Syrie : le trouble jeu de l’Occident

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«La diplomatie française jamais en retard d'un retard»

Jamais guerre civile, depuis la guerre d’Espagne, ne fut plus internationalisée. Comme les avions, les hélicoptères et les missiles dans l’espace aérien de la Syrie et de l’Irak, les intentions, les interventions, les mensonges et les arrière-pensées se multiplient et se croisent, au risque croissant de se heurter, dans l’espace géopolitique du Moyen-Orient.

La fracassante entrée en lice de la Russie dans le conflit ne pouvait manquer d’agacer et d’inquiéter les États-Unis, où l’on s’était flatté, depuis son effondrement sous le règne titubant d’Eltsine, d’avoir sorti du jeu le grand pays que dirige aujourd’hui d’une main de fer Vladimir Poutine. Mais l’accueil fait par la propagande nord-américaine et celle des États alliés et satellites de Washington aux premières frappes aériennes menées par l’aviation russe fait ressortir toutes les ambiguïtés et toutes les hypocrisies, et le trouble, voire le double jeu qui caractérisent la coalition des quelque soixante pays censés faire la guerre à Daech, et qui la lui font de si étrange façon.


Les bombardements russes, nous explique-t-on de toutes parts, ne visaient pas les positions tenues par le prétendu État islamique mais des zones déjà « libérées » par la rébellion syrienne. C’est exact et parfaitement conforme aux objectifs très explicites de l’alliance qui vient de se nouer ou de se renforcer entre l’Iran, l’Irak, la Russie et Damas. Dans l’esprit de ses promoteurs, l’appui aérien de Moscou et l’engagement au sol de troupes iraniennes et du Hezbollah libanais ont pour but, dans un premier temps, d’éviter un écroulement du régime syrien générateur d’un chaos semblable à celui que connaît l’Irak depuis la chute de Saddam Hussein, dans un second temps, avec l’aide, s’il se peut et s’il le veut, de l’Occident, d’éradiquer Daech et de ramener l’ordre et la paix dans toute la région que contrôle actuellement le gang des barbares.

Vaste programme, et qui suppose pour sa deuxième phase que soient clairement définis les camps ami et ennemi et que, dans cette affaire, chacun ait bien les mêmes alliés et les mêmes adversaires. Or, les derniers événements prouvent à l’évidence qu’il n’en est rien. Alors que la Russie ne se soucie nullement de faire le tri entre celles de ses actions qui pourraient renforcer Bachar el-Assad et celles qui pourraient l’affaiblir, les États-Unis et, dans leur sillage, la diplomatie française, jamais en retard d’un retard, s’accrochent à la chimère d’une rébellion syrienne modérée et à la fiction d’une alternative démocratique à Bachar, alors que dans les régions frappées par les Soukhoï, l’Armée syrienne « libre » est depuis longtemps passée sous la coupe de l’Armée de la conquête, filiale d’Al-Qaïda entre les mains de laquelle ont atterri les armes livrées par les Américains. Ces rebelles « modérés » ne sont pas modérément salafistes. Qui eût cru, le 11 septembre 2001, qu’un président américain aurait partie liée, même indirectement, avec les héritiers d’Oussama ben Laden ? Quant à la Turquie de M. Erdoğan et aux États du Golfe, tétanisés par la crainte de voir se constituer dans leur voisinage un « croissant chiite » uni et fort, et unis par une aversion commune envers la Syrie laïque et multiculturelle de Bachar, ils persistent malgré les déclarations officielles dans une attitude de belligérance non active à l’égard d’un pseudo-État fanatique, sanguinaire et criminel, mais sunnite qui prospère à l’ombre de leur complicité et de notre lâcheté.

En définitive, il suffit, pour y voir clair dans le problème que nous pose aujourd’hui l’Orient prétendument compliqué, de distinguer parmi les membres de la prétendue coalition anti-Daech entre ceux qui à la question « Plutôt Bachar que Daech ? » répondent « Plutôt Bachar », ceux qui répondent « Plutôt Daech », ce qui a pour mérite d’être clair, et ceux qui disent benoîtement « Ni l’un ni l’autre », ce qui est inepte. Ces derniers vont répétant comme un mantra depuis des mois, voire des années : « La seule solution est politique ». À la fin des années trente, leurs ancêtres disaient déjà : « Il faut traiter avec Hitler. » Il y a des cas, hélas, où la seule solution est militaire.


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