Le budget que le ministre des Finances, Michel Audet, a déposé hier passera peut- être à l'histoire parce que, pour la première fois, le gouvernement du Québec s'attaque de façon formelle et crédible à la réduction de la dette.
Heureusement que le gouvernement libéral a choisi de s'attaquer à la dette. Parce que, sans la création du Fonds des générations qui retiendra toute l'attention, il n'y aurait pas grand-chose dans le budget de M. Audet.
Tout d'abord, parce que le gouvernement du Québec, fauché, pouvait difficilement multiplier les initiatives et les cadeaux. En fait, sur un budget total de 58 milliards pour l'année 2006-2007, le poids de ses initiatives nouvelles est extrêmement modeste, à peine 290 millions, ce qui en dit long sur l'absence de marge de manoeuvre. M. Audet, et sa collègue du Trésor, Monique Jérôme-Forget, ont fait preuve d'une grande discipline pour éviter la dispersion et concentrer les ressources sur les deux grandes priorités que sont la santé et l'éducation.
Mais aussi, ce qui est plus troublant, parce qu'il manque à ce budget une vision économique, pourtant essentielle pour donner des réponses aux menaces qui pèsent sur notre capacité concurrentielle et sur notre niveau de vie.
Face à la dette, le défi du gouvernement n'était pas financier, il était plutôt politique. Comment convaincre les citoyens de l'importance d'un enjeu qui posera problème dans 20 ou 25 ans? Et surtout comment leur faire accepter les sacrifices nécessaires?
Sur le premier point, le ministre Audet, certainement aidé par les nombreuses voix qui se sont élevées pour sensibiliser au problème de la dette, entre autres le " Manifeste des lucides " ou les interventions passionnées d'économistes comme Pierre Fortin, réussira peut-être à convaincre du fait que cette dette pourrait devenir une menace pour une société vieillissante.
D'autant plus qu'il a trouvé une façon tout à fait élégante de s'attaquer à cette dette. D'abord, en trouvant des sources de revenus socialement et politiquement acceptables: les redevances sur l'eau que les producteurs privés d'électricité paient déjà, une redevance similaire à laquelle Hydro-Québec sera soumise et, éventuellement, une partie des profits qu'Hydro réalise sur ses exportations ainsi qu'une nouvelle redevance sur l'eau captée. Avec l'eau, le ministre a trouvé une source de revenus intarissable qui ne fera pas trop mal.
Ensuite, par la mécanique choisie. Les sommes accumulées dans le Fonds des générations seront investies par la Caisse de dépôt au lieu d'être immédiatement affectées au remboursement. L'approche est plus difficile à vendre, mais elle est nettement plus efficace au plan financier. Déjà, aussi modestes les sommes initiales soient-elles, le fonds, même sans compter sur les profits d'Hydro sur ses exportations, réduira la dette de 30 milliards en 20 ans et la ramènera à une proportion tout à fait gérable, de 25 % du PIB. Le processus, qui sera inscrit dans une loi, est crédible. Voilà donc une opération bien pensée et bien ficelée.
Mais on ne retrouve pas cette même vision dans les choix économiques du ministre Audet. Un budget, c'est aussi le lieu où s'articulent les stratégies de développement d'un gouvernement. Ce volet est d'autant plus crucial que le drame qui se distille dans chaque page de ce budget, c'est la faiblesse des ressources fiscales du Québec, qui ne pourra se résoudre que par une plus grande prospérité. C'est pour cela que le ministre fait de la création de richesse une de ses quatre priorités, comme il le dit, " pour avoir plus de revenus demain ".
Mais pourtant, l'objectif de création de richesse est absent du budget. Sur l'enveloppe consacrée au développement économique, de 1,405 milliard $, 83 % des sommes vont à la forêt, qui recueille 925 millions, à l'agriculture, et à l'aide aux régions. Ces secteurs ont certainement besoin de soutien. Mais est-ce qu'on peut sérieusement espérer que la création de richesse, si essentielle, passera par nos forêts?
Le Québec est dans une situation économique vulnérable, qui requerra des interventions énergiques. Le ministre Audet sait parfaitement, comme le montrent éloquemment les documents de son ministère, que la création de richesse reposera sur une correction des importants retards de productivité dont souffre le Québec, par une augmentation des investissements, par l'innovation, par les investissements massifs en éducation, surtout supérieure, par la capacité de s'affirmer dans l'économie du savoir.
Il n'y a rien de tout cela dans son budget: au plus, 75 millions sur trois ans pour l'innovation, 156 millions pour améliorer la compétitivité des entreprises, surtout par une petite baisse de l'impôt sur le revenu des PME, rien de significatif pour l'éducation supérieure.
Il y a donc une coupure entre les propos du ministre et les mesures qu'il annonce. Cela trahit, encore une fois, une absence de cohérence et de sens des priorités dans les gestes et les choix du gouvernement Charest.
Adubuc@lapresse.ca
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