Droits de scolarité, classe moyenne et donations aux universités

Trois idées reçues

Dans les faits, on demande aux parents de la classe moyenne de payer une troisième fois l'université à leurs enfants

Chronique de Louis Lapointe

Première idée reçue: la hausse des droits de scolarité épargne la classe moyenne.
55% des Québécois, dont le revenu est inférieur à 30,000$, ne paient pas d'impôt au Québec. C’est la classe moyenne qui paie grâce à ses impôts l'université des plus pauvres et celle de ses propres enfants. Jusqu'à ce jour elle les payait donc deux fois!
En doublant presque les droits de scolarité sur une période de 5 ans comme le fait actuellement le gouvernement libéral de Jean Charest, dans les faits, loin de les épargner, il demande aux parents de la classe moyenne de payer une troisième fois l'université à leurs enfants.

Or, si les droits de scolarité universitaires qu'on exige des Québécois sont les plus bas au Canada, les Québécois sont de loin les contribuables qui paient le plus d'impôt.
Il serait donc normal qu'on n'exige pas d'eux la parité des droits de scolarité avec les autres provinces du Canada alors qu'ils sont déjà en orbite au chapitre des impôts!
Quelques dollars de plus en impôts répartis entre tous les contribuables ayant la capacité financière de contribuer constitueraient sans aucun doute un choc tarifaire beaucoup moins violent qu'une hausse dramatique des droits de scolarité pour les familles de la classe moyenne.
À cet égard, pour ceux qui ne les ont pas encore lus, je suggère la lecture des deux dernières chroniques de Michel Girard sur cyberpresse, plusieurs idées reçues tombent devant l'évidence des faits.
Les contribuables gagnant entre 30,000$ et 49,999$ représentent 23% des contribuables québécois et assument 21% de la facture fiscal; ceux entre 50,000$ et 99,999$ représentent 18% des contribuables et assument 47% des recettes fiscales du Québec; alors que ceux qui gagnent 100,000 et plus représentent 4% des contribuables et paient 41% de l’impôt.
Combien ça rapporte un diplôme?
«Si vous faites le décompte, vous constaterez que ces 45% de contribuables ont finalement versé 18,5 milliards d'impôts, soit 1,6 milliard de plus que la facture nette de 16,9 milliards. Il faut savoir que ce 1,6 milliard supplémentaire a été transféré en aide gouvernementale directe aux plus démunis, soit les gens gagnant 20 000$ ou moins.
Qui donc serait appelé à assumer la grosse part du manque à gagner d'un gel des droits de scolarité? Eh oui! les contribuables qui gagnent 50 000$ et plus, et plus particulièrement les riches de 100 000$ et plus.
Seront-ils pour autant vraiment perdants à financer collectivement le gel des droits de scolarité? On parle ici d'une somme de 1625$ par année universitaire, à partir de 2016.
Non!»

Droits de scolarité : le gel, un bon investissement gouvernemental
«En tant que contribuable, je trouve que le gouvernement ferait un excellent «placement» en renonçant aux augmentations de droits de scolarité universitaires. Qu'il comble lui-même le manque à gagner que cela représente pour les universités.(…)
Je vous le dis: c'est un très bon placement, du moins aussi bon que de laisser cet argent dans les coffres des entreprises. Toute autre solution que le dégel des droits de scolarité serait également bienvenue...»

Deuxième idée reçue: les Québécois sont les moins généreux au Canada pour les dons de charité versés aux universités et aux organismes de charité.

On accuse souvent les Québécois d'être moins généreux que les autres Canadiens envers leurs universités.
Ayant moi-même été administrateur d'une fondation universitaire et d'une fondation d'un établissement de santé, je peux affirmer sans le moindre doute que si on additionne l'impôt payé par les Québécois à leurs dons de charité, les Québécois sont de loin les plus généreux au Canada pour leurs contributions aux missions sociales de l'État et à des organismes de charité.
Les Québécois sont les plus généreux au Canada lorsqu'on additionne les impôts qu'ils versent et leurs dons de charité. Voilà pourquoi les droits de scolarité universitaires exigés au Québec sont les plus bas au Canada. Voilà pourquoi le Québec offre beaucoup plus de services sociaux à sa population, comme les garderies, le programme d'assurance médicament et le système de protection de la jeunesse le plus efficient au Canada.
Des services que nous finançons et partageons collectivement avec les plus pauvres d'entre nous. Un choix de société!
Troisième idée reçue: le système de santé et des services sociaux québécois est le moins performant au Canada
Même si le Québec consacre globalement plus d'argent à la santé et aux services sociaux que toutes les autres provinces canadiennes, les sommes consacrées par personne au seul secteur de la santé sont les plus basses au Canada, ce qui n'empêche pas le Québec d'être parmi les plus efficients.
Performance des hôpitaux canadiens: le Québec brille

«Sur les neuf indicateurs comparables, le Québec obtient de meilleurs résultats dans six domaines et se situe près de la moyenne canadienne dans les trois autres.»

Au chapitre des investissements globaux en éducation, santé et services sociaux, le Québec se compare plutôt à la France qu'au reste du Canada, se situant à mi-chemin entre les provinces canadiennes et les pays scandinaves.
Souhaitons-nous vraiment ressembler davantage au reste du Canada en baissant les impôts des plus riches, en augmentant les droits de scolarité et en tarifant de plus en plus de services publics, des mesures régressives et injustes comme on l'a vu avec l'imposition par le gouvernement libéral de Jean Charest d'une contribution santé de 200$ par personne qui ne tient pas compte du niveau de revenu des contribuables?
La même approche que prône actuellement le gouvernement du Québec lorsqu'il augmente les droits de scolarité des étudiants sans égard aux généreux impôts versés par leurs familles, les plus élevés au Canada, il ne faudrait pas l'oublier!
***
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    7 avril 2012

    Baliser la gratuité scolaire
    Faciliter l'endettement des étudiants comme le propose le gouvernement est une solution de broche à foin qui coûterait plus cher à gérer que cela rapporterait.
    Et cela diminuerait d'autant le financement des universités déjà sous-financées.
    La vraie solution à court, moyen et surtout long terme est la gratuité scolaire pour tous les Québécois , ce qui serait un gage de notre développement futur.
    Cependant, des balises doivent être mises en place.
    1.- Les critères d’admission dans les programmes doivent être justes mais non laxistes.
    2.- Le nombre d’années pour terminer un programme doit être raisonnablement limité.
    3.- En entreprenant ses études, l’étudiant s’engage à rembourser à l’État le coût de ses études s’il quitte le Québec avant d’y avoir travaillé un certain nombre d’années, au prorata du nombre d’années.
    4.- Les frais de scolarité devraient être la totalité des coûts réels de cette scolarité pour les non-résidents qui viennent ici profiter de notre système pour s’en aller ailleurs ensuite.
    L’éducation gratuite pour tous les Québécois facilitera l’accès de tous les jeunes à l’éducation et sera la meilleure façon d’augmenter à moyen et long terme notre productivité et le PIB par habitant, ce qui profitera à toute la population, riches et pauvres confondus. Plus de gens auront de meilleurs emplois et de meilleurs salaires, les riches paieront plus d’impôt, et la richesse créée permettra d’améliorer le filet social pour les personnes à faibles revenus.