Feu le Conseil de presse du Québec ?

Médias et politique


Le Conseil de presse du Québec vit-il ses dernier jours? Deux faits récents nous obligent à poser cette question. Et si la réponse est Oui et que le Conseil est mourant, une autre question incontournable se pose : reste-t-il au Québec un recours aux citoyens qui se sentent lésés par les grands médias d’information? Surtout, s’ils croient également à la liberté d’expression, ce qui milite contre un procès en diffamation, ou encore s’ils n’ont pas les moyens d’affronter une meute d’avocats aguerris et grassement payés par ces mêmes médias?
Le premier fait, dont il a été amplement question dans les médias, fut le retrait du Conseil de presse de l’Association québécoise des télédiffuseurs et radiodiffuseurs (AQTR) en décembre 2008. L’AQTR regroupe rien de moins que TVA, TQS, Astral, Corus, RDS et Radio-Nord. Il s’agit là d’un énorme morceau pour ce « tribunal d’honneur » dont le mandat consiste à « promouvoir le respect des plus hautes normes éthiques en matière de droits et responsabilités de la presse » et qui pouvait jusque-là prétendre que son action « s’étend à tous les médias d’information distribués ou diffusés qu Québec ».
Le second fait, moins connu en raison de la concentration des médias, c’est la désinvolture du quotidien La Presse et du réseau GESCA à l’égard des décisions du Conseil de presse les concernant. Et puisque La Presse/GESCA collabore étroitement avec Radio-Canada en vertu d’ententes qui datent de novembre 2001, cette désinvolture prend l’allure d’une contagion. Rappelons que, selon Règlement No 3, à l’article 8.2 du Conseil de presse « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises membres s’engagent pour leur part à respecter cette obligation. » La Presse comme tous les journaux de GESCA sont membres du Conseil de presse.
L’exemple de cette désinvolture concerne l’auteur de ces lignes. Le 5 mars 2009, le Conseil a retenu ma plainte contre le journaliste André Noël et le quotidien La Presse au sujet d’un article publié le 28 mars 2008 à la veille d’un conférence intitulée [Les médias et le Rwanda : la difficile recherche de la vérité->11347]. La décision, qui fait 7 pages, se termine comme suit : « Pour l'ensemble de ces raisons, le Conseil de presse retient la plainte de M. Robin Philpot contre le journaliste André Noël et le quotidien La Presse principalement aux motifs de manquements à l’équilibre et d'atteinte à la dignité de la personne. » [www.conseildepresse.qc.ca->www.conseildepresse.qc.ca]. Le Conseil a rendu public la décision par voie de communiqué de presse le 1er avril 2009. De tous les médias québécois, à notre connaissance, seul le journal Le Devoir a fait état de cette décision. Pas un mot dans La Presse, ni sur Cyberpresse, ni dans aucun journal de GESCA!
Et pourtant, un tribunal d’honneur composé de journalistes et de représentants des médias a conclu que le plus important quotidien québécois, qui fait partie d’un réseau de quotidiens qui regroupe 70 % des quotidiens francophones du Québec, avait manqué à l’équilibre et, surtout, avait porté « atteinte à la dignité de la personne » du plaignant. Ce n’est pas rien! Dans d’autres circonstances, une telle décision aurait peut-être mérité un dédommagement financier d’envergure!
Mais pour quelqu’un qui croit fermement à la liberté de presse, un tribunal d’honneur, où des pairs jugent les pairs sans autre menace que mauvaise note donnée par ses pairs, représente une bien meilleure façon de se faire respecter et de veiller au respect des plus hautes normes en matière de liberté de presse et de droits et responsabilités de la presse.
À LA condition, toutefois, que la décision soit largement diffusée par les médias! Sinon, la décision du Conseil de presse n’existe à peu près pas et n’a aucune valeur!
Il est utile de rappeler que le Conseil de presse, à l’instar la Fédération professionnelle des journalistes du Québec fondée en 1969, a été créé en 1973 dans la foulée de la tentative de l’homme d’affaires Paul Desmarais et de Power Corporation de mettre la main sur un ensemble de médias québécois importants après avoir pris le contrôle de La Presse en 1967. La création du Conseil de presse faisait suite à une Commission parlementaire spéciale de l’Assemblée nationale du Québec créée en 1969 pour se pencher sur cette concentration des médias d’information ainsi que d’un comité spécial du Sénat canadien qui avait emboîté le pas à l’Assemblée nationale.
Alors que Paul Desmarais et Power Corporation pouvaient se targuer d’avoir été, par un effet pervers, à l’origine du Conseil de presse, seront-ils, par leur désinvolture ses fossoyeurs en 2009?
***
Robin Philpot
Auteur de Derrière l’État Desmarais : Power (Les Intouchables 2008).


