Depuis quelques années déjà, les gouvernements trompent leur population en modifiant certaines statistiques officielles. Statistiques Canada ne fait pas exception. Les instruments essentiels qui sont utilisés pour mesurer la force et la vigueur de l’économie sont modifiés délibérément pour éviter que la population ne s’y intéresse de trop près. La mesure de l’inflation par exemple est un facteur très important quand on parle des prix à la consommation et de la masse monétaire. Plusieurs décisions extrêmement importantes affectant nos vies sont prises sur la base de cette donnée. Par exemple, je ne crois pas que la population verrait d’un bon oeil que la Banque Centrale du Canada abaisse son taux directeur à 0,25% sachant que le taux d’inflation réel est d’environ 10%. Très probablement que vous devanceriez l’achat d’une maison ou d’une voiture si vous savez qu’à la même date l’an prochain, chaque dollar que vous possédez aura perdu 10% de son pouvoir d’achat… parce que c’est ça la plus grande conséquence de l’inflation, une diminution de votre pouvoir d’achat. À ce rythme-là, il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’on descende dans la rue et qu’on marche sur le parlement pour faire tomber le gouvernement.
Maintenant, examinons la manière dont l’inflation est mesurée. Si vous deviez mesurer l’inflation, vous calculeriez probablement la variation du coût d’un panier de marchandises d’une année à l’autre, en soustrayant le premier montant au deuxième, et en mettant ensuite le résultat sur 100. Et votre méthode, en fait, serait la manière utilisée pour mesurer officiellement l’inflation jusqu’au début des années 80.
Depuis le début des années 80, les gouvernements ont apporté une multitude de changements à la façon de calculer l’inflation, très graduellement. Les plus grandes modifications ont été faites dans les années 90. Depuis ces changements, nous mesurons l’inflation en utilisant 3 composantes : la substitution, la pondération et ce qu’on appelle l’hédonisme.
De nos jours, nous ne mesurons plus simplement le coût des biens et des services d’une année à l’autre en raison de quelque chose appelée l’effet de substitution. Par l’effet de substitution, Statistiques Canada assume que lorsque le prix d’un produit augmente, les gens se rabattent automatiquement sur un produit qui est meilleur marché. Disons par exemple que dans notre panier de marchandise se trouve du saumon. Si le prix du saumon augmente trop pendant l’année, on le substitue par quelque chose de moins cher, comme des hot-dogs. C’est de cette façon que Statistiques Canada a calculé que le coût de la nourriture en 2010 n’a augmenté que de 2,1 % alors que des produits majeurs comme le sucre, le blé et le maïs ont fait des bonds de plus de 50 %. L’un des impacts de l’utilisation de la substitution est que notre mesure d’inflation ne mesure plus le coût de la vie, mais le coût de la survie.
Les produits dont le prix augmente trop rapidement sont aussi soumis à ce qu’on appelle la pondération géométrique. Simplement, si le prix d’une marchandise augmente trop vite, cette marchandise se voit octroyer une place plus petite dans le panier parce qu’on assume que la population en achètera moins. À l’inverse, si le prix est faible pour une raison ou pour une autre, on augmente sa proportion dans le panier. Il a été constaté que la santé (assurances, soins dentaires, produits d’hygiène, médicaments, etc.) ne représente environ que 2,9 % de notre budget total (merci à notre système de santé publique). Or, la catégorie « santé et soins personnels » représente 4,73 % du panier.
Finalement, l’ajustement le plus déraisonnable et le plus complexe est réservé à ce qu’on pourrait appeler l’hédonisme, du grec « pour le plaisir de ». Cet ajustement est censé s’ajuster aux améliorations de la qualité des produits, ce qui pourrait leur octroyer une plus grande utilité, donc une plus grande valeur. Voici un exemple, traduit librement, que je prends de Chris Martenson, auteur des travaux sur lesquels je me suis basé pour écrire cet article: « Tim est un spécialiste des produits électroniques au bureau de Statistiques Canada, où l’indice des prix à la consommation est calculé. En 2004, il a noté qu’une télévision de 27 pouces à 329,99 $ se vendait exactement le même prix que l’année dernière, mais il a aussi remarqué qu’elle était équipée d’un meilleur écran. Après avoir pris en considération cette amélioration subjective, il a ajusté le prix de la télévision à 235,00 $$, concluant que l’amélioration de l’écran équivalait à une baisse du prix de la télévision de l’ordre de 29 %. Le prix s’est reflété dans l’IPC pour démontrer que l’inflation diminuait, mais le coût réel de la télévision en magasin restait tout de même 329.99 $ ».
Cette formule ne fonctionne seulement que dans un sens. Si je m’achète un nouveau téléphone cellulaire avec plus de fonctions que le précédent et qu’il ne me dure que deux ans, contrairement à mon vieux téléphone qui m’en a duré dix, aucun ajustement ne sera apporté pour cette perte. En bref, ce calcul repose sur la prétention ridicule et improbable que les nouveaux produits seront toujours de meilleures qualités que les précédents et qu’une baisse des prix proportionnels à ces améliorations est justifiable. On ne prend pas en compte ce qu’on appelle la «désuétude projetée», un système de design industriel utilisé par les entreprises qui réduit délibérément la durée de vie utile d’un produit dans l’espoir de vous voir en racheter un autre plus rapidement.
Qu’est-ce qui se passerait si vous deviez faire le ménage de toutes ces manipulations statistiques pour calculer l’inflation comme nous avions l’habitude de le faire autrefois? Si l’inflation était calculée aujourd’hui de la même manière qu’elle l’était au début des années 80, on constate qu’elle s’approcherait probablement plus des 10-12 % que du ridicule 2,4 % rapporté par Statistiques Canada pour 2010.
C’est une différence énorme d’environ 8 % qui explique bien ce que nous voyons autour de nous. Ça explique pourquoi les gens ont besoin d’emprunter plus et qu’ils économisent moins. Vous comprenez maintenant pourquoi votre maigre augmentation de salaire de 3 % par année ne suffit pas à vous maintenir au même niveau de vie qu’il y a dix ans. En sachant que l’augmentation du montant du chèque d’assistance sociale ainsi que l’augmentation du salaire minimum au pays dépendent directement du taux d’inflation présenté par Statistiques Canada, il n’est pas si difficile de comprendre que les pauvres sont les premiers touchés par ces manipulations. Le coût social d’une telle mesure est extrêmement important.
Le même genre de sorcellerie statistique que celles présentées ici sont utilisées sur le revenu, les chiffres du chômage, le prix des logements, les déficits budgétaires, et pratiquement chacune des autres statistiques économiques fournies par le gouvernement auxquels vous pouvez penser. À chaque fois, on fait des manipulations afin que toutes ces données semblent plus attrayantes pour l’opinion publique qu’elles ne le sont réellement.
Jonathan Thiffault, CinqNovembre.com
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
15 août 2011Paul Craig Roberts, un économiste qui a travaillé comme assistant secrétaire à la Tresury Department au début des années 80, a remarqué plusieurs manipulations et changements similaires pour le calcul de l'inflation aux USA.
Vous avez très bien décris les manipulations canahienne. Donc, nous devrions en ce moment vivre une inflation beaucoup plus forte. On en ressent les couts dans notre panier d'épicerie et notre essence d'auto.
Merci pour cet analyse.