Le 17 septembre 1996, un article de Lisa Binsse de La Presse, avait pour titre : «Concentration de la presse : situation alarmante au pays». Pourquoi s’énerver pour si peu mes amis? Après tout, il ne s’agit que d’information. Puis, même si aujourd’hui Power, Quebecor et Transcontinental contrôlent plus de 90% de la presse écrite au Québec, ce sont de bonnes grosses compagnies dotées d’une responsabilité sociale exemplaire.
Faut pas confondre : les monopoles et les oligopoles privés n’ont que du bon, contrairement aux sociétés d’État comme Hydro-Québec, la SAQ et la Caisse de dépôt et placement. D’ailleurs, l’analyste Normand Roy, de la Banque nationale, trouvait absolument salutaire cette concentration, comme le souligne le titre de cet article du Journal de Montréal : «Pour ramener la rentabilité dans les journaux, il faut limiter le nombre de propriétaires». Peut-être faudrait-il que Transcontinental fusionne avec Power? Deux agents économiques dans le secteur de la presse écrite, c’est beaucoup mieux que trois. Qu’en pensez-vous?
Après que Power Corp. (Gesca) eut acquis, en 2001, Le Soleil de Québec, Le Droit d’Ottawa et Le Quotidien du Saguenay d’Unimédia (La Presse, 7 février 2001) et qu’avec Transcontinental ils eurent acquis 75% du contrôle juridique du journal gratuit Métro, sans compter la mainmise sur la vaste majorité des hebdomadaires régionaux en Montérégie (Quebecor Media met la main sur 15 journaux régionaux en Montérégie, selon La Presse du 8 février 2011… et l’hebdomadaire Le Canada français de Saint-Jean-sur-Richelieu est acheté par Transcontinental que signalait Le Devoir du 2 août 2011 avec aussi Le Richelieu, Le Guide de Cowansville… alouette. Et c’est pas fini!), voilà que La Presse du 8 février 2001 titrait : «C’est au Canada que la concentration de presse est la plus élevée».
Hourra! Merveilleux modèle canadien qui en fait « le plusse meilleur pays du monde ». Attendez un peu, il en faut encore plus, comme l’indiquait le titre du texte du Devoir du 15 février 2001 : «Davantage de concentration ne ferait pas de mal», que nous disait la direction de Transcontinental. On doit donc déduire qu’un petit brin de plus de concentration fera alors du bien pour une information diversifiée, neutre, libre et objective. Je le savais bien. Prenez surtout pas l’exemple de la presse très diversifiée en Norvège, en Australie, en France et en Belgique où l’État a réglementé pour éviter une concentration indue. Selon nos experts, ils font fausse route.
Dans les faits, je vous dirai que ce n’est pas Power, Quebecor et Transcontinental qui détiennent les journaux. Vous ne me croyez pas? Eh bien, c’est le lumineux Alain Dubuc de Power qui l’a affirmé le plus sérieusement du monde, tel que l’indique le titre de sa sublime et profonde opinion parue dans La Presse du 13 février 2003 : «Qui contrôle les médias? Personne!».
N’importe quoi, comme c’est son habitude. Alain Dubuc, à ne pas confondre avec Pierre Dubuc de l’aut’journal, qui n’a jamais reçu d’offre d’achat des conglomérats médiatiques. Je me demande bien pourquoi? Pourtant, l’aut’journal a de très bons chroniqueurs que la modestie m’interdit de nommer.
Je vous l’ai dit et vous le redit, arrêtez de vous en faire pour si peu. Prenez exemple sur la sérénité du gouvernement fédéral tel que parue dans Le Devoir : «Ottawa ne s’inquiète pas de la concentration des médias». Et puis, la concentration s’étend maintenant dans les médias parlés avec l’acquisition de TVA et de Vidéotron par Quebecor, d’une entente de collaboration entre Radio-Canada et Power (Le Devoir, 22 août 2001) et l’acquisition de Corus par Cogeco (La Presse, 18 décembre 2010). C’est pour notre bien qu’ils font ça et pas du tout pour contrôler l’information diffusée. Esprits tordus, va!
