Statistiques Canada prévoit un déclin continu du français au Québec

Chronique de notre mort annoncée par Statistique Canada


Un entrefilet dans le bulletin de nouvelles en ligne de Statistiques Canada « Le Quotidien », nous apprenait « qu’à l’aube du 150e anniversaire de la Confédération », Statistiques Canada venait de publier ses projections linguistiques pour le Canada de 2011 à 2036.



Cette étude est à ma connaissance la première du genre publiée par Statistiques Canada. Comble de luxe, Statistiques Canada se permet de projeter la langue maternelle en plus de la langue la plus souvent parlée à la maison ainsi que la « première langue officielle parlée (PLOP) » selon plusieurs scénarios de faible ou forte immigration, de distribution de l’immigration, de croissance économique et de migration interne.



Bref, voilà des données qui devraient nourrir les discussions de tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de la langue française au Canada et au Québec.



Cet avenir du français quel est-il?



Tous les scénarios publiés indiquent un déclin continu du français au Québec soit comme langue maternelle, soit comme langue parlée à la maison. En revanche, ils indiquent une croissance de l’anglais comme langue maternelle ou comme langue parlée à la maison au Québec.



Selon le scénario de référence utilisé par Statistiques Canada, pour le Québec, le pourcentage de francophones (langue maternelle) baissera de 78,9% en 2011 à 70,1% en 2036. Il pourrait même baisser jusqu’à 69% dans le scénario de forte immigration (350 000 immigrants au Canada par année).



Le pourcentage d’anglophones augmentera de 8,2% à 8,7%. Le pourcentage d’allophones passera de 12,9% à 21,2%. Pour ce qui est de la langue parlée le plus souvent à la maison, les francophones chuteront de 81,6% en 2011 à 74,4% en 2036. Les anglophones croîtront de 10,7% à 12,6%.



Déclin très substantiel du français au Québec, mais augmentation du poids de l’anglais. Comme le Québec accueille peu d’immigrants dont la langue maternelle soit l’anglais (environ 5%), la vigueur de la langue anglaise au Québec est largement due aux transferts linguistiques vers l’anglais effectués au Québec.



Cela est aussi clair dans les chiffres sur la langue parlée à la maison : les anglophones assimilent beaucoup plus que la part qui devrait leur revenir si la force d’attraction des langues au Québec reflétait le poids démographique relatif du français et de l’anglais.



Le déclin du français se fera sentir sévèrement sur l’ile de Montréal et dans ses couronnes. Sur l’ile de Montréal, les francophones (langue maternelle) passeront de 48% en 2011 à 44% en 2036. Hors de l’ile de Montréal (dans la couronne), le français langue maternelle baissera à 67%. Comment peut-on affirmer qu’il suffit de garder les familles francophones sur l’ile de Montréal pour régler le problème du français à Montréal alors que le poids démographique des francophones recule de Brossard à Blainville?



Hors-Québec, sans surprises, le pourcentage de francophones continuera son déclin en passant de 3,8% à 2,7%. Comment peut-on affirmer, comme le Ministre Jean-Marc Fournier que « Le français n’est plus sur la défensive : il progresse, il est fier et il s’affirme »?



Au cœur du problème de l’érosion du poids du français au Québec et au Canada se trouve la dynamique ou la force d’attraction des langues.



Au Québec, le français recueille seulement environ la moitié des transferts linguistiques effectués par les allophones (alors que ce devrait être autour de 90%). Au Canada hors-Québec, le français obtient environ 0% des transferts linguistiques. Cela constitue une grave injustice. Une injustice qui donc nous condamne lentement à la marginalisation.



Un postulat est implicite dans les scénarios étudiés : que le Québec continuera sa politique de laisser-aller en ce qui concerne la dynamique des langues au Québec ou se contentera de vœux pieux ou de «bouquets  de mesures » cosmétiques comme il le fait depuis 20 ans.



Cependant, comme l’a montré l’exemple de la loi 101, les tendances pourraient être renversées par l’adoption de réelles mesures structurantes telles que l’extension de la loi 101 aux études post-secondaires et la fin du bilinguisme sur demande de l’État Québécois.



Une autre conséquence découle des données présentées, mais n’est pas souvent évoquée : la perte de poids démographique des francophones s’accompagne d’une perte de poids politique.



Cela est manifeste au Canada où Stephen Harper a réussi à faire élire un gouvernement majoritaire sans l’appui du Québec il y a quelques années. Mais cela est aussi vrai désormais au Québec.



Le politologue Pierre Serré avait prouvé dans sa thèse de doctorat qu’il n’y avait plus d’alternance politique possible dans un comté au Québec dès que le pourcentage de francophones chutait sous les 80% environ, c’est-à-dire qu’à partir de ce seuil, le Parti Libéral était systématiquement élu.



Cet effet fait en sorte qu’actuellement, le PLQ part avec une base de 40 à 45 sièges acquis à chaque élection.



Les données de Statistiques Canada démontrent que cette base est appelée à grossir et qu’à moyen terme, les Québécois risquent de se retrouver en régime politique à parti unique et de perdre définitivement le contrôle politique de leur destinée.



Ne reste à Statistiques Canada qu’à coupler ce modèle démographique avec un modèle de prévision politique. Un tel modèle couplé nous informerait à quel moment la domination politique du PLQ sera totale et définitive au Québec.



A moins bien sûr, de passer des mesures structurantes en faveur du français. Bon 150e de la Confédération en passant!



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