Le régime de l’étalon-dollar a remplacé celui de l’étalon-or. Ceci a conduit à des déséquilibres commerciaux puis financiers à l’échelle mondiale. Ce système est à bout de souffle.
Alors les Dieux du marché vacillèrent, et leurs sorciers enjôleurs se retirèrent, et les coeurs les plus vils furent humiliés et commencèrent à croire en cette vérité, que tout ce qui brille n’est pas d’or, et que deux et deux font quatre.
— Rudyard Kipling, 1919
Lorsque le système monétaire international de Bretton Woods prit fin en 1973, les responsables financiers du monde entier furent incapables de s’accorder sur un nouvel ensemble de lois pour réguler le commerce international et les relations monétaires. A la place, un nouveau système commença à apparaître sans accords formels. Il est également resté sans nom.
On appellera donc le système monétaire international actuel, né de l’effondrement des accords de Bretton Woods, l’étalon-dollar — parce que le dollar américain est devenu la première monnaie de réserve mondiale en remplacement de l’or, qui constituait les actifs de réserve sous le système de Bretton Woods ou avec l’étalon-or classique du 19ème siècle.
L’étalon-dollar a principalement permis aux Etats-Unis de financer des déficits courants extraordinairement élevés. Les Etats-Unis vendirent des obligations du Trésor à leurs partenaires commerciaux – au lieu de payer pour leurs importations avec de l’or, comme l’aurait exigé le système de Bretton Woods ou celui de l’étalon-or.
C’est ainsi que l’étalon-dollar a inauguré l’ère de la mondialisation, en permettant aux Etats-Unis d’acheter ses produits à crédit au reste du monde. Cet arrangement a permis une croissance économique beaucoup plus rapide, en particulier dans les pays en développement.
Cela a également tiré vers le bas les prix pour les consommateurs et par conséquent les taux d’intérêt aux Etats-Unis, car les biens manufacturés bon marché fabriqués par une main-d’oeuvre très peu chère ont été importés aux Etats-Unis en des quantités toujours plus grandes.
Les trois vices de l’étalon-dollar
Toutefois, il devient aujourd’hui de plus en plus évident que l’étalon-dollar a également donné lieu à un certain nombre de conséquences indésirables et potentiellement catastrophiques.
Tout d’abord, il est clair que les pays qui ont amassé de grandes quantités de réserves monétaires grâce aux excédents de leur balance des paiements ont connu de graves surchauffes économiques et une hyperinflation du prix de leurs actifs, ce qui a fini par entraîner un effondrement économique.
Le Japon et ceux qui ont été frappés par la crise asiatique sont les exemples les plus évidents de pays qui ont souffert de ce processus. Ils n’ont pu éviter un effondrement économique total que parce que leurs gouvernements se sont lourdement endettés pour renflouer les déposants de leurs banques en faillite. Aujourd’hui, la Chine traverse une crise similaire.
Deuxièmement, les points faibles du système monétaire international actuel ont également entraîné une surchauffe économique et une hyperinflation du prix des actifs aux Etats-Unis, dont les partenaires commerciaux réinvestissaient leurs dollars excédentaires en actifs libellés en dollars.
Ces acquisitions d’actions, d’obligations d’entreprises et de dettes des agences américaines ont aidé à alimenter la bulle boursière, ont poussé à la mauvaise affectation du capital des entreprises et ont permis aux prix de l’immobilier aux Etats-Unis d’atteindre des niveaux insoutenables.
Troisièmement, la création de crédit rendue possible par l’étalon-dollar a entraîné un surinvestissement à large échelle dans quasiment tous les secteurs. Ce surinvestissement a produit une capacité excédentaire et des pressions déflationnistes qui à présent sapent la rentabilité des entreprises à travers le monde entier.
L’étalon-dollar à l’origine des bulles internet et immobilière
La Fed n’a pas été la seule banque centrale à créer de la monnaie fiduciaire au fil des années. Afin d’empêcher leur monnaie de s’apprécier, beaucoup de banques centrales ont créé leur propre monnaie et l’ont utilisée pour acheter les dollars entrant dans leur économie, résultat de leurs excédents commerciaux.
Une fois qu’elles avaient acheté les dollars, elles les investissaient dans des actifs libellés en dollars pour bénéficier d’un rendement. Les deux précédents excès de liquidités ont été enregistrés en 2000 à l’époque de la bulle du NASDAQ et en 2006 lors de la bulle immobilière. Ce sont les excès de liquidités qui sont à l’origine de ces bulles.
Les partenaires commerciaux des Etats-Unis ont deux alternatives : soit continuer à investir leurs surplus de dollars dans des actifs libellés en dollars malgré des raisons très valables de mettre en doute la sécurité de tels investissements ; soit convertir leurs surplus de dollars en leur propre monnaie, ce qui entraînerait l’appréciation de leur monnaie et donc la baisse de leurs exportations et de leur croissance économique.
Aucune des deux alternatives n’est attrayante, en particulier si l’on considère la fragilité économique de la plupart de ces pays et les sommes énormes servant à financer le déficit courant des Etats-Unis.
Ces dernières années, des cycles importants d’expansion et de récession ont brisé les systèmes financiers et les finances publiques de pays affichant un fort excédent de leur balance des paiements.
Pour résumer, l’économie mondiale est dans un état de déséquilibre extrême. Les faiblesses du système monétaire international sont responsables de ce déséquilibre. Celui-ci aboutira en un effondrement de la valeur du dollar US et dans un marasme économique mondial continu.
Le système doit changer tôt ou tard. La seule question est de savoir à quel point la transition sera douloureuse.
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Source: la-chronique-agora
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