Turbulences «extrêmes» dans une école primaire

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L'ensauvagement de l'école, une conséquence du multiculturalisme

Une psychoéducatrice hospitalisée après avoir été frappée par un élève de maternelle. Des enfants qui lancent des chaises, qui renversent des pupitres ou qui insultent des enseignants. La quiétude de l’École des Cinq-Continents, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, est ébranlée par la présence d’un nombre anormalement élevé d’élèves ayant de graves troubles du comportement.


Selon ce que Le Devoir a appris de plusieurs sources, les classes ordinaires de maternelle et de deuxième année de cette école primaire comportent une dizaine d’élèves extrêmement turbulents, qui provoquent de la tension dans tout l’établissement.


Une psychoéducatrice a subi une commotion cérébrale et a été hospitalisée après avoir reçu un coup de tête d’un enfant de maternelle qu’elle tentait de maîtriser, il y a trois semaines. La titulaire de la classe a aussi été bousculée. Elles ont dû s’absenter du travail durant deux semaines pour cause de maladie.


Coups de pied ou de poing, morsures, hurlements et objets lancés font partie du quotidien dans cette école qui était jusque-là tranquille, considérée comme un modèle d’intégration pour des enfants issus des cinq continents — comme son nom l’indique.


Les 615 élèves de cette école primaire parlent 33 langues et proviennent de 55 pays, dont certains en guerre. Des enfants arrivent avec de profonds traumatismes souvent niés par les parents, ce qui aggrave le problème, indiquent nos sources. L’école et la commission scolaire doivent jouer un rôle de service social qui dépasse l’enseignement.


L’école a fait des signalements à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Des parents eux-mêmes vivent de la détresse et sont réticents à recevoir des services du ministère de la Santé et des Services sociaux.


Climat tendu


Deux élèves ayant des troubles graves du comportement ont quitté l’école au cours des derniers jours, confirme la Commission scolaire de Montréal (CSDM). Des parents ont transféré leur enfant (décrit comme « très difficile ») dans une autre commission scolaire. Un autre élève est suspendu temporairement pour évaluer la meilleure façon de le scolariser.


« Depuis le début de l’année scolaire, on ne reconnaît plus notre petite école tranquille, dit un membre du personnel. Une infime minorité d’élèves a des problèmes de comportement, mais ces enfants dérangent tout le monde dans l’école. C’est du jamais vu. »


Des enfants hyperactifs lancent des objets, poussent, crient. Dans les classes, ils rampent par terre, désobéissent aux consignes, se lèvent à tout moment, ne suivent aucunement l’enseignement donné par le professeur. Le climat s’est envenimé non seulement dans les salles de classe, mais aussi dans les couloirs et dans la cour de récréation.


« Au lieu d’enseigner, on passe notre temps à régler des chicanes », dit un autre membre du personnel.


« On a pas mal tous reçu des coups au visage. Je me suis fait tirer les cheveux. Tous les enfants ont le droit d’être inclus en classe ordinaire, mais ça crée des effets secondaires. Les élèves reçoivent des chaises, reçoivent souvent des coups. Ils ont peur. Si j’avais un enfant à cette école, c’est sûr que je serais à l’école et que j’essaierais d’avoir des explications », dit une autre source.


Du renfort


La CSDM a envoyé du renfort à l’École des Cinq-Continents, affirme Catherine Harel Bourdon, présidente de la commission scolaire. L’arrivée au primaire d’élèves en difficulté représente un défi, explique-t-elle. Des enfants ayant de grands besoins se sont présentés à la rentrée scolaire sans diagnostic (et sans diagnostic, il n’y a pas de service spécialisé).


L’École des Cinq-Continents a constaté au cours de l’automne que des élèves nécessitent un encadrement plus serré. L’établissement compte désormais sur quatre techniciens en éducation spécialisée (TES), dont deux s’occupent d’un seul enfant chacun. Ces techniciens ont pour rôle d’aider l’enseignant à gérer la classe. À encadrer les élèves difficiles. Ce ne sont pas des professeurs.


L’équipe de « répit-conseil » de la CSDM a aussi envoyé d’autres professionnels en classe pour soutenir les enseignants, souligne Mme Harel Bourdon.


Elle estime que l’École des Cinq-Continents a affaire à « des cas extrêmes qui peuvent arriver dans n’importe quelle classe, dans toutes sortes de milieux. Toutes les mesures sont mises en place par la direction de l’école et par la direction des services éducatifs de la commission scolaire. Il y a des ressources. Les services suivent les enfants ».


Les limites de l’inclusion


Catherine Renaud, présidente du syndicat qui représente les enseignants de la CSDM, estime que les ressources sont insuffisantes : « Mme Harel Bourdon dit que ça peut arriver ailleurs aussi. Justement, ça arrive ailleurs. Mais ce n’est pas une raison pour tolérer ça ! »


« Le niveau d’anxiété des professeurs et des élèves est très élevé à l’École des Cinq-Continents. Il y a des élèves qui s’isolent. Ils ont peur d’aller aux toilettes ou dans la cour de récréation », ajoute la présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal.


Catherine Renaud a rencontré le personnel de l’école en fin de journée lundi. Elle dit avoir constaté un climat d’insécurité dans l’établissement. Cette « crise » illustre les limites de l’inclusion d’élèves handicapés ou ayant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) dans les classes ordinaires, selon elle.


« Le ministre Sébastien Proulx se vante d’ajouter des services pour l’intervention précoce, mais les services ne sont pas là. Il y a des élèves qui ne peuvent pas être inclus dans des classes ordinaires », dit la présidente du syndicat.


Manque de ressources





La direction de l’école « fait des pieds et des mains » pour obtenir davantage de personnel pour encadrer les élèves, dit Valéria Bedout, présidente du conseil d’établissement de l’école. « Le service rendu aux enfants est quand même bon, mais jusqu’à quand ? Les enseignants sont épuisés. Je sens du découragement. Ce n’est pas un mouvement de rébellion, c’est un ras-le-bol », dit cette mère de deux élèves.



L’enseignant de la classe de maternelle de sa fille est en congé de maladie depuis le mois de décembre. Depuis, au moins trois suppléants se sont succédé, selon elle. Sa fille est troublée. Elle ne comprend pas ce changement d’enseignant à répétition.


Valéria Bedout est indignée par le manque de ressources des écoles publiques — qui accueillent les élèves les plus poqués du Québec.


> La suite sur Le Devoir.



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