Si Tony Clement tient absolument à rendre le questionnaire long du recensement facultatif, qu'il le fasse. Mais intelligemment, avec la méthode proposée par le Conseil national de la statistique. En réalisant un projet pilote où le questionnaire facultatif sera administré parallèlement au questionnaire obligatoire, pour mesurer les différences dans les taux de réponse. Autrement, on ne saura jamais ce que valent les données recueillies.
Il est étonnant que le ministre fédéral de l'Industrie, qui multiplie les annonces où il «appuie les projets de recherche novateurs» ou «incite les jeunes Canadiens à découvrir les carrières en sciences», soit aussi insensible à cette question.
Les statisticiens qui ont témoigné devant le comité de la Chambre des communes l'ont bien résumé hier. Rendre le formulaire long facultatif dès l'an prochain créera de la distorsion dans les résultats, sans qu'on sache où, ni dans quelle proportion. La plus importante enquête du pays perdra ainsi une grande partie de sa valeur.
On ne pourra plus s'en servir pour mesurer l'évolution sociale ou économique puisque ses résultats ne pourront pas être comparés à ceux du précédent recensement, comme on le fait d'habitude. On ne pourra pas non plus l'utiliser pour calibrer les échantillons des autres enquêtes publiques ou privées, car on ne saura pas à quel point il est représentatif de la population.
L'expérience montre que les citoyens qui ont du temps, qui ont une conscience sociale ou qui ont tendance à respecter les lois sont plus portés à répondre aux sondages. Et que les pauvres, ceux qui ont moins d'éducation, sont autochtones ou immigrants, sont moins susceptibles de le faire. Ce sont des groupes comme ceux-là qui seront sous-représentés dans le prochain recensement, sans qu'on puisse savoir dans quelle mesure. Difficile de leur venir en aide ou de dénoncer les injustices qu'ils subissent - le chômage des minorités visibles éduquées, par exemple.
Les questions sont trop intrusives? Le gouvernement Harper ne peut s'en prendre qu'à lui-même. C'est lui qui a le dernier mot sur le formulaire, il n'avait qu'à le modifier.
Hélas, les conservateurs n'ont qu'une obsession: la menace d'amende et d'emprisonnement faite à ceux qui refusent de répondre. Le Conseil de la statistique, un organisme indépendant, propose d'abolir la peine de prison. Suggestion louable, mais insuffisante. Ce gouvernement est trop content de se porter ostensiblement à la défense des «honnêtes citoyens» pour faire marche arrière - ou admettre que personne n'est jamais allé en prison pour ce motif.
Tony Clement maintient les pénalités pour le formulaire court et celui destiné aux agriculteurs, reconnaissant la nécessité d'imposer certaines obligations aux citoyens. Qu'il le fasse donc aussi pour le questionnaire long, avec un test de formulaire facultatif. Ce sera moins payant politiquement, mais pas mal plus rigoureux au point de vue scientifique.
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