Réplique à la chronique de Nathalie Elgrably : brisons les mythes !

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Un débat : réplique du Collège des médecins et réponse de Nathalie Elgrably

DR MAURIL GAUDREAULT, MD, PRÉSIDENT DU COLLÈGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC



MISE À JOUR 


«Le problème est de nature structurelle, et le principal responsable est le Collège des médecins qui, pour avantager ses membres, limite les admissions dans les écoles de médecine et la reconnaissance des diplômes des médecins immigrants [...]; brisons enfin les chaînes avec lesquelles le Collège des médecins nous asservit impitoyablement.»  


Voici un passage de la plus récente chronique de Nathalie Elgrably, dans laquelle elle écorche gratuitement le Collège des médecins et induit à nouveau en erreur les lecteurs du Journal de Montréal et du Journal de Québec sur le processus de délivrance de permis aux diplômés internationaux en médecine. 



Voici quelques faits:    



  • Au Québec, un médecin sur dix est diplômé à l’étranger;    

  • Plus de 2000 des quelque 24 000 médecins québécois ont obtenu leur certification dans 75 pays différents;    

  • Le fait qu’un candidat soit admis dans une faculté de médecine ne relève pas du Collège des médecins, mais bien des universités;    

  • Les candidats diplômés internationaux en médecine admis dans les facultés de médecine sont soumis aux mêmes examens que les résidents québécois et obtiennent le même permis;    

  • Le Collège des médecins a aussi une voie rapide pour accéder à un permis restrictif, utilisée par les détenteurs d’un certificat de spécialiste international, voie qui requiert une évaluation clinique de la capacité à exercer au Québec;    

  • Depuis le début de la pandémie, le CMQ a délivré 73 permis restrictifs et 96 permis réguliers, permettant à 169 médecins diplômés à l’international d'exercer au Québec.       


En résumé, le Collège des médecins n’avantage pas ses membres au détriment des candidats étrangers. Il ne limite pas non plus les admissions dans les facultés de médecine ni la reconnaissance des diplômes. 


Ajoutons qu’en 2020-2021, près d’un permis sur cinq a été délivré à un diplômé international en médecine. 


Voilà ce qui contribuera concrètement à briser les mythes. 


DMauril Gaudreault, MD


Président du Collège des médecins du Québec



RÉPONSE DE NATHALIE ELGRABLY    


Le Collège des médecins n’a pas apprécié mon dernier texte. Selon son président, M. Gaudreault, j’écorche gratuitement l’organisme et j’induis les lecteurs en erreur. 


En guise de réponse, voire de défense, le Collège des médecins claironne quelques statistiques insipides qui, intrinsèquement, ne prouvent rien et ne contredisent pas mes conclusions. 


Le diplômé international en médecine


M. Gaudreault affirme que 10% des médecins ont obtenu leur diplôme à l’étranger et que 8,3% des médecins québécois ont obtenu leur certification dans 75 pays différents. Soit! Mais tout ce que ces chiffres démontrent, c’est que quelques médecins ont réussi à surmonter les barrières à l’entrée de la profession, des barrières aussi considérables qu’injustifiées. 


Les barrières sont considérables, car le processus menant à la délivrance d’un permis d’exercice est laborieux. Le diplômé international en médecine (DIM) doit d’abord obtenir la reconnaissance de son diplôme. Cette étape n’est nullement remise en question. Bien au contraire! Il est indispensable de vérifier l’authenticité des diplômes présentés. Mais le processus ne fait que débuter. 


Le DIM a ensuite deux options: la première consiste à refaire la totalité ou une partie de ses études pour espérer pratiquer un jour. Pour cela, il doit s’inscrire dans un programme universitaire de médecine. Or, les admissions à ces programmes font l’objet de quotas annuels. Donc, non seulement le DIM doit retourner sur les bancs d’école, mais il n’a même pas la garantie d’être admis. 


Selon la seconde option, il doit d’abord réussir deux examens, effectuer une résidence d’une durée de 24 à 96 mois, selon le programme choisi, et finalement réussir un autre examen. Là encore, comme les places en résidence sont limitées, le DIM n’aura jamais la certitude qu'il obtiendra un poste. 



Quelle que soit la voie empruntée, le processus est suffisamment long, pénible et incertain pour en décourager et en éliminer inutilement plusieurs. 


Les barrières sont également injustifiées... à moins, bien entendu, que les Québécois ne soient biologiquement ou anatomiquement différents des autres êtres humains qui peuplent la planète! Si ce n’est pas le cas, pourquoi imposer aux DIM un tel chemin de croix? Pour lui permettre de pratiquer le plus rapidement possible, ne pourrait-on pas se contenter de (1) vérifier l’authenticité du diplôme du DIM, (2) d’enquêter auprès de ses précédents employeurs et (3) de lui offrir une courte formation sur les aspects légaux de la pratique de la médecine au Québec? 


