné aucune directive », s’insurge Pierre Karl Péladeau. Quand on lui suggère qu’il n’a pas besoin d’ordonner quoi que ce soit aux journalistes, que ses cadres peuvent bien s’en charger, il redouble d’indignation : « J’espère qu’ils donnent des directives, c’est également leur métier ! Ils dirigent le journal ! C’est pas une coopérative, ça là. Si vous voulez en avoir une coopérative, il y en a eu une coopérative… »
Pierre Karl Péladeau fait référence à Rue Frontenac, le journal fondé par les syndiqués en lockout du Journal de Montréal, de 2009 à 2011 — dont l’auteur de ces lignes a fait partie. Le magnat des médias ne regrette rien. Ni le lockout au Journal de Montréal, ni celui au Journal de Québec, ni celui chez Vidéotron.
Dans les trois cas, Pierre Karl Péladeau dit avoir tenté sans succès de négocier avec les syndicats pour « changer la culture » d’entreprises qui avaient besoin d’un coup de barre. « Pensez-vous que la responsabilité d’un dirigeant d’entreprise, c’est comme disent les Anglais : milk the cow, quand on ne fera plus d’argent on va fermer la shop ? Moi, faire ça ? Pour un journal qui a une diffusion très large, qui est à la base de la création de Québecor, un fleuron de Québec inc., avoir cette stratégie-là ? Non, c’est pas raisonnable, c’est pas responsable. »
On a parlé longtemps. Le ton a monté. L’attaché de presse de Pierre Karl Péladeau insistait : il faut y aller, on a un rendez-vous. Mais le candidat restait attablé. Amusé. Devant son café. « Merci beaucoup, je n’en demandais pas tant ! »
Puis ils sont partis. Direction Saint-Jérôme, où l’homme d’affaires veut devenir député.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé