La formule Parizeau-Laplante n’est pas une mauvaise formule en soi. D’ailleurs, il n’y a pas de mauvaise formule en soi puisqu’il ne s’agit pas d’analyser des abstractions. En fait, tous les moyens qui ont été envisagés, du référendum aux hypothèses comme la formule Parizeau-Laplante ou même, du côté du Fédéral, le fameux plan B, sont tributaires du fait que l’opinion publique ne se range pas de façon stable derrière la souveraineté. L’opinion publique québécoise ballotte. L’incertitude est l’alliée naturelle du système canadien.
S’il y avait un appui relativement stable de plus de la moitié de la population à l’indépendance, nous ne serions pas là à discuter de la formule Parizeau-Laplante versus le référendum. Il ne s’agirait que de vérifier officiellement un état de fait. L’encadrement du Fédéral de même que ses fameuses majorités qualifiées n’auraient pas plus d’effet qu’un droit canon parmi les incroyants.
Ce n’est pas en soi le référendum ou la formule Parizeau-Laplante qui rendra l’indépendance réalisable. Ce sera l’appui majoritaire de la population. Il ne faut que cinquante et un pour cent si c’est une base, une bonne base. Par contre, des crêtes de vagues qui atteignent cinquante-six et même soixante-cinq pour cent resteront stériles. Le Fédéral n’aura qu’à compliquer les choses à loisir, faire reluire le spectre du gouffre et de la confrontation. Il est certain qu’il le fera.
La question pour les indépendantistes est d’élargir la base et d’atteindre une majorité stable. Ensuite, ils seront les premiers à hausser les épaules sur les mérites respectifs du référendum ou de la formule Parizeau-Laplante. Le résultat sera le même et le Canada verra qu’il ne peut pas compter sur le découragement.
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Les indépendantistes aiment bien dire leur amour pour le peuple et leur volonté de l’accompagner. Entre eux cependant, il leur faut à tout prix se montrer comme un ennemi du zigzag. Avant même de parler de se doter d’armes d’influence, ils fixent les conditions; toute arme d’influence doit mener nécessairement à l’indépendance par des moyens strictement et uniquement indépendantistes.
Pris dans leur emballement, ils traitent de façon bien abstraite leur lutte. Partant de l’idée que les institutions gouvernementales québécoises sont légitimes, certains en viennent à penser que l’appui majoritaire de la population est une fausse question. La formule Parizeau–Laplante sera la formule magique. Le gouvernement nouvellement élu dessinera son modèle de gouvernement national et on approuvera la concrétisation par voie de référendum à la fin du processus.
Selon ce scénario, le gouvernement québécois aura fixé sa structure nationale de gouvernement sans se reconnaître tributaire des approbations et des aléas des instances canadiennes. Et il ira prendre ce qu'il lui faut puisque les moyens délégués à Ottawa lui appartiennent : même plus à se soucier du nom du négociateur, en autant que ce soit un vrai indépendantiste.
Or, la formule Parizeau-Laplante demeure un mode de transition des pouvoirs. Si, stratégiquement, il est rentable de la compliquer, le Canada le fera. Toute indication qui peut exacerber le ballottement de l’opinion publique au Québec sera toujours utilisée par les acteurs canadiens.
Le seul moyen de leur en couper l’envie est de se constituer une majorité stable d’appuis. Dans le temps, on espérait qu’un référendum allait cristalliser ces appuis, une analyse d’ailleurs partagée par nos adversaires qui ont tant investi, même frauduleusement, pour le gagner.
Les adeptes de la formule Parizeau-Lapplante critiquaient beaucoup les référendistes qui espéraient consolider une période de crête dans les appuis populaires par un plébiscite. Ils emploient à présent des arguments identiques pour soutenir qu’une élection référendaire aurait d’énormes vertus pour consolider les appuis.
L’argument est moins convaincant. Une élection référendaire est une contradiction dans les termes. Un parti politique a beau ne parler que d’une chose, la consultation qui a lieu lors d’une élection porte sur plusieurs thèmes. Les indépendantistes ont fini par croire en ce raccourci comme des boys scouts qui s’amusent à s’éclairer avec leurs lampes de poche.
