TransCanada souhaite acheter le port de Cacouna, dont le gouvernement fédéral voudrait se départir. Et même si la pétrolière albertaine a déjà commencé les travaux en milieu marin afin de déterminer où serait construit son port pétrolier, le gouvernement du Québec demeure toujours silencieux dans ce dossier.
Transports Canada a confirmé jeudi au Devoir avoir déjà reçu une « lettre d’intention » de TransCanada dans laquelle l’entreprise signifie son intérêt pour l’acquisition du port de Cacouna, dans le Bas-Saint-Laurent. Une telle option est rendue possible en vertu du Programme de cession des ports du gouvernement fédéral.
« Pour l’instant, Transports Canada est toujours à analyser la demande, et ce, dans l’intérêt supérieur des contribuables, de l’économie et de la croissance à long terme », a précisé le ministère dans un bref courriel.
Feu vert aux forages
Le porte-parole de TransCanada, Philippe Cannon, a lui aussi indiqué que la pétrolière souhaiterait acquérir les installations portuaires. « L’important pour nous est de sécuriser l’espace nécessaire à nos opérations commerciales », a-t-il fait valoir par courriel.
« Il est primordial pour nous de rappeler que nous voulons ajouter à l’activité économique et ainsi, nous nous assurons d’avoir le projet le plus inclusif possible tant pour les utilisateurs actuels que les projets futurs », a ajouté M. Cannon. Il n’a pas donné de précisions sur les démarches entreprises par TransCanada auprès de Transports Canada.
Le porte-parole de la pétrolière n’a pas non plus précisé quand débuteront les prochains travaux en milieu marin dans le secteur de Cacouna. L’entreprise a déjà réalisé des levés sismiques en avril dans le but d’étudier le secteur où serait construit son port pétrolier. Ceux-ci se sont terminés le 30 avril, comme prévu.
Selon les informations disponibles, la deuxième phase de travaux pourrait débuter à la fin du mois de mai. TransCanada a obtenu de Pêches et Océans Canada l’autorisation de mener des forages. Aucun permis n’est nécessaire pour la réalisation de ces travaux. Des « conditions » à la réalisation des travaux ont toutefois été transmises par écrit à TransCanada. Mais Pêches et Océans Canada a refusé de transmettre une copie de ces conditions au Devoir.
Ces opérations seront menées alors que les bélugas se trouvent tout près, et sans évaluation environnementale des risques pour cette espèce menacée. Les bélugas sont en effet déjà présents dans le secteur de Cacouna, considéré comme un habitat essentiel pour cette espèce. Les femelles sont présentes et celles qui sont gestantes s’y retrouvent pour la période de mise bas, qui débute au mois de juin. Elles passent ensuite les premiers mois de la vie de leurs jeunes dans le secteur.
La période des naissances est particulièrement critique pour la survie de ces mammifères. Les chercheurs ont en effet constaté des taux de mortalité importants chez les jeunes bélugas au cours des dernières années. Qui plus est, ils ont observé un déclin général de l’espèce, qui ne compte plus que 800 individus, soit un recul de 12 % en à peine une décennie. La situation est telle que le statut des bélugas, en vertu de la Loi sur les espèces en péril, devrait passer de « menacé » à « en voie de disparition ». Selon les spécialistes, le port pétrolier et son trafic maritime majeur pourraient précipiter l’extinction des bélugas.
Silence à Québec
Même si ce projet d’exportation de pétrole des sables bitumineux se développe sur son territoire, le gouvernement du Québec demeure silencieux dans ce dossier. « Nous sommes à l’étude du dossier », a simplement répondu Gabriela Quiroz, attachée de presse du ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, David Heurtel.
« L’approche que nous préconisons est d’analyser rigoureusement tous les dossiers de façon globale et cohérente, dont celui du port pétrolier de Cacouna, qui s’inscrit dans la complexe filière des hydrocarbures », a ajouté Mme Quiroz dans un bref courriel. Québec n’a donné aucune précision quant à ses intentions par rapport au projet de port pétrolier. Impossible donc de savoir si le gouvernement de Philippe Couillard mènera une évaluation environnementale avant la construction. Même silence sur les controversés travaux qui ont déjà eu lieu. Le premier ministre a simplement dit, au cours de la campagne électorale, qu’il était favorable au projet.
Si le gouvernement libéral ne s’est pas encore impliqué dans le dossier, les groupes environnementaux se mobilisent depuis quelques semaines. Une manifestation réunissant environ 400 personnes a eu lieu la semaine dernière à Cacouna. Des opposants traverseront aussi le Saint-Laurent en kayak, des Bergeronnes à Cacouna, à la fin du mois. Une pétition lancée sur le site Avaaz et réclamant l’arrêt du projet a déjà recueilli 20 000 signatures. La MRC de L’Islet, dans le Bas-Saint-Laurent, a aussi voté une résolution d’opposition au projet de pipeline Énergie Est.
Les travaux préparatoires menés par TransCanada doivent permettre à la pétrolière de préciser sa demande d’approbation de projet à l’Office national de l’énergie (ONE). Cet organisme fédéral est chargé d’évaluer tout le projet de pipeline Énergie Est, qui permettra de transporter dès 2018 plus d’un million de barils de pétrole chaque jour vers le Nouveau-Brunswick, en passant par le Québec.
C’est dans ce cadre que TransCanada entend construire un port à Cacouna afin de charger des navires de pétrole en vue de l’exporter. Ces pétroliers pourraient transporter jusqu’à un million de barils de pétrole. Avec ce projet inédit dans l’histoire du Québec, la province deviendra un joueur clé dans la mise en marché des sables bitumineux. Selon la pétrolière, la décision de l’autoriser appartient à Ottawa.
TRANSPORT PÉTROLIER
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