Le milieu des années cinquante est encore marqué par l’influence prédominante de l’Église sur la vie quotidienne de la société québécoise. L’Église de l’époque imposait ses traditions et ses rites. L’un d’entre eux était le culte voué à la Sainte Vierge et, pour lui manifester notre ferveur, l’Église avait institué la tradition du mois de Marie pendant lequel, à tous les soirs du mois de mai, nous devions assister à une cérémonie d’une trentaine de minutes où nous récitions le chapelet à l’église, ce qui n’avait rien de très amusant pour un jeune d’une dizaine d’années.
Les premiers vendredis du mois revêtaient, quant à eux, un caractère symbolique. En effet, selon l’Église, si nous assistions à la cérémonie à neuf premiers vendredis du mois consécutifs, nous nous méritions des indulgences plénières qui favorisaient notre salut éternel. J’ai répété l’expérience à plusieurs reprises quoique, avec les années, ma participation à l’office se manifestait surtout sur le perron de l’église en compagnie de quelques amis dont les parents avaient la même ferveur que les miens.
À l’époque, la religion et l’école faisaient très bon ménage si bien que le sacrement de la confession se préparait à l’école pour se terminer au confessionnal. Entre les deux se vivaient le drame de l’élaboration de la liste de nos péchés dont la litanie aboutissait dans l’oreille du prêtre derrière un grillage impressionnant. Je me rappelle des efforts que j’ai dû faire souvent pour arriver à aligner deux ou trois péchés qui, la plupart du temps, tournaient autour de quelques mensonges qui me méritaient une punition fort supportable, telle une dizaine de chapelets…pour autant que je manifeste le ferme propos de ne plus recommencer !
Le mois de juin était particulièrement riche en cérémonies. L’une d’elles consistait à rendre hommage au Sacré-Cœur de Jésus, lors d’un grand rassemblement qui se tenait au Parc Victoria à Québec. À cette occasion, guidée par le bon Père Lelièvre de sa voix de stentor, une foule de plusieurs milliers de fidèles portaient bien haut un flambeau sous le regard ébahi de centaines de jeunes qui, comme moi, participaient à ce grand rassemblement animé par des chants liturgiques.
Toujours en juin, se tenait la procession de la Fête-Dieu dans chaque paroisse de la ville de Québec. Or, une année, la procession a dû être reportée au lendemain en raison des fortes pluies qui tombaient le soir prévu. Cette année-là, le reposoir, estrade d’honneur surmonté d’un autel et de tous les accessoires habituels, dont le tabernacle, avait été érigé à côté de chez nous. Les organisateurs de la procession ont alors décidé de placer les accessoires dans notre maison, ce qui a fait que l’ostensoir s’est retrouvé dans ma chambre toute la nuit et que je n’ai pas fermé l’œil, illuminé par la dorure rayonnante de l’ostensoir au centre duquel reposait l’Hostie sainte.
À tous les dimanches, mon père m’amenait, tel un rituel, aux Vêpres à l’église de la paroisse. J’étais impressionné par l’odeur de l’encens, les couleurs flamboyantes des vêtements sacerdotaux et les prières latines. J’observais mon père chanter le Tantum Ergo et j’essayais, en lisant sur ses lèvres, de l’imiter tant bien que mal. Les Vêpres se terminaient toujours par une kyrielle de litanies en l’honneur de plusieurs saints. Or, je me rappelle, qu’un soir où nous revenions de la cérémonie, avoir demandé naïvement à mon père ce que voulait dire le «Bénit soit Saint-Joseph qui chasse les poux!», laquelle litanie me semblait pour le moins bizarre. Esquissant un léger sourire, il me regarda alors et me répondit : « Mais voyons, c’est «Bénit soit Saint-Joseph, son très chaste époux!» Je venais d’apprendre le mot «chaste», sans toutefois en apprendre la signification puisque je n’ai pas osé la lui demander de peur de me perdre dans des termes trop compliqués pour moi.
La messe de Minuit revêtait dans notre famille un caractère sacré, si bien que, mon père nous amenait tous au Mont-Thabor où était célébrée la messe de Minuit traditionnelle, soit trois messes consécutives, dans la petite chapelle des Sœurs cloîtrées du Saint-Sacrement. Je me rappelle avoir souvent perdu l’attention, emporté dans les bras de Morphée par les chants grégoriens des petites Sœurs.
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3 commentaires
marie-france legault Répondre
30 juin 2015Je suis allée dans un orphelinat à l'âge de 7 ans, lors du décès de mon père à l'âge de 38 ans. Nous étions sept enfants: de 2 ans à 11 ans.
J'ai des provisions de chapelets, de messes, de chemin de croix de grand messe jusqu'à ma mort. Quand on souligne la maltraitance des amérindiens, je peux vous affirmer que dans l'orphelinat québécois où j'étais, certaines "bonnes sœurs" n'étaient pas à leur place. La prison d'Orsainville aurait dû être leur habitat naturel. Elles n'aimaient pas les enfants.
C'était la religion des rites. Un prêtre que je connais m'a dit: les québécois n'ont pas été évangélisés. Ils ont été inondés de rites, prescriptions, de choses à faire et à ne pas faire.
Aujourd'hui: finies les folies! le Québec s'est libéré!
Pierre Cloutier Répondre
27 juin 2015M. Marineau,
Pouvez-vous m'expliquer, juste en passant, comment Marie, la prétendue mère de Jésus, ce personnage conceptuel dont personne n'a jamais prouvé l'existence physique réelle, a pu faire pour mettre au monde un enfant, sans avoir baisé et tout en étant vierge?
Il n'existe aucun cas de parthénogenèse enregistrée à ce jour, chez les humains, dans l'histoire de l'humanité.
Me semble qu'il y a des limites à mettre des conneries de ce type sur le dos de la foi.
Archives de Vigile Répondre
27 juin 2015Merci. Beau témoignage. On a jeté le bébé avec l'eau du bain avec la complicité de la hierarchie catholique.
«Le siècle, les hommes, les idées. Le cardinal Turcotte ou comment gérer la mort de l’Église.
...Il symbolise parfaitement l’évêque québécois interloqué de l’après-Révolution tranquille qui a géré la décroissance de son Église jusqu’à la mort clinique...»
http://www.egards.qc.ca/?p=3532