ÉDITORIAL - On s'attendait à ce que Stephen Harper profite de l'occasion que lui offrait hier un discours au caucus de son parti pour annoncer une aide accentuée au Liban. Au lieu de quoi, le premier ministre s'en est tenu à la routine: pourfendre les libéraux et vanter son gouvernement. Le message était clair: c'est lui qui dicte l'agenda, pas l'électorat.
Au fond, rien ne permettait d'affirmer que le premier ministre Harper parlerait du Liban hier. Quelques sources avaient lancé qu'il aborderait le sujet au cours du caucus du Parti conservateur et celui-ci se tient jusqu'à aujourd'hui. Néanmoins, tout y concourait: l'actualité qui ne cesse de ramener de nouvelles images du conflit, les critiques de la population envers la position de M. Harper, et le sondage Décima publié hier qui confirmait le recul, amorcé depuis quelques semaines, des intentions de vote pour les conservateurs.
M. Harper aurait donc pu s'expliquer, ou simplement faire preuve d'une certaine sensibilité, montrer au moins qu'il comprend la tristesse ressentie par les Canadiens à l'égard de cette nouvelle mouture de la crise au Proche-Orient. Hélas, non: il n'y avait, semble-t-il, rien de mieux à faire qu'à discourir sur les baisses de taxes, l'imputabilité, le registre des armes à feu et l'incompétence libérale. Une allocution intemporelle qui aurait pu être prononcée en mai dernier, ou en février.
M. Harper, qui en était encore à remercier ses travailleurs d'élections, appartient-il à notre monde? De fait, le monde de M. Harper relève d'abord d'un agenda à contrôler. Et ces lointaines bombes ont déjà bien assez perturbé le plan de match du premier ministre, qui n'arrive plus à faire valoir ses réalisations. Tous sont donc priés de revenir aux affaires sérieuses de l'homme qui sait tellement où il va, comme il nous l'a redit hier, qu'il ne prend même plus la peine de se retourner pour s'assurer qu'on le suit. Un bien drôle de pari, qui ne fait qu'augmenter les attentes pour aujourd'hui.
Car enfin, il y a bien quelque chose à dire sur le Liban! Et malheureusement pour M. Harper, il ne pourra cette fois s'en tirer par un détour en avion pour sauver quelques désespérés.
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Mais il n'y a pas que les silences du premier ministre qui sont gênants. La déclaration lue hier par un imposant rassemblement de groupes politiques et sociaux québécois, où Denis Coderre côtoyait André Boisclair et Françoise David, est à cet égard fort intéressante. Cet appel pressant à la paix n'a en fait qu'une cible: Israël, nommé trois fois dans le texte. Le Hezbollah? Absent! Comme si «les civils israéliens qui paient aussi le prix de cette guerre» mouraient de roquettes tombées accidentellement du ciel.
Le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe, l'un des signataires, avait beau, en entrevue, soutenir que le Hezbollah est aussi interpellé, ce n'est pas ce que la déclaration dit. Et ce n'est pas non plus ce que deux autres signataires, M. Coderre et le président de la FTQ Henri Massé, en ont retenu. «Ça n'a rien à voir avec le Hezbollah», a dit le premier sur les ondes de RDI. «L'agresseur, c'est complètement Israël», a précisé l'autre à la même émission. Les 700 roquettes tirées sur Israël depuis le Liban en juin, l'enlèvement de soldats israéliens? Déjà effacés de l'analyse.
Que sera donc la manifestation de dimanche? Un rassemblement pro-libanais ou anti-israélo-américain?
Nous l'avons déjà écrit: les provocations du Hezbollah ne justifient pas l'ampleur de la réaction israélienne et la destruction du Liban. Mais ayons au moins l'honnêteté de reconnaître qu'il y a bel et bien provocation.
jboileau@ledevoir.ca
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