Alors que je préparais mon jardin pour l'hiver, par un beau matin ensoleillé d'automne, Yves Beauchemin passe et me salue. J'attendais ce moment-là, je m'y étais préparé mentalement. il habite à un coin de rue de chez-nous dans le Vieux-Longueuil, entre la mairie et la cathédrale St-Antoine-de-Padoue. Souvenez-vous que quand Lucien Bouchard a appuyé la position de Jacques Parizeau, il cité en exemple l'écrivain Yves Beauchemin et Jean Dorion, notre ex-député bloquiste.
«Bonjour, bonjour, comment ça va côté santé, très bien et Robert aussi.»
«Yves, je ne suis pas d'accord avec ta position sur la Charte. Vos arguments ne tiennent pas compte du fait que l'Etat du Québec veut affirmer sa neutralité par la laïcité qui doit s'exprimer par le refus des signes religieux ostensibles des employés de l'Etat pendant les heures de travail.»
Il dit: «Elles vont perdre leur emploi.»
Je réplique: «C'est faux. On respectera les droits acquis.» ( Ici, il semble un peu ébranlé…)
Y.B.: «Tu devrais lire le livre de Jean Dorion.»
M.V. : «Je n'ai pas l'intention de le lire. Je connais ses idées. C'est un émotif qui a peur de faire de la peine à sa nounou musulmane. Parizeau, Bouchard et Landry ne font pas une analyse politique du voile. Ils sont séduits par ces belles jeunes filles instruites qui portent des foulards multicolores et nous disent que le voile fait partie de leur identité. Alors que le voile est objectivement un symbole à la fois politique et religieux de l'asservissement de la femme. Ces trois hommes premiers ministres qui ont tous les trois démissionné pensent pouvoir faire la leçon à une femme, Pauline Marois. Ils se croient supérieurs. Ils manquent de vision pour le Québec.»
Y.B.: «Vous ne savez pas combien elles sont.»
M.V.: «Ça n'a pas d'importance: le Québec veut s'afficher neutre et laïc et prévoir pour les 20-30 prochaines années alors que des milliers d'immigrants seront accueillis.»
Y.B.: «Il faut être ouvert si on veut qu'elles votent pour l'indépendance.»
M.V.:«Celles qui sont susceptibles de voter pour l'indépendance sont pour la Charte. Les immigrants sont accueillis au Canada avec le multiculturalisme. Ce n'est pas en portant le voile qu'elles s'intégreront au Québec. Le voile est un obstacle et il ne faut pas l'encourager, au contraire.»
Y.B. : «On va se faire traiter de xénophobes. On va être le seul Etat en Amérique du Nord à interdire les signes religieux ostentatoires.»
M.V.: «Comme en Suisse et en France.»
Cette conversation passionnée de ma part a surpris Yves Beauchemin. Son attitude timorée m'a mise en colère. Nos chefs péquistes ont de la difficulté à appuyer la majorité qui a la volonté d'affirmer comment elle veut vivre. Si je l'avais eu sous la main, j'aurais cité le témoignage d'André Sirois publié dans Le Devoir du 8 octobre 2013 sous le titre: «Le dérapage intégriste de Charles Taylor».
«Fait frappant, quand je viens à Montréal, je vois plus de femmes voilées en une journée que je n’en ai vues en 20 ans à l’ONU, à New York ou à Genève, à l’ONU ou en ville. Comment se fait-il que l’on voit autant de femmes voilées à Montréal et que l’on n’en voit pratiquement jamais dans ces villes cosmopolites ou dans les bureaux et les missions de l’ONU ? N’y aurait-il là que des mécréants et des impies ? Par ailleurs, de passage à Toronto je n’ai pas vu là non plus autant de femmes voilées qu’à Montréal, et de beaucoup. N’y a-t-il pas lieu de s’interroger sur les causes de cette frénésie de manifestations d’intégrisme au Québec.» (…)
«En 20 ans à l’ONU et dans les organisations internationales, je n’ai pratiquement entendu qu’un seul commentaire au sujet des Canadiens et des Québécois, un qualificatif répété à satiété : « naïfs » auquel on ajoute parfois « et généreux », le message implicite et consensuel étant que les étrangers peuvent facilement les rouler et profiter d’eux en faisant appel à leurs bons sentiments. Je ne peux m’empêcher de me dire que c’est bien vrai et confirmé ici chaque jour. D’où la nécessité d’intervenir pour remédier aux dérapages et aux abus actuels.»
Je dis qu'il faut ouvrir les yeux, cesser d'être naïfs et agir avant qu'il ne soit trop tard.
Nos chefs n'étaient pas des chefs mais des peureux.
«On va se faire traiter de xénophobes. On va être le seul Etat en Amérique. Elles vont perdre leurs emplois.» Voilà ce que répètent les pusillanimes mal avisés.
«On ne peut pas décider pour nous, on doit plier.» Madame Marois ne parle pas assez d'indépendance selon vous, mais elle agit. La Charte va nous donner de la force, de la fierté. Elle est contestée, elle nous oblige à réfléchir et à prendre parti. Quand on a du caractère et qu'on sait ce qu'on veut, on se fait respecter. En affirmant notre identité, tranquillement, l'indépendance fera son chemin.