Imaginons le cas d’un médecin européen qui publierait une étude dans une revue médicale prestigieuse. Son travail serait cité et ses conclusions pourraient fort bien influencer, voire modifier la pratique des médecins québécois. Personne ne mépriserait sa recherche sous prétexte qu’il ne possède pas d’équivalence décernée par le Collège des médecins. En revanche, si ce même médecin émigre au Québec, il ne pourra pas immédiatement pratiquer. Ainsi, on peut lui faire confiance pour influencer la pratique de milliers de médecins, mais pas pour soigner un malade. Belle absurdité! 


M. Gaudreault indique que le Collège des médecins a délivré 73 permis restrictifs et 96 permis réguliers, permettant à 169 médecins diplômés à l’international d'exercer au Québec. Fort bien! C’est ce que l’on voit. Mais il faut également tenir compte de ce que l’on ne voit pas. M. Gaudreault pourrait-il donc nous dire combien de DIM ont renoncé à entreprendre le processus, faute de temps ou de moyens? Combien ont abandonné en cours de route parce qu'ils n'ont pas obtenu un poste en résidence? En somme, de combien de médecins diplômés et expérimentés sommes-nous obligés de nous priver en raison des dérives procédurales que le Collège des médecins cautionne et défend? 



Les admissions dans les facultés de médecine


En dépit de la pénurie chronique et funeste de médecins, le nombre de nouvelles admissions dans les facultés de médecine est limité. Les quotas de nouvelles admissions sont indiqués dans la Politique triennale des nouvelles inscriptions dans les programmes de formation doctorale en médecine et du recrutement de médecins sous permis restrictif pour 2021-2022, 2022-2023 et 2023-2024. 


La politique annonce 915 nouvelles inscriptions dans le contingent régulier pour 2021-2022, soit 14 de plus qu’en 2020-2021, puis 969 nouvelles inscriptions en 2022-2023, et 969 en 2023-2024. 


Ces chiffres «magiques» sont décrétés par une table de concertation à laquelle le Collège des médecins participe en compagnie de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et du ministère de la Santé. Certes, la responsabilité de ce contingentement n’incombe donc pas exclusivement au Collège des médecins. Mais le fait d’appartenir à un groupe n'innocente pas l’organisme et il en demeure incontestablement conjointement responsable. 


La pénurie de médecins perdure depuis des décennies. Selon le ministre Dubé, près de 1,5 million de Québécois n’ont pas de médecins de famille. Ainsi, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce «conseil de sages» échoue lamentablement dans sa mission d’évaluer les besoins de la population! Vu la détresse et l’exaspération des Québécois, comment peut-il donc avoir l’extrême outrecuidance de contingenter à outrance et de maintenir le contingent stable pour les deux prochaines années? N’y a-t-il donc personne pour être sensible au désespoir des malades que les médecins refusent de prendre en charge? Personne pour faire passer le droit des malades à se faire soigner avant les procédures tatillonnes d’une bureaucratie obèse et déconnectée de la pénible réalité des Québécois? 



La table de concertation à laquelle siège le Collège des médecins est manifestement incapable d’équilibrer l’offre et la demande de soins de santé. Pendant combien de temps encore allons-nous la laisser faire la loi, alors que les contingents qu’elle impose se traduisent par la mise en danger d’autrui, faute d’accès à un médecin? Idéalement, cette table devrait être carrément dissoute afin de permettre aux universités d’accepter tous les candidats qu’elles jugent qualifiés. À eux, ensuite, de satisfaire les normes d’excellence et de graduer. La population ne pourra qu’en gagner des médecins supplémentaires. 


On trouverait moralement inacceptable, voire criminel, qu’une poignée d’individus limitent la production de nourriture en période de famine. Alors pourquoi tolérerons-nous que la table de concertation fasse quelque chose de similaire dans le domaine médical? 


En conclusion


M. Gaudeault affirme que le Collège des médecins ne limite ni les admissions dans les facultés de médecine ni la reconnaissance des diplômes. 


Balivernes! Imposer des barrières à l’entrée pour les DMI et participer au contingentement des admissions dans les facultés de médecine est un moyen redoutable pour limiter l’entrée de nouveaux membres dans la profession et perpétuer la pénurie de médecins, ce qui avantage automatiquement les médecins en exercice. Il faut être soit d’une naïveté incurable, soit d’une mauvaise foi pathologique pour prétendre le contraire. 


Tournons-nous maintenant vers l’avenir. Vu la pénurie chronique de médecins et les souffrances inutiles et les conclusions parfois dramatiques qu’elle occasionne, le Collège des médecins est cordialement invité à répondre à deux questions très simples: (1) reconnaît-il que le coût humain provoqué par la rareté des médecins est moralement et socialement inadmissible? (2) Si oui, que compte-t-il faire concrètement pour aider à corriger rapidement et durablement la situation? 


Nathalie Elgrably