Les référendums sur la réforme du mode de scrutin peuvent être publiquement proposés afin de recueillir un plus grand soutien de la population, mais ils peuvent aussi être proposés afin de dresser un obstacle additionnel permettant de concentrer l’opposition sur un projet de réforme. Dans une démarche référendaire, les opposants peuvent se contenter de soulever des doutes sur la nouvelle proposition de mode de scrutin, remettre en question les motifs de ses défenseurs ou mettre en garde le public, tandis que ceux qui font la promotion d’une réforme doivent éduquer et persuader le public d’appuyer le changement. Dans ce contexte, les électeurs doivent se familiariser avec plusieurs concepts et les campagnes d’information sont habituellement courtes. Les référendums sont ainsi des barrières additionnelles sur la trajectoire permettant l’adoption d’une réforme du mode de scrutin. Par le passé, ce sont les adversaires de la réforme du mode de scrutin qui ont proposé la tenue d’un référendum. Par exemple, les prises de position du Parti québécois, alors qu’il était dans l’opposition lors du premier gouvernement libéral de Jean Charest (2003-2007), allaient en ce sens.
Comprenons-nous bien, les référendums sont des instruments de démocratie pertinents qui permettent de consulter directement les citoyens. Toutefois, ils devraient être utilisés lorsque le gouvernement veut légitimer un grand projet de réforme (lorsque les appuis en question sont initialement assez faibles) ou lorsque le gouvernement veut répondre à une demande exprimée fortement par la population.
Le consensus sur la réforme du mode de scrutin est déjà suffisamment fort pour procéder. Depuis décembre 2018, il y a 95 députés, totalisant 70,6 % du vote populaire, qui représentent un parti politique qui soutient cette réforme, soit la Coalition avenir Québec, le Parti québécois et Québec solidaire. De plus, le Parti libéral du Québec a montré récemment une ouverture en votant unanimement pour une motion le 3 avril dernier, avec les trois autres partis, appuyant six principes essentiels à un système électoral réellement démocratique. Ces principes sont les mêmes qui sont contenus dans l’entente transpartisane signée par les autres partis en mai 2018. Depuis 2015, les Québécois ont été sondés à trois reprises et les appuis à la réforme du mode de scrutin se situent toujours entre 64 % et 70 %. Aujourd’hui, il y a un fort consensus social et politique sur la réforme du mode de scrutin au Québec. Dans ces circonstances, tenir un référendum ne ferait que reporter une fois de plus une prise de décision dans ce dossier. Il est important de noter que la majorité des réformes du mode de scrutin dans le monde ont été dispensées de l’obligation de tenir un référendum.
Après le dépôt du projet de loi d’ici le 1er octobre 2019, une consultation publique se tiendra entre 2019 et 2020 qui permettra aux Québécois de débattre collectivement de cet enjeu. À cette occasion, si les citoyens exigent fortement la tenue d’un référendum et que cette volonté s’exprime aussi dans les sondages, le gouvernement devra répondre à cette demande et la tenue d’un référendum sera alors justifiée. Si cette voie est choisie, le référendum devra porter sur une question simple demandant aux Québécois s’ils veulent adopter le nouveau mode de scrutin, question à laquelle ils répondront par un oui ou par un non, et l’État devra financer une campagne d’éducation publique neutre afin que la population puisse bien maîtriser le sujet sur lequel elle devra voter.
Un bon compromis serait de tenir un référendum de validation, après au moins deux élections générales avec le nouveau mode de scrutin, comme ce fut fait en Nouvelle-Zélande. Huit ans après avoir expérimenté le nouveau système, les Québécois pourraient effectuer un choix éclairé entre le maintien du nouveau mode de scrutin et le retour au scrutin majoritaire uninominal à un tour, en connaissance des avantages et des désavantages de chacune de ces formules.