Pas tellement grave si : «Concentration des médias : deux Canadiens sur trois souhaitent l’intervention de l’État» (Le Devoir, 14 mai 2004). Ah non, ils veulent encore l’intervention de l’État qui va brimer nos libertés, si chères aux conservateurs, aux libéraux et aux adéquistes, et celles de nos bienfaitrices transnationales de l’information. Je vous le dis, mieux vaut s’en remettre aux lois naturelles du marché comme dans le cas des pétrolières, des banques, des pharmaceutiques, etc., Le privé coûte cher, mais c’est mieux que du bonbon.
Mais la meilleure revient encore une fois è mon ami (je ne sais pas si lui me considère comme son ami par contre) et collègue à l’UQÀM, Bernard Landry, qui a pondu cette autre perle, très songée : «Power (qui venait d’acquérir Le Soleil, Le Droit et Le Quotidien) a une obligation d’éthique capitaliste et d’éthique civique» (Le Devoir, 11 novembre 2000). «Les temps ont changé», qu’il a aussi ajouté sans rire. Faut donc s’adapter et se soumettre. Il se prend tellement au sérieux, trop à mon goût. Éthique capitaliste ou pas : «Gesca (Power) se veut rassurant, mais refuse de rendre des comptes» (Le Devoir, 1er mars 2001). Si Bernard Landry vante «l’éthique capitaliste», Jean Charest louange le «libéralisme social» et George W. Bush rend grâce au «capitalisme de compassion». Bande d’insignifiants!
«Power investira dans les services publics», que titrait La Presse du 16 mai 1997. Des services publics comme la distribution d’eau, d’électricité et la gestion des déchets. Également, dans la santé privée et les pensions de retraite privées par le biais de ses filiales Great-West Life, Canada Life, London Life, Investors et Mackenzie Group. L’État peut donc se retirer de ces services publics au nom de la liberté individuelle. Tout est dorénavant marchandise, de l’éducation à la santé.
Admettez avec moi que ça n’a jamais paru dans leurs médias et dans leurs chroniques et éditoriaux que Power milite pour la privatisation de nos services publics et trouve toujours salutaire la hausse du prix de l’essence, elle qui est un actionnaire important de la transnationale pétrolière française Total et aussi de Gaz de France-Suez. Leur éthique capitaliste leur interdit de faire des choses comme ça. Voyons donc! Même s’ils ont refusé de publier mes textes, faut pas sauter aux conclusions hâtives. Il faudrait que je change d’attitude pour qu’il les publie. Tant pis pour moi.
Et puis le gouvernement Charest qui, comme c’est son habitude, est au service des intérêts supérieurs du gratin, mentionne : «Line Beauchamp se dit incapable d’agir sur la concentration de la presse» (Le Devoir, 14 mai 2004). C’est faux, madame. Déréglementer le marché du travail, augmenter les taxes à la consommation, tarifer les services publics, privatiser nos ressources naturelles, réinginérier l’État, etc., ça ils le peuvent et facilement en plus de ça. Ça ne concerne que des travailleurs et du monde ben ordinaire. Mais, pas touche, aux bonzes de la société. Ce sont leurs amis et ceux qui leur donneront une bonne job très payante après leur service politique.
Si l’inégalable Line Beauchamp est impuissante devant la concentration de la presse par les mastodontes corporatifs, elle est très puissante pour couper dans nos services publics, comme dans celui du seul instrument d’information publique qui n’est pas encore dans le giron du privé : «La décroissance de Télé-Québec est inévitable. La ministre Beauchamp n’a plus qu’à décider comment la réaliser» (La Presse, 28 juin 2005).
Voilà un geste courageux posé par la gang à Jean Charest qui viendra atténuer les ravages de la concentration de la presse écrite et parlée. L’ineffable Alain Dubuc était quant à lui prêt à abattre Télé-Québec au lieu de la laisser agoniser. Alain est un être très sensible à la misère humaine et aux inégalités économiques. Il a donc proposé : «Le temps est venu de fermer Télé-Québec» (La Presse, 9 mars 1995).
