À bien des égards, le budget déposé hier par le ministre des Finances, Michel Audet, pourrait finalement passer pour assez banal. Le ministre présente un budget équilibré, annonce de modestes baisses d'impôts et se livre à la traditionnelle opération de saupoudrage tous azimuts.
Pourtant, ce budget a des chances de passer à l'histoire. Pour la première fois en 25 ans, un ministre des Finances annonce un plan cohérent, stable et crédible de réduction de la dette. Il était temps.
Le problème de la dette publique québécoise a commencé à se faire sentir au début des années 80. En 1980-81, le ministre des Finances Jacques Parizeau, aux prises avec la pire récession depuis la grande dépression des années 30, termine l'exercice avec un déficit record de 3,5 milliards. Du coup, la dette du gouvernement fait un bond spectaculaire, de 11,1 à 14,7 milliards. Pour la première fois de l'histoire, la dette dépasse le cap du 20% du Produit intérieur brut (PIB). Mais ces chiffres ne disent pas tout. À l'époque, le gouvernement avait la mauvaise habitude de comptabiliser séparément certains engagements à l'égard de ses régimes de retraite. En réalité, la dette était donc nettement plus élevée que ne l'indiquaient les documents budgétaires.
Pendant 15 ans, aucun ministre des Finances, libéral ou péquiste, ne s'est vraiment préoccupé du cercle vicieux des déficits et de l'endettement. En 15 ans, de déficit en déficit, la dette a fini par prendre des proportions monstrueuses. En 1996, elle dépassait déjà les 78 milliards, ou 43% du PIB. Le ministre Bernard Landry prend alors la décision, conformément aux recommandations du Vérificateur général, de réformer la comptabilité gouvernementale, notamment pour tenir compte des régimes de retraite. On s'aperçoit alors que le véritable montant de la dette n'est pas de 78, mais bien de 98 milliards, ou 52% du PIB.
Depuis que le gouvernement a mis fin aux déficits gargantuesques, la dette continue d'augmenter, mais moins rapidement que la croissance économique. Elle atteint aujourd'hui 118 milliards, ou 43% du PIB. Par rapport à leur capacité de payer, les Québécois sont donc moins mal pris qu'il y a 10 ans. Mais mal pris quand même: leur gouvernement demeure deux fois plus endetté que la moyenne des autres provinces.
L'objectif du ministre est de ramener la dette à 25% du PIB d'ici 2025. Cette proportion correspond à la moyenne canadienne. Si l'objectif est atteint, cela signifiera certes une amélioration considérable, mais le Québec ne sera pas sorti du bois pour autant. On peut certainement penser que les autres provinces voudront aussi réduire leur endettement, de sorte que les Québécois continueront à traîner une dette plus lourde que les autres Canadiens.
À Ottawa, le ministre Paul Martin a trouvé une solution originale pour venir à bout de la dette. Il a créé des réserves de prudence, en principe destinées à financer des dépenses imprévues. Si aucun imprévu ne survient en cours d'exercice, les réserves sont entièrement canalisées vers le remboursement de la dette.
À Québec, le ministre Michel Audet ne peut pas faire la même chose, pour la bonne raison qu'il n'en a pas les moyens. Les équilibres financiers demeurent précaires, et c'est tout juste si le ministre parvient à joindre les deux bouts. Dans ces conditions, la mise sur pied d'une réserve de prudence semblable à celle du fédéral n'aurait aucune crédibilité. Le ministre est incapable de garantir que lui et ses successeurs seront capables, année après année pendant 20 ans, de constituer une réserve suffisamment garnie pour s'attaquer sérieusement à la dette.
C'est donc par le biais d'un fonds dédié que le ministre des Finances a décidé de régler le problème. Le Fonds des générations permettra d'accumuler au moins 30 milliards d'ici 20 ans. L'argent sera exclusivement dirigé vers le remboursement de la dette. Pour les détails sur le financement et le fonctionnement du fonds, je vous invite à lire le reportage de ma collègue Hélène Baril, en page 9.
Cette approche présente plusieurs avantages.
Le fonds sera principalement alimenté par des redevances, donc par des sources de financement stables et prévisibles.
L'argent sera administré par la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le ministre prévoit un rendement annuel moyen de 7,7%. Cette prévision, bien en deça du rendement moyen de 9,4% obtenu par la Caisse depuis 10 ans, apparaît très réaliste. Autrement dit, les remboursements de la dette seront financés non seulement par les redevances, mais aussi par les rendements sur ces redevances. Le plus beau, c'est que le rendement de 7,7% est supérieur au taux d'intérêt moyen de 6,9% que le gouvernement paie sur ses emprunts.
Le Fonds sera créé par une loi qui consacrera son caractère permanent. Il survivra donc aux changements de gouvernements. La loi stipulera expressément que le fonds ne pourra jamais être utilisé autrement que pour le remboursement de la dette.
Enfin, ce mode de financement épargne les contribuables québécois, déjà trop lourdement taxés.
L'histoire des finances publiques québécoises est celle d'une longue descente aux enfers. Plus on attend pour corriger la situation, plus le prix à payer sera élevé. À cet égard, le deuxième budget Audet représente certainement un grand pas dans la bonne direction.
Québec: le budget 2006-2007
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