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 mai 2009

    C'est bien connu, il existe une entente secrète entre radio-Canada et Gesca. Comme il est curieux de constater qu'aucun journaliste de chacune de ces deux institutions ne cherche à faire la lumière sur cette nébuleuse entente! Pourquoi les journalistes de ces deux augustes institutions nous privent-ils d'une enquête qui pourrait faire la lumière sur la convergence médiatique et informative entre une entreprise publique et une entreprise privée.
    Ces journalistes ont-ils tous perdu le goût de l'enquête, le goût d'aller au fond des dossiers d'intérêt public? Ou encore les contraint-on à ne pas y aller? Je crois qu'il n'est difficile de répondre à ces questions.
    Jacques Lamothe

  • Michel Guay Répondre

    7 mai 2009

    L'information c'est ce qui décide de la vie ou la mort d'une nation et les fédéralistes le savent en livrant tous nos médias à des étrangers canadians ou pro canadians ou à des collabos connus .

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mai 2009

    Malgré le discours plus distant que je vais tenir en grande partie à cause de ma connaissance encore imprécise des institutions qui encadrent les journalistes du Québec depuis les années fin 1960 début 1970. Voilà, je crois qu'il est possible d'envisager aujourd'hui en 2009 cette année des solutions concrètes pratiques qui nous mènent à obtenir notre droit à l'information qui est actuellement humilié de façon cynique et arrogante. En effet les conflits de travail les difficultés à se financer des grands médias et le changement occasionné par internet ouvrent des fissures dans le système médiatique par oũ l'intérêt publique pourrait s'introduire et casser le totalitarisme médiatique qui semble devenir autrement une fatalité
    Donc on s'entend le conseil de presse serait une bonne institution honnête compétente mais confinée dans une sorte de placard politique... Dieu sait pourquoi...
    Je me souviens d'avoir entendu les excuses de radio-canada au sujet de la couverture de Michel Morin sur la SGF et Blanchet (Michel Morin préparait les résultats des élections de 2003...) lu par Céline Galipeault un samedi soir en fin de soirée...
    On a la chaine publique d'Ottawa qu'on mérite... avec son éclairage un peu gothique...qui défend les intérêts privés qui sont son moyen de casser l'État Québécois et des chaines privées de rapaces au service de rapaces contre les intérêts publiques.
    il faut une chaine de nouvelles publique au Québec pour les intérêts des Québécois ou trouver le moyen de casser les règles du jeu qui transforment les chiens de garde de la démocratie en défenseur des rapaces.
    Ce ne sont pas seulement les politiciens qui sont des vendeurs de chars ce sont les journalistes notre première ligne de défense..
    Sans une chaine nationale publique (qu'on pourrait actuellement essayer d'instaurer malgré le mauvais gouvernement un peu à la façon dont Duplessis a crée un impôt québécois sans demander au gouvernement ... d'Ottawa) , sinon il faudrait quelque chose qui soit comme des polices dans les chaines d'information privées qui saturent l'espace publique pour défendre notre droit à l'information, information dont ils ont malheureusement le monopole... droit dont la transgression délibéré devrait être considéré comme un crime grave particulièrement si cette transgression est faite dans le but de piller notre État du Québec .
    Pour ceux qui craignent une sorte de totalitarisme ou je ne sais quel "état policier" est-ce que nous ne sommes pas déjà dans un état de cette sorte quand un mensonge publié dans les médias privées ou publiques (Ottawa) ne peut être reconnu publiquement comme tel et diffusé adéquatement dans l'intérêt publique ? Il faut une chaine nationale qui puisse donner la réplique à Québécor et Gesca. Actuellement les médias privés sont tout seul sur la patinoire...
    Je parle un peu gros un peu fort parce que je trouve la situation actuelle désespérée et dangereuse pour nos intérêts.
    Il n'y a rien pas une volonté nette en tout cas qui semble en voie de permettre de rétablir un équilibre si il y en a jamais eu...
    Mieux vaut peut-être dépasser les bornes que de rester dans les limites qui nous semblent assigner pour d'excellentes raisons. On ne peut pas confier l'information d'intérêt publique exclusivement à des médias marginaux, il faut quelque chose qui soit à la mesure de notre État et visiblement ce ne sont ni Gesca ni Québécor et certainement pas radio-canada Ottawa non plus bien au contraire.
    François Therrien

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mai 2009

    Suite
    La décision en appel a été maintenue, mais aucun média n'en a fait état, ni GESCA, ni bien sûr Canoë. Voir - Conseil de presse - Luc Archambault VS JdQ.
    Seule consolation... M. Luc Lavoie, V-p exécutif Quebecor annonçait, comme « par hasard » le 18 mai 2006, ± six semaines après la publication de la décision de première instance jamais publiée dans les médias de masse, ( Voir Action nationale ) que « L'éditeur et chef de la direction du Journal de Québec, M. Jean-Claude L'Abbée, a décidé de prendre sa retraite, après 32 ans de loyaux services » à l'âge de 55 ans... Carrefour de presse - Quebecor -
    Cependant, le JdQ interjetait appel, non sans que la « retraite » de M. L'Abbée ne lance opportunément le message au membre du Conseil de presse... « Quebecor a réglé le problème, autant revoir la décision en appel... pour retirer le grief attribué en première instance... »
    Mais ce ne fut pas le cas. Par la suite, M. L'Abbée a été candidat vedette du PLQ dans Vanier en 2007 en tant que poids lourds de Jean Charest. Il a été défait par Sylvain Légaré de l'ADQ. Aux dernières nouvelles il publiait la « Chronique urbaine de Jean-Claude L'Abbée » dans les Québec-Hebdo, L'Habitation, des composantes de Transcontinental. S'il s'agit bien du même Jean-Claude L'Abbée...
    Mes demandes d'excuses sont restées lettre mortes ( Lettre du 19 janvier 2007 ). Normal, les médias passent sous silence ou s'abstiennent de faire les amandes honorables concernant ce qui pourtant à été mis évidence dans leurs pages.
    Le Conseil de presse n'est jamais né. Il ne peut pas mourir !
    Le Conseil de presse, comme le BAPE, sont des faux-semblants. Ce sont des garde-fou illusoires qui nous donne l'impression d'être protéger. Quand CESCA a mis en place le Conseil de presse, ce n'était que pour donner l'impression que la concentration de la presse n'avait pas d'incidence. La supposée rivalité GESCA CANOË est une illusion du même ordre. Leur silence réciproque prouve bien leur collusion de fait. Contrairement à M. Philpot, je ne dirais pas « Feu le Conseil de presse ». Je dirais que le Conseil de presse n'est jamais né. Il est mort né de par l'entente avérée ou tacite reliée à la non-publication conséquente des décisions qui sont censée nous protéger de leur abusif contrôle de l'information.
    La seule alternative, une information alternative.
    L'encouragement de la fréquentation et de l'utilisation de médias alternatifs.
    - Cet encouragement commence par son utilisation de plus en plus conséquente par les vedettes souverainistes. M. Philpot est l'une de celles-là. Le fait qu'il publie ici cet article est un bon signe.
    - Le fait que Pierre Falardeau publie dans l'Aut'journal est aussi un des éléments attractifs qui pourra un jour faire en sorte que nous ayons de plus en plus le réflexe de fréquenter ces médias alternatifs.
    - D'autres vedettes doivent emboîter le pas. Jusqu'à réserver l'exclusivité de leurs prises de positions à Vigile ou l'Aut'journal. Ce qui ferait que les médias de masse serait contraints d'en référer à ces médias, et non l'inverse...
    - Je pense aux Parizeau, Landry, etc. Celles et ceux entre autres qui ne comptent pas sur le « salaire de la peur » pour vivre et mettre du pain sur leur table.
    Je suggère dans le cas qui nous occupe d'ouvrir ici dans Vigile un Dossier NOIR - Conseil de presse colligeant et publicisant toutes ses décisions ainsi que les liens vers les infos pertinentes. À commencer par les deux dossiers ici mis en évidence.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mai 2009

