Au Québec, il n'y a pas que les rivières qui se font détourner; il y a aussi des sociétés d'État. Après la Caisse de dépôt détournée de sa mission de départ avec les conséquences que l'on sait (perte de 40 milliards, ce qui explique en partie l'urgence du gouvernement actuel de renflouer les coffres de l'État), maintenant c'est Hydro-Québec que l'on veut détourner en la transformant en machine à dividendes avant d'être une machine à profit. Ne nous trompons pas! La hausse des tarifs que le gouvernement nous prépare n'est que le prélude inéluctable à une campagne pour la privatisation d'Hydro-Québec.
Pour saisir l'ampleur de ce détournement, il faut faire un peu d'histoire. Jamais, depuis la bataille des années 1930 contre «le trust de l'électricité» jusqu'à l'élection référendaire de 1962 sur la nationalisation des compagnies d'électricité privées, n'a-t-il été question de renflouer les coffres de l'État par la commercialisation de ce «service public» qu'est l'électricité, ni d'opposer ce service aux autres services comme ceux de l'éducation ou de la santé. Mais le gouvernement Charest le fait allègrement.
Ni Hydro-Québec ni ses patrons gouvernementaux ne nous ont jamais prévenus qu'un jour, alors que nous serions pris dans leur marché captif, ils feraient monter en flèche les tarifs pour ce service essentiel qu'est l'électricité.
Choix du Québec
Contre vents et marées, le Québec a fait le bon choix de l'hydroélectricité depuis plus de 50 ans, sans la moindre aide du gouvernement fédéral. Si le Québec se permet aujourd'hui de faire la morale à d'autres en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, c'est grâce à ce choix. Si le Québec réussit mieux aujourd'hui que d'autres à protéger les pauvres et à combattre la pauvreté -- pardon, protéger les moins nantis et combattre le moins nantissement (dixit Raymond Bachand et Clément Gignac) --, c'est grâce à ce choix.
Le Québec a fait ce choix, mais les Québécois ont bien joué le jeu, et depuis toujours. Sans cette participation constante de la population québécoise, autant politique que financière, il n'y aurait pas de complexes hydroélectriques de la Baie-James, de la Manicouagan, de Churchill Falls. Car si les Québécois à la grandeur du Québec n'avaient pas accepté de se convertir au chauffage électrique, en le payant de leur poche soit par des investissements personnels soit par des programmes gouvernementaux, le Québec n'aurait jamais pu faire ces grands projets. Qui aurait financé des projets semblables sans être assuré qu'il y avait un débouché captif pour toute cette électricité? Ceux qui en doutent n'ont qu'à demander aux Terre-Neuviens pourquoi ils n'ont jamais développé le bas Churchill. Rappelons aussi que les interconnexions permettant la vente de l'électricité à gros prix à l'étranger n'existent que depuis les années 1990.
Totale incompétence
Depuis les années 1960, les Québécois y ont participé de bon gré, à ce grand projet tellement réussi. Et ils ont le droit d'en profiter! Ça fait d'ailleurs partie de notre identité distincte et de notre force.
Ceux qui n'ont à promouvoir aujourd'hui que la hausse des tarifs d'électricité -- mais toujours avec un petit trémolo au sujet de leurs moins nantis -- ne font qu'avouer leur totale incompétence à proposer des idées économiques et sociales audacieuses pour développer le Québec qui tiennent compte de la formidable histoire de notre société d'État. Il est temps d'arrêter ce détournement honteux!
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Robin Philpot, Essayiste, l'auteur a travaillé chez Hydro-Québec de 1987 à 1999
Tarifs d'électricité - Halte au détournement des sociétés d'État
Ne nous trompons pas! La hausse des tarifs que le gouvernement nous prépare n'est que le prélude inéluctable à une campagne pour la privatisation d'Hydro-Québec.
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