Nous avons un plan, se répétaient-ils. Nous devons dissocier les Québécois de toute situation confuse et ambigüe. Si la situation n’est pas claire, nous ne sommes pas sûrs de nous. Et quand l’incertitude règne, on est plus porté à confier ses affaires à d’autres. Pour déterminer la conduite à tenir, il faut annuler les ambigüités. Si on ne se dit responsable que d’une chose aux élections, faire l’indépendance, il n’y a plus de marge interprétative. Nous sommes de facto autorisés à enclencher le processus.
Conséquemment, les indépendantistes parlent beaucoup des moyens pour amincir au maximum les marges de l’interprétation. Bien délimiter le discours indépendantiste de façon à ce qu’il se déroule dans le droit fil de ses principes de manière à ce qu’on ne puisse alléguer aucun malentendu lors d’une victoire éventuelle aux élections. Même un réquisitoire à l’endroit du Fédéral ou des revendications ne doivent pas être énoncées car ce serait évoquer un climat d’attente qui est de nature dépendantiste.
Si on part d’une autre prémisse, celle selon laquelle le régime canadien atteint son point d’extrême faiblesse quand il essaie de se réformer, ces indépendantistes s’éloignent en ce moment de l’objectif. Plus on sera pur, plus les Québécois seront convaincus de l’urgence, pensent-ils. En gouvernant, le Parti Québécois aurait aidé à préserver une impassibilité générale qui aurait poussé la population à déduire que tout va bien. Il ne faudra plus se plaindre, selon eux ni bien gouverner provincialement, car une telle attitude envoie un message contradictoire selon lequel on peut escompter des dividendes des possibilités évolutives du régime canadien.
Bien des cercles indépendantistes ont cette tendance à se répéter que lorsque la population comprendra une fois pour toutes, elle sera à l’abri des outils d’influence pernicieux, et que les indépendantistes n’ont qu’à être pleinement conséquents avec eux-mêmes. Ils devraient convaincre dans un cadre didactique et selon des sources sûres, tout un corpus qui recevrait l’imprimatur des vrais indépendantistes.
Mais pourquoi les Québécois seraient-ils convaincus qu’il y a urgence du simple fait que des indépendantistes ne veulent plus que parler d’indépendance? En quoi la formule Parizeau-Laplante a-t-elle une valeur démonstrative qui change la donne? Ils disent qu’ils veulent ne rien réclamer, ne pas revendiquer le dépassement de notre statut de province, car cela équivaut à rendre le Fédéral responsable du destin qui nous appartient en propre.
C’est comme accepter la consigne de ne pas donner l’alarme s’il y a de la fumée sous la porte. Vous aurez alors les autonomistes et les fédéralistes qui se poseront comme les témoins de l’évolution actuelle du Québec et les indépendantistes qui se poseront comme les témoins exclusifs de l’indépendantisme. À vouloir trop se détourner du Canada, ces indépendantistes vont se projeter comme les témoins de leur propre scène.
Ils pourront se consoler en se disant que la formule Parizeau-Laplante est, du moins sur papier, moins dilatoire que le référendum. Ils pourront se consoler en écrivant que le courage manque et que des esprits trop colonisés, trop perclus par les ambiguïtés, sont incertains de la nature des événements qui se déroulent.
André Savard
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5 commentaires
Luc Bertrand Répondre
15 novembre 2007Monsieur Savard, la question et les arguments en faveur de l'approche Parizeau-Laplante ont été présentés au Parti Québécois. C'est la direction de ce parti qui a refusé d'en débattre, ne voulant pas déroger du sacro-saint référendum.
Le parti a ainsi fait son lit en 2004 et il en aura assumé les conséquences le 26 mars dernier. Non content du verdict, il trouve encore moyen de nier la réalité politique, jetant le blâme de l'échec sur le SPQ Libre ou André Boisclair et en se rabattant, pour succéder à ce dernier, sur la candidate que les membres estiment avoir traitée injustement en 2005, sans débat aucun, uniquement pour refaire illico du PQ un prétendant majeur au pouvoir provincial.
