Il y a 50 ans, à la suite de sa victoire aux primaires californiennes pour l’investiture comme candidat démocrate à la présidence, Robert F. Kennedy fut assassiné. Ce drame s’est produit deux mois après l’assassinat du révérend Martin Luther King, à Memphis, le 4 avril 1968. Ces évènements ont grandement affecté la saison politique de 1968, qui fut déjà bouleversée par des manifestants sur les campus universitaires contre la guerre au Vietnam, et par l’annonce du président Lyndon B. Johnson de ne pas solliciter un second terme à la Maison-Blanche. On a beau se rappeler cette dernière campagne de Bobby Kennedy, mais ce sont surtout ses combats qui retiennent notre attention, cinquante ans plus tard.
Les auteurs de ce texte se distinguent l’un de l’autre tant au niveau de l’âge que des idées politiques. L’un a vécu cette époque d’idéalisme, l’autre a un intérêt marqué pour l’histoire et se reconnaît grandement dans la noblesse des idéaux de Bobby Kennedy. Les deux souhaitent que l’on se souvienne de cette figure porteuse d’espoir.
Héritage majeur
Malgré le triste dénouement de la soirée du 4 juin 1968, il faut se remémorer ce que Bobby Kennedy représentait pour sa génération. Son héritage politique est largement distinct de celui de son illustre famille. Devenu critique de la guerre au Vietnam, il fut aussi un pourfendeur des inégalités dans la société américaine, et un critique ferme du système économique et de ses excès.
Ses paroles resteront gravées dans les livres d’histoire. Lors d’une visite en Afrique du Sud, en 1966, il a osé s’attaquer au régime d’apartheid imposé par le gouvernement sud-africain et géré par la minorité blanche de l’époque. Le soir de la mort de Martin Luther King, il a calmé les esprits à Indianapolis en faisant référence à l’importance de la compassion, de la sagesse et de l’amour pour lutter contre les injustices en Amérique. La qualité qui l’animait le plus chez l’humain était le courage moral – le courage de lutter contre les injustices et de prendre des risques pour apporter le vrai changement.
Un penseur critique
Le discours qui résume le mieux la pensée de Bobby Kennedy fut celui concernant le PIB, livré trois mois avant sa mort, et qui était tout, sauf anecdotique, rejetant les bases mêmes de l’obsession de la croissance illimitée : « Notre PIB prend en compte, dans ses calculs, la pollution de l’air, la publicité pour le tabac et les courses des ambulances qui ramassent les blessés sur nos routes. [...] Il comprend la production du napalm, des armes nucléaires et des voitures blindées de la police destinée à réprimer des émeutes dans nos villes. [...] En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux. Il ne mesure pas la beauté de notre poésie ou la solidité de nos mariages. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats politiques ou l’intégrité de nos représentants. Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. Il ne dit rien de notre sens de la compassion ou du dévouement envers notre pays. En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. »
Cinquante ans plus tard, il serait bon de relire ces mots et de nous en inspirer.
John Parisella est conseiller spécial, Stratégie et rayonnement au Cabinet de relations publiques NATIONAL. Simon-Pierre Savard-Tremblay est doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales, essayiste et blogueur au Journal de Montréal.