Pour les pessimistes et les négatifs notoires, le titre de ces deux articles va vous remonter le moral et semer chez vous l’effervescence :
Gesca (Power) s’engage à maintenir une presse diversifiée (La Presse, 7 février 2001). Allez, souriez, devant un sens de l’humour aussi prononcé. Moi, en tout cas, je suis plié en deux. Faut dire je suis très ricaneux;
Quebecor assure ne pas représenter de danger pour la liberté de presse (Journal de Montréal, 16 février 2001). Ils ont effectivement tenu parole lors de lock-out prolongés au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Puis, avec des chroniqueurs comme le franc-tireur Richard Martineau, le lucide Joseph Facal, Éric Duhaime de l’ADQ, Daniel Audet du Conseil du patronat, Nathalie Elgraby-Lévy de l’Institut économique de Montréal, David Descoteaux, un ancien de l’Institut économique de Montréal (dont la présidente du conseil d’administration est nulle autre qu’Hélène Desmarais, la famille qui est propriétaire de Power), le maire Stéphane Gendron d’Huntington et j’en passe, voilà la preuve indubitable d’une très belle diversité d’opinions… peut-être un peu trop à gauche à mon goût, même s’ils ont continué à publier régulièrement leur chronique durant le lock-out de plus de deux ans au Journal de Montréal. Ils ont des principes, ces messieurs, et ils y tiennent, comme les fanatiques du Tea Patty aux Etats-Unis.
C’est pas parce qu’on rit que c’est drôle que clamait la défunte revue Croc. La Lâcheté et la complicité de nos politiciens va faire que l’on va continuer à se faire farcir la cervelle. Les plogues et l’info-publicité dans les médias vont continuer de plus belle et même iront en s’accentuant. Qu’il fait bon vivre dans un pays démocratique dans lequel prime la liberté et l’égalité des chances. Avec Power, Transcontinental et Quebecor, on est entre bonnes mains. Des mains bienveillantes et bienfaitrices qui ont vraiment à cœur les intérêts supérieurs de la collectivité et le bien commun. Je propose de changer le nom du boulevard René-Lévesque pour le boulevard Power Corp, et celui de l’Université de Montréal pour l’Université Quebecor. Et, moi, je rêve d’avoir ma chaire universitaire «Transcontinental» et mes cours de comptabilité à l’UQÀM commandités par Les Affaires et Commerce. Un gars et sa mère ont ben le droit de rêver en couleurs et en haute définition.
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1 commentaire
François Ricard Répondre
6 septembre 2011La liberté de presse...ça n'existe pas
Si l’information est vitale à l’homme pour assurer sa survie en tant qu’individu et en tant qu’espèce, l’information est un droit.
Le droit à l’information est le droit fondamental de l’individu et de la collectivité de savoir et de faire savoir ce qui se passe et que l’on a intérêt à savoir.
Malheureusement, au nom de la liberté d'expression, on a dénaturé ce droit de savoir. La seule liberté d'expression qui existe aujourd'hui, c'est celle de publier telle ou telle publicité plutôt que telle autre.
Avec les empires Desmarais et Péladeau, la liberté de la presse n’est plus la liberté d’un individu désireux de propager ses idées, c’est la liberté de l’appareil thermodynamique maintenant possédé par des groupes d’intérêts financiers mais ce n’est pas celle du contenu, la liberté de l’information.
La liberté de presse, c’est et c’est uniquement la liberté de publier ou non ce qu’on veut, quand on veut, où on veut et de la manière que l’on veut, pourvu que cela rapporte économiquement ou politiquement.
À New York, lors d’un banquet, le 25 septembre 1880, le célèbre journaliste John Swinton se fâche quand on propose de boire un toast à la liberté de la presse :
« Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! » (Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY,
Les médias commerciaux, en induisant le conformisme et en offrant peu de bases pour une évaluation critique de la société, limitent indirectement, mais efficacement le développement d’un véritable point de vue critique.
De plus, les hommes politiques, qui dépendent des médias pour leur élection, se font complices de cette désinformation systématique.