Richesse et pauvreté des universités

Chronique de Louis Lapointe

On ne peut tout simplement pas parler d’universités autonomes si celles-ci ne sont pas convenablement financées. Voici un extrait d’un texte publié en octobre 2008 dans L’Action nationale sous le titre Quelle crise des universités?
Le financement

S’il y a consensus voulant que la recherche universitaire fasse progresser les sociétés et que la formation soit un merveilleux outil d'avancement social, il y a dissension lorsqu’on nous propose d'augmenter les droits de scolarité pour donner de l'oxygène aux universités. Une solution simpliste qui échappe à toute critique constructive tant elle cède à la facilité.
Or, les droits de scolarité ne servent aucunement à financer la recherche dans les universités. Tout au plus, ils contribuent dans une proportion d’environ 15% au fond de fonctionnement général des universités dont la majeure partie du financement provient du gouvernement du Québec. Ce fonds est la première source de financement des universités. Il sert à payer le salaire des employés, des professeurs et les frais de fonctionnement généraux.
La construction des nouveaux édifices est l’objet d’un financement séparé provenant du Ministère de l'Éducation qui établit un ordre de priorité des constructions à travers le réseau universitaire. C'est le Conseil du trésor qui approuve les projets avant d'en autoriser la réalisation. C'est la deuxième source de financement.
Les grands organismes subventionnaires publics canadiens et québécois sont la troisième source de financement. Les professeurs y font des demandes de subventions pour soutenir leurs projets de recherche. Cet argent sert à payer les équipements spécialisés et les chercheurs qui sont souvent des étudiants gradués rémunérés à rabais malgré leur grande compétence. Les fonds d'immobilisation et de recherche, contrairement au fonds de fonctionnement général, sont financés à 100 % par nos impôts.
Les grandes fondations de recherche et les fondations universitaires sont la quatrième source de financement. Ces revenus ne sont pas pris en compte aux fins des règles de partage budgétaire des universités. Pour cette raison, même si le fonds de l'Université McGill est de loin le mieux pourvu, on a longtemps considéré que cette université était la plus sous-financée de toutes les universités québécoises.
Enfin, il existe également les emprunts pour financer des besoins supplémentaires en locaux et équipements et les financements privés de la recherche dans le cadre de participation de l'entreprise privée.
Faire porter aux seuls étudiants la responsabilité du sous-financement global des universités est donc un leurre qui, en plus d’être injuste, ne peut constituer une solution à long terme pour les universités dont les plus urgents besoins à combler sont surtout dans le domaine de la recherche. Si nous voulons retenir les meilleurs chercheurs pour que la recherche progresse dans nos universités, c’est d’abord là que nous devons investir collectivement.
Toutefois, avant de réinvestir massivement là où il y a les besoins les plus pressants, il faudra tout d’abord revoir le financement global en prenant dorénavant en compte les revenus provenant des fondations universitaires dans les règles de partage. Il faudra par la suite augmenter la part des fonds publics versés aux grands organismes subventionnaires québécois pour qu'ils puissent mieux soutenir les efforts de nos meilleurs chercheurs québécois. Un financement qui provient essentiellement de nos impôts, pas des droits de scolarité.
Ne nous le cachons pas, le véritable enjeu de l’actuel débat sur la crise des universités n’est pas la gouvernance ou la hausse des droits de scolarité des étudiants, mais bien le partage des sommes disponibles pour leur financement. Si ces sommes sont considérables et proviennent dans une grande proportion de fonds publics, leur partage pourrait varier en fonction de l’ajout de nouveaux paramètres, comme la prise en considération des capitaux privés versés aux universités via leurs fondations universitaires.
Aussi longtemps que les sommes versées à ces fondations échapperont aux règles de partage budgétaire des universités et que les fonds publics peineront à accroître comme c’est le cas présentement, ce seront de plus en plus les sommes provenant des donateurs privés qui feront la différence entre la richesse et la pauvreté des universités, entre le financement global des universités anglophones et celui des universités francophones.
Lorsque l’on sait que l’argent récolté par ces fondations de recherche sert aussi de bras de levier pour aller chercher les plus importantes subventions versées par le gouvernement fédéral, il y a de sérieuses raisons d’être préoccupé par le sort qui attend les universités francophones. On parle ici de centaines de millions de dollars consacrer à la recherche et à l’allocation de nouveaux équipements et bâtiments qui sont laissés au bon vouloir des universités et de leurs généreux donateurs et qui échappent totalement aux politiques du gouvernement du Québec.
Une situation inéquitable pour les universités francophones qui ne peuvent pas compter sur les plus riches donateurs de la société et une source d’incohérence dans l’établissement des priorités québécoises en matière de recherche et de développement. À long terme, on se demande donc si dans quelques années il sera encore possible de faire de la recherche de pointe dans les universités francophones tout en y attirant les meilleurs chercheurs, tant la situation actuelle est préoccupante.
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L’intégrale de cet article a été publiée dans le numéro d’octobre 2008 de L’Action nationale : Quelle crise des universités ?
Cet extrait a également été publié sur Vigile.net dans le cadre d'une série d'articles portant sur les universités sous le titre Quelle mission pour les universités?

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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