Le Parti Québécois ne peut désormais plus être considéré un parti indépendantiste, puisqu'il est prêt à renier systématiquement sa mission au profit de la prise rapide du pouvoir. S'il s'est refusé à utiliser sa position de gouvernement pour faire la promotion de l'indépendance, pourquoi le ferait-il aujourd'hui, à même sa caisse électorale (très chancelante), s'il n'en tire aucun bénéfice auprès des électeurs?
Il ne faut donc plus compter sur le PQ pour accroître l'appui populaire à l'indépendance du Québec. Le Parti libéral a toujours été, est et sera toujours fédéraliste. L'Action démocratique du Québec cherche un partage des pouvoirs que jamais Ottawa ou les provinces canadiennes ne lui consentiront, puisqu'ultimement la logique voudra que le Québec s'administre en totalité, de sorte que les concessions des fédéralistes auront été vaines. Les autres partis (Québec solidaire, Parti Vert) proposent des réformes importantes, mais sans reconnaître leur impossibilité sans la détention de la pleine souveraineté. Rien ne sert de courir de midi à quatorze heures, l'unique solution est un parti voué essentiellement à réaliser démocratiquement l'indépendance du Québec, sans diversion aucune envers les considérations provinciales dans le Canada, fussent-elles populaires auprès de la population.
Le Parti Québécois a, deux fois plutôt qu'une, démontré la futilité de l'exercice du pouvoir si celui-ci est limité aux compétences et moyens que lui laissent ses adversaires, les fédéralistes. Au contraire, les réalisations positives des gouvernements péquistes lors des deux mandats de gouvernement provincial ont tôt fait de conforter la population, celle-ci ne voyant pas le besoin de changer le système lorsqu'elle a été consultée en 1980 et 1995. Ensuite, encore à deux reprises, les électeurs ont chassé le parti du pouvoir lorsque celui-ci s'est accroché pour tenter de limiter les dégâts conséquents à la défaite de son option.
En quoi le Parti Indépendantiste ferait-il pire que le PQ en sollicitant un mandat pour réaliser l'indépendance du Québec? S'il est élu, il dispose de la légitimité pour procéder, entendu que la population serait appelée à se prononcer sur le nouvel arrangement des pouvoirs au terme des tractations avec le gouvernement fédéral. Sinon, la démocratie permet aux Québécois de faire confiance à un autre parti pour gouverner la province jusqu'au jour où la population réalisera l'incontournabilité de l'indépendance. Le PI, en faisant continuellement la promotion de l'indépendance et, à l'Assemblée nationale, en confrontant les possibilités ouvertes par la plénitude des pouvoirs aux solutions provinciales de ses adversaires, ne pourra faire autrement que de contribuer à accroître l'appui à son option. Si, au moment où le PI est porté au pouvoir, l'indépendance recueille une pluralité des voix, on sera arrivé au même résultat qu'un référendum, avec une légitimité encore plus grande. Si, toutefois, l'appui populaire reste inférieur à 50%, l'approche Parizeau-Laplante permet quand même de réaliser l'objectif. Bien sûr, les négociations pourraient être plus ardues, mais les appuis resteraient d'autant plus fermes que l'absence d'équivoque dans les intentions du gouvernement ainsi élu.
Chose certaine, ni le temps, ni le contexte politique, ni les considérations électoralistes ne constitueraient dorénavant des obstacles au progrès de l'idée d'indépendance, ce qui n'était pas le cas avec un Parti Québécois d'abord avide du pouvoir. Si la démographie ou les modifications aux lois électorales finissaient par rendre virtuellement impossible l'élection d'un tel gouvernement national, les électeurs n'auraient qu'eux-mêmes à blâmer. L'Histoire ne pourra jamais accuser le PI de n'avoir rien essayé pour libérer la nation québécoise.
