Mélissa Guillemette - Après les scientifiques et les dirigeants d'institutions, c'est au tour de la population de manifester son inquiétude face au retrait du caractère obligatoire du formulaire long du recensement. Un peu plus de la moitié des Canadiens (52 %) souhaitent que le gouvernement de Stephen Harper revienne sur sa décision, révèle un sondage Angus Reid.
Même les électeurs qui votent pour le Parti conservateur sont critiques devant l'abandon du caractère obligatoire du long formulaire, annoncé le 26 juin dernier par Ottawa. Ils s'y opposent dans une proportion de 37 %. Chez les personnes d'allégeance conservatrice, seules 19 % appuient «fortement» la décision. Il s'agit du même pourcentage que chez les sympatisants du Bloc québécois.
L'opposition est plus forte en Ontario et en Colombie-Britannique (54 et 53 %). Les Québécois souhaitent quant à eux que le gouvernement conservateur revoie sa décision dans 47 % des cas.
L'argument du gouvernement conservateur portant sur le côté «intrusif» des questions du formulaire long a été largement battu en brèche ces dernières semaines. Le sondage lui porte un nouveau coup, puisque à peine le quart des Canadiens partagent cette vision d'une intrusion dans leur intimité. Au total, six personnes sondées sur dix estiment que les données tirées du formulaire long sont importantes pour la prise de décisions politiques.
La population est ainsi majoritairement en accord avec la tradition qui voulait que 20 % de la population canadienne reçoive le formulaire long lors des recensements et soit dans l'obligation de le remplir, sous peine d'amende. Lors du recensement de 2011, la donne changera: un foyer sur trois le recevra, mais nul ne sera tenu de le remplir.
Question de confiance
Les résultats n'ont rien pour étonner le professeur spécialiste de l'histoire et de la sociologie des statistiques à l'UQAM, Jean-Guy Prévost. «Il n'y a jamais eu de mouvement d'opposition dans la population. Les Canadiens ont confiance envers ce type d'institution [Statistique Canada].»
«Si les gens savaient à quel point les données tirées du formulaire long sont utilisées et à quelle fin, le taux d'appui serait encore plus haut, à 95 %, croit le directeur général de l'Association canadienne des professeurs d'université, James Turk. Presque toutes les entreprises s'en servent, les institutions publiques, les universités... Sans cela, on concevrait des politiques et des programmes dans le noir.»
De nombreux scientifiques, des chercheurs et des institutions publiques ont d'ailleurs fait part de leur mécontentement ces dernières semaines. Le commissaire aux langues officielles Graham Fraser s'est entre autres dit inquiet de l'impact de la décision sur les communautés linguistiques minoritaires. Le dirigeant de Statistique Canada, Munir Sheikh, a quant à lui quitté son poste la semaine dernière pour lancer un signal.
Le gouvernement conservateur n'a pas voulu commenter hier, mais a rappelé que le Comité de l'industrie se réunira en milieu de semaine pour discuter du sujet. Les déclarations ce week-end du ministre des Finances Jim Flaherty indiquent néanmoins que le gouvernement s'en tient à sa décision, malgré les critiques qui fusent depuis l'annonce. Il a affirmé à la Presse canadienne que son «expérience avec les Canadiens a démontré que lorsqu'on leur demande de faire quelque chose pour le bien du pays, ils le font volontairement». Le Comité entendra les commentaires des personnes qui utilisent les données tirées du formulaire long.
Un sondage semblable à celui-ci a été dévoilé la semaine dernière par Ipsos Reid. On établissait à 49 % le taux d'opposition des Canadiens.
Le sondage Angus Reid a été rempli en ligne par 1012 Canadiens entre le 22 et le 23 juillet. La marge d'erreur est de 3,1%, 19 fois sur 20. Il a été réalisé sur Internet.
Recensement
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