    M. Philpot a tout à fait raison de dénoncer ces failles primordiales et essentielles dans le mandat que prétend endosser le Conseil de presse pour défendre à la fois la liberté de presse et les règles qui doivent encadrer cette liberté pour nous protéger contre les erreurs et les manquements des médias, contre les abus de la concentration de la presse et contre la partisanerie ou le parti-pris éditorial de ces médias par trop sujet à se retrouver aussi dans la présentation même de la nouvelle. Comme une plainte je j'ai faite au Conseil de presse contre le JdQ l'a prouvé.
    M. Philpot a tout à fait raison d'identifier le problème que pose la non-publication des décisions du Conseil de presse comme étant la faille principale qui fait de ce seul outil de protection une coquille vide. Pire, un leurre qui ne profite qu'aux médias qui inventent par là une supposée liberté de presse responsable, ce qui bien sûr n'est pas le cas.
    CESCA doit assumer ses responsabilités à cet égard. Mais il n'a jamais été question de le faire. Cela parce qu'il n'est pas le seul à y trouver intérêt. Là est la question. En effet, si GESCA peut se permettre de ne pas publier les décisions du Conseil de presse, c'est que l'entreprise de presse constituer pour canadianiser le Québec, peut compter sur le silence de ses supposés « concurrents ». En effet, ce n'est pas Canoë qui publiera les décisions qui embarrassent GESCA. Tout simplement parce qu'une entente avérée ou tacite fait en sorte que Canoë de son côté peut compter sur la réserve de GESCA dans pareil le cas contraire.
    J'en veux pour preuve un cas semblable où le Journal de Québec, son éditeur de l'époque, Jean-Claude L'Abbé, et la journaliste Annie Saint-Pierre ont été blâmé(e)s par un grief retenu, pour avoir contrevenu à l'une des règles essentielles de la « déontologie journalistique » qui réprouve le « cumul des genres journalistiques ». Soit dit en passant, il n'y a pas de « code » déontologiques, seulement un ensemble de principes à respecter...
    Un journaliste prenant position éditoriale dans un dossier, ne peut en même temps sur ce même dossier agir en tant que « journaliste » sur le terrain. Le genre éditorial ne peut être pratiqué par une même personne dans un même dossier à titre de journaliste.
    Le grief contre le JdQ dont je parle concerne la couverture éditoriale et journalistique dans le dossier RABASKA. Je Journal de Québec a pris fait et cause pour le projet du promoteur multinational dans ces pages et la « journaliste » Annie Saint-Pierre l'a fait en prenant position en faveur d'un référendum qui était prôné par le promoteur, or, c'est elle qui a été assignée pour faire la couverture journalistique du projet, notamment dans un long reportage dont la publication s'étalait sur plusieurs jours et portant sur des installations supposées similaires en France.
    J'ai protesté comme d'autres. M. L'Abbée a consacré un « éditorial » entier pour me vilipender parce que j'osais parler d'en référer au Conseil de presse. Il a remis en question ma « bonne foi » en prétendant que j'étais de « mauvaise foi ». Le Conseil de presse s'est prononcé en première instance en faveur de la partie essentielle de ma plainte. Mais a refusé de convenir du fait que ma bonne foi était ainsi prouvée et que les accusations de mauvaise foi à mon égard n'étaient pas fondées. Mais sur l'essentiel le Conseil de presse à donné raison à ma plainte. Commotion au JdQ. M. L'Abbée s'est retiré du dossier et un bureau d'avocat de Montréal a porté le tout en appel, cependant que Madame Saint-Pierre continuait à être assignée par M. L'Abbée, éditeur du JdQ, à la couverture journalistique du dossier Rabaska, malgré la décision du Conseil de presse dénonçant ce cumul des genres journalistiques et attribuant au JdQ un grief pour avoir attribué tel mandat à la journaliste... Cherchez l'erreur !
    Suite ici-bas