Salaire des recteurs : une impuissance volontaire

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Un autre aspect du forfait universitaire caquiste


Chaque année, juste à temps pour Noël, Le Journal de Québec nous fait part des émoluments dont les universités ont gratifié leur plus haut dirigeant au cours de l’année. On peut ainsi constater que le cadeau placé en dessous du sapin pour ceux-ci est un peu plus gros chaque année.  


Ainsi, la rectrice de McGill University, Suzanne Fortier, a obtenu plus de 860 000 $ cette année. Au sommet du palmarès trône McGill, en deuxième place arrive l’Université de Montréal (442 961 $), et ensuite Concordia (426 129 $), l’Université Laval (339 351 $), Sherbrooke (333 843 $) et, à la toute fin, l’UQAM (235 000 $). Rappelons que le salaire médian d’un professeur à temps plein tourne autour de 130 000 $ (Statistique Canada). 


Une augmentation de 300 %


La dernière étude sur le salaire des cadres dans les universités faisait état du fait que la masse salariale de ceux-ci avait augmenté de 300 % entre 1997 et 2009 (Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université FQPPU, 2013), soit 11 fois le taux d’inflation durant la même période. 


Cette augmentation débridée serait due, selon la FQPPU, à une « bureaucratisation croissante des universités » et à un «laisser-aller» de la part de la conférence des recteurs (anciennement CREPUQ, maintenant BCI). Les salaires des recteurs des universités anglophones sont ceux qui augmentent le plus vite. Il y a donc un «laisser-aller» généralisé dans tout le réseau universitaire (à part du côté de l’université du Québec, dont les salaires sont plafonnés par le gouvernement) et celui-ci est particulièrement intense du côté anglophone. 


Cette gabegie, faut-il pourtant le souligner, est soutenue et permise par les fonds publics, dont dépendent grandement les universités. Les recteurs ne sont pas des présidents de banques; la majorité des fonds dont ils disposent proviennent des contribuables. 


Désorganisation de l’enseignement supérieur


Face à cela, la semaine passée, la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, s’est dite «impuissante». Ne nous y trompons pas; cette «impuissance» est le reflet du laisser-aller gouvernemental face aux universités et de la désorganisation du secteur de l’enseignement supérieur, que le Québec s’entête à considérer comme un «libre marché» à financer à coups de milliards de dollars au gré des projets de chacun, sans plan ni vision d’ensemble. 


Et de surcroit, un «libre marché» où la concurrence sévit aussi en fonction de la langue d’enseignement, un jeu inégalitaire où les universités anglophones sont favorisées par l’argent d’Ottawa, des étudiants internationaux, de la philanthropie privée et, aussi, il faut le dire, par un certain parti pris de Québec en faveur des anglophones, le don du Royal Victoria à McGill et l’agrandissement de Dawson constituant les démonstrations les plus récentes, et choquantes, de ce système à deux vitesses. 


En 2013, par suite du «Printemps Érable», le rapport préparé par Lise Bissonnette et John R. Porter (« L’université québécoise: Préserver les fondements, engager des refondations ») affirmait que (p.50) : « Les deux vitesses se sont instaurées, sans qu’on fasse d’histoire, le long des lignes linguistiques les plus classiques qui soient au Québec. Vitesse de croisière pour les uns, ralenti pour les autres.» Et aussi (p.13): «Tout s’est passé depuis près de cinquante ans comme si l’État s’estimait étranger à la conception et à l’architecture d’un système que ses discours en forme de mantra disent pourtant essentiel au développement de la société qu’il gouverne» (p.13). Voilà qui résume tout. 


Les salaires démesurés des recteurs ne sont que le reflet du désordre et du laxisme de Québec en enseignement supérieur. «L’impuissance» de la ministre est, en fait, sélective, choisie et volontaire. Cela doit cesser. 


Frédéric Lacroix, Chercheur indépendant,

chroniqueur et essayiste




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