En 2019, Nicolas Sarkozy, c’est un souvenir qui revient parfois de façon involontaire dans l’actualité, comme samedi dernier, lors du saccage du Fouquet’s. Les Blacks Blocs n’ont visiblement pas vu le temps passer, deux quinquennats plus loin.
Parfois, l’ancien Président se rappelle délibérément au souvenir des Français, par des cartes postales choisies. La dernière, ce samedi 23 mars, est postée de Budapest. Budapest… c’est l’autre Europe, cette ex-Europe de l’Est devenue « populiste », conservatrice, poutinienne. Budapest, c’est la capitale de Viktor Orbán, le chef du camp ennemi dessiné par Emmanuel Macron.
C’est donc à Budapest, lors d’un colloque sur le thème des migrations, que Nicolas Sarkozy, dans un petit discours d’un quart d’heure, a apporté un soutien remarqué à Viktor Orbán.
« On essaye de faire de nos différences une force, c’est pour ça que je suis aux côtés de Viktor et du Fidesz. L’Europe ne doit pas être sectaire. Personne n’a de leçons à vous donner. Quand on a des frontières, on doit les défendre. On ne peut plus faire de tourisme social en Europe. On ne peut pas aller en Europe pour toucher des allocations. Je suis favorable à ce que les aides sociales ne soient dues qu’à partir de quatre ou cinq années de présence » (propos rapportés par L’Incorrect).
« Je suis sorti de mon silence pour défendre mon ami Viktor Orbán », a encore déclaré l’ancien Président.
Nul doute que cette prise de position sera remarquée, tant au niveau européen (Angela Merkel était dans l’auditoire) qu’au niveau national, où Nicolas Sarkozy s’affichait en soutien bienveillant du Président Macron. Un tel soutien à Viktor Orbán est une pierre jetée dans le jardin de l’Élysée.
Nicolas Sarkozy sent-il la fragilité d’Emmanuel Macron, embourbé dans une crise intérieure qui n’en finit pas ? Cherche-t-il à exploiter ses erreurs, notamment cette stratégie européenne de tension avec les pays conservateurs-populistes ? Ce serait de bonne guerre, surtout quand Emmanuel Macron les multiplie, notamment avec l’appel aux militaires pour maintenir l’ordre.
À un moment où le pouvoir macronien est très fragilisé (purge dans la police, appel inconsidéré à l’armée sans trop lui demander son avis, à ce qu’il paraît) et où aucune opposition, aucun leader ne s’impose, l’ancien Président sent qu’il a peut-être une carte à jouer. Avec ce va-t-en-guerre qu’est devenu Macron, tant au niveau européen qu’au plan intérieur, il a quelques atouts pour devenir le réconciliateur, le consensuel, en s’appuyant sur la majorité des Français qui aspirent à l’ordre et à des positions fermes sur l’immigration. Lui, l’homme de la rupture et du clivage, avait aussi été celui qui mit fin aux manifestations contre le CIP en 2005, qui avait géré au mieux la crise financière et le négociateur européen lors de la crise en Géorgie en 2008.
Crise européenne, crise financière, mouvement social que l’exécutif actuel n’arrive pas à maîtriser : il y a là un alignement des planètes qui pourrait lui donner des idées. On comprend, dans ces conditions, que Viktor Orbán, dont la fermeté et la constance lui ont permis d’être triomphalement réélu depuis dix ans, soit devenu pour lui un modèle. De ce qu’il voudrait incarner ? Ou de ce qu’il n’a pas réussi à être ?