Archives de Vigile Répondre
14 novembre 2007Le Canada atteint son point d'extrême faiblesse quand il essaie de se réformer, dis-je bien, comme l'illustre l'épisode du lac Meech ou l'accord de Charlottetown. Ce sont des révélateurs du système politique. Les fédéralistes le savent. C'est pour cela que les fédéralistes répètent tellement que la souveraineté ne doit pas se faire par la porte d'en arrière et qu'il faut prôner la séparation sans négo. C'est pour cela qu'ils disent que les indépendantistes ne veulent rien savoir du Canada. Ils n'ont qu'à répéter que les séparatistes veulent briser le pays. Le statut de province est plus facile à faire accepter si on a des séparatistes face à soi qui semblent promettre la confrontation, une fragmentation potentielle.
La grande manoeuvre stratégique de 1982 en bétonnant toute possibilité réformatrice a potentiellement aggravé le problème qu'elle était censé corriger. Que l'on propose des réformes constitutionnelles qui marquent un changement de cap, pas la province avec ses latitudes administratives mais une instance républicaine qui représente la nation québécoise par exemple. Mettre le Fédéral en position où il doit rendre des gages de réussite par rapport à des requêtes qui visent à plus que l'amélioration du sort provincial. Les fédéralistes souhaitent la fermeture du dossier constitutionnel et les séparatistes purs et durs aussi. Les uns, parce que l'ouverture de ce dossier affaiblit le Canada en risquant de le révéler et les autres, les séparatistes, parce qu'ils disent que ça ne fait que décaler le problème.
La souveraineté doit se faire par la porte d'en avant et par la porte d'en arrière, les deux.
Archives de Vigile Répondre
14 novembre 2007Les péquistes sont des indépendantistes. Les bloquistes aussi. Ils y a beaucoup d'indépendantistes à l'ADQ. Il y a beaucoup d'indépendantistes également au Parti vert. Québec Solidaire s'est déclaré officiellement indépendantiste. Il y a même des indépendantistes dans les rangs des libéraux du Québec.
La question à dix millions : comment fait-on pour qu'un beau jour tout ce beau monde se prononce clairement en votant en faveur de l'indépendance du Québec? Formule magique encore à définir.
Nous sommes probablement majoritaires, nous les souverainistes. Mais QUI réussira à nous réunir et à nous empêcher de nous nuire les uns les autres? QUI?
Sylvie Brousseau,
Île d'Orléans
Raymond Poulin Répondre
13 novembre 2007Il va de soi qu'au début ou à la fin d'un hypothétique processus d'accession à l'indépendance, il faudra obtenir une confirmation populaire si l'on veut éviter toute contestation et toute manoeuvre dilatoire. Il n'en demeure pas moins qu'une élection référendaire suivie d'un vote à la majorité absolue de l'ensemble de l'Assemblée nationale est, sur le plan des usages internationaux, recevable. Il s'agit de savoir si la population est préparée et prête aux "turbulences" survenant ensuite, dans le cas où cette dernière n'aurait pas été appelée à ratifier la décision clairement.
Par ailleurs, rien de ces beaux projets ne tiendra debout tant qu'il n'existera pas, en effet, une majorité stable dans l'opinion. On n'enclenche pas un processus sur un objet aussi capital sans assurer ses arrières. En la matière, il n'existe aucun autre moyen de fonder l'action sur un terrain solide. Et on ne déconditionnera pas un peuple colonisé et annexé simplement en "fonçant dans le tas" sans égard à l'état de la psychologie collective.
Il va de soi également qu'il faut un parti établissant des politiques d'État, comme un autre correspondant le mentionne, mais cette action seule est insuffisante si l'opinion ne dégage pas en même temps, de préférence avant, une majorité stable.
Archives de Vigile Répondre
13 novembre 2007Il s'agit pas de savoir quand tenir un référendum.
Il s'agit d'accomplir une serie de gestes, capable de mobiliser la population autour d'enjeux. Monsieur Laplante affirme avec clairvoyance que : se sont les politiques qui mobilisent.
Il s'agit d'avoir la volonté d'établir des politiques d'ÉTAT.
Maxime Paquin-Charbonneau
conseiller Mouvement pour une élection sur la souverainté