«La Gibelotte et autres essais»

Un recueil de textes de Robert Barberis-Gervais

Tribune libre



« La gibelotte et autres essais » de Robert Barberis-Gervais a été publié sur « la Tribune libre » de Vigile en vingt chapitres, du 27 octobre 2010 au 16 février 2011. (Voir auteurs ; archives) Il s'agit d'un livre numérique publié bien avant la commission parlementaire sur le prix unique du livre. Bernard Frappier était précurseur: il se faisait éditeur. C'est dans cet esprit que le texte-témoignage qui suit est publié bien qu'il soit assez loin de l'actualité politique. La boucle est ainsi bouclée. Il y a une pensée de Pascal qui se vérifie ici. « La dernière chose qu’on trouve quand on écrit un ouvrage, c’est celle qu’on doit mettre la première ». (Blaise Pascal)
prologue
J’ai eu la chance d’écouter jour après jour pendant sept ans, de 1997 à 2003, le récit palpitant des péripéties des affrontements entre un syndicat d’enseignants et une direction de collège. Ces affrontements se sont corsés quand des femmes cadres ont décidé d’intenter deux poursuites en diffamation. Ce livre numérique publié par Vigile raconte donc une histoire de poursuites. Il devait s’avérer que c’était deux poursuites-baillons, ce qu’on appelle en anglais des SLAPPs et que les poursuivantes étaient des libérales de strict observance qui avaient un compte à régler. Elles se sont heurté à un engagement syndical et politique indéfectible qui s'exprimait avec humour, culture, indépendance d'esprit et un certain panache digne de Cyrano de Bergerac.
Bien sûr, qu’il y a eu du stress et des tensions. Surtout à cause de certains enseignants mal intentionnés et envieux qui manoeuvraient dans les assemblées syndicales et dans le département de français. C'était une petite minorité mais elle vous compliqua la vie. Ce sont les seuls passages amers du livre. Mais il ne faudrait pas dramatiser car, somme toute, vous vous êtes bien amusés. Et j’en ai été le témoin privilégié. « Je ne fais rien sans gaieté » a écrit Montaigne. Ce pourrait être ta devise. Ce n’est pas pour rien que tu aimes tant Montaigne.
Certains collègues pépères ont accusé le syndicat des enseignants d’aimer la chicane. Ils ont compris plus tard les enjeux de vos luttes et la nécessité de tenir tête. Comme l’a fait remarquer Andrée Ferretti à propos de vives controverses passées sur la « Tribune libre » de Vigile, tu aimes la joute. Cela vient de ton amour du sport. Dans le sport, il y a une compétition, un gagnant et un perdant. Pour vous, ce fut une joute et une joute presque sportive.

Lors de la lutte contre la privatisation de la cafétéria, à un moment donné, le Directeur de l’équipement a dit : « Arrêtez, elles n’en peuvent plus. » J’ai beaucoup aimé les citations qui accompagnent le récit. Je me souviens de cette citation de Montaigne dans un numéro du bulletin d’information syndicale appelé « l’Huissier » que j’ai devant moi.

« Nous devons la sujétion et l’obéissance à tous rois, car elle regarde leur office : mais l’estimation, non plus que l’affection, nous ne la devons qu’à leur vertu. Donnons à l’ordre politique de les souffrir patiemment indignes, de celer leurs vices, d’aider de notre recommandation leurs actions indifférentes pendant que leur autorité a besoin de notre appui ».

Pour vous, la directrice générale et l’avocate, directrice des ressources humaines, étaient des indignes qui cachent leurs vices et qui ne méritent ni estime ni affection. Ça n’avait pas de bon sens que de faire de telles citations. Vous y alliez fort. C’était la guerre.
Suite à une plainte d’une étudiante adulte, quand la directrice, au début de son règne, t'a accusé d’être vulgaire, tu lui as demandé si cette citation de Montaigne était vulgaire : « Plus le singe monte haut dans l’arbre, plus il montre son cul. » Quand la chic bourgeoise de Ste-Anne-de-Sorel a répondu « non, ce n’est pas vulgaire », tu l’as accusée d’être snob et tu as ajouté : « Plus le singe monte haut dans l’arbre, plus il montre son cul. Et, directrice générale, ce n’est pas très haut dans l’arbre. » C’était la déclaration de guerre. Et bien, vous en avez eu pour votre argent: vos affrontements, j'allais dire «vos folies», ont coûté 25,000$ au syndicat et 50,000$ au collège.

Et cette autre citation de la Princesse de Clèves où Madame de Lafayette ironise sur Catherine de Médicis qui est l’épouse d’Henri II qui a eu pendant vingt ans une maîtresse très voyante, Diane de Poitiers, duchesse du Valentinois, qui faisait la loi. « L’humeur ambitieuse de la Reine lui faisait trouver une grande douceur à régner. » Belle ironie envers quelqu’un que vous avez combattu pendant sept ans et que vous avez empêché de régner. La Directrice, vous l’appeliez « Sa Majesté la Reine » et vous avez nommé son bureau : « le Carré Royal » du nom du principal parc de Sorel. En faisant un jeu de mots audacieux, pour désigner ses abus de pouvoir, le nom « d’Ubu Reine » est sorti de votre sac à malices.

J’ai particulièrement apprécié « Les confidences d’une femme trahie » où toute l’histoire est racontée suivant la chronologie du point de vue de l’adversaire. On lit ça et on se dit qu’elle a eu raison de vous tenir tête. C’est le chapitre le mieux réussi.

Il n’y a pas vraiment de répétitions dans ce livre présenté sous forme de mosaïque. Les mêmes faits sont racontés à différents points de vue et sous différentes formes. Il le fallait pour que la catharsis soit réussie.

Lecteur, lectrice, bonne lecture.
Marcelle Viger, 30 novembre 2013


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1 commentaire

  • Claude G. Thompson Répondre

    30 novembre 2013

    Chère madame Viger,
    J’ai eu la chance en 2011, je devrais dire le privilège, de lire en avant-première l’ouvrage de M. Barberis-Gervais. Je lui avais fait parvenir ce commentaire enthousiaste après une seconde lecture de son manuscrit et c’est avec plaisir que je le partage avec les Vigiles.
    “M. Barberis-Gervais,
    C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai lu votre Gibelotte et autres essais » qui, avec son humour caustique et son contenu décapant nous révèle de façon très originale comment l’attitude unilatérale, l’absence de considération pour autrui et la rage de pouvoir de certaines personnes les amènent à manquer complètement d’éthique et à poser des gestes qui les déshonorent.
    De plus, cet ouvrage constitue une réplique en miniature du monde du pouvoir et de la soif de certains de l’exercer afin de combler leurs propres manques. Une dimension sociologique en ressort également et qui va bien au-delà du non-sens que constitue l’ensemble des faits qui sont racontés. Ce qui apporte de quoi s’éveiller, réfléchir et mieux se renseigner avant de mettre notre confiance en de beaux parleurs qui n’ont d’intérêt que pour leur propre personne. Ça devient très politique tout ça finalement...
    Sans parler du plaisir que procure la lecture d’un livre où se côtoient culture, érudition, rigueur, drôlerie et profondeur de vision.”
    J’ai encore le fichier de la « Gibelotte » que M. Barberis-Gervais m’avait fait parvenir par courriel et votre intervention d’aujourd’hui m’a donné l’envie d’en refaire une lecture. J’ai été très déçu lorsqu’il m’apprit qu’aucun éditeur n’avait voulu le publier, car j’en avais même parlé avec enthousiasme à mon éditrice qui ne lui retourna pas de réponse.
    Claude G. Thompson