Règlements de comptes

PQ - leadership en jeu - la tourmente



André Boisclair préférerait sans doute être battu sur un programme que sur sa personnalité. C'est normal. Tant qu'à se faire exécuter, aussi bien choisir la manière.
L'humiliation sera moins grande si les péquistes le répudient à cause de ses idées «révisionistes» plutôt que par un vote portant sur le leadership, donc sur l'homme lui-même. C'est pourquoi M. Boisclair s'ingénie à mettre au point de nouvelles orientations pour le parti.
La version soft de la souveraineté dont il accouchera probablement ne fera pas l'affaire d'un bon nombre de militants. Donc M. Boisclair pourra toujours dire que si les péquistes lui montrent la porte, c'est parce qu'ils sont butés et intransigeants, pas parce qu'ils ne veulent pas retourner en élections avec lui à leur tête.
Dans ce scénario, M. Boisclair pourrait même tirer sa révérence avant la tenue d'un vote sur son leadership. Cela lui permettrait de sauver la face en se présentant comme un champion de la modération face à une bande de «purs et durs».
Le congrès qui devait avoir lieu en 2009 a été devancé d'un an, mais il est bien possible, si la grogne continue de monter au sein du PQ, que les règlements de comptes se fassent bien avant. Quand on en est au point où personne, parmi les poids lourds du parti, ne veut prendre publiquement la défense du chef, c'est qu'on est déjà en train de huiler la guillotine. M. Boisclair n'aura peut-être pas le temps de mettre en oeuvre la stratégie qui lui permettrait de s'éclipser dignement.
Chose certaine, André Boisclair est bien la dernière personne à pouvoir présider à une réorientation du parti, lui qui, il y a à peine plus d'un mois, défendait bec et ongles le programme actuel sur toutes les tribunes - au point d'affirmer que même si le PQ formait un gouvernement minoritaire, il irait de l'avant avec son projet de référendum!
M. Boisclair n'a plus la crédibilité nécessaire pour piloter la révision des orientations du PQ. Car enfin, l'homme qui professait un tel enthousiasme pour le programme actuel du parti ne peut pas, deux mois plus tard, venir nous dire que ce programme ne tient pas debout. Cela n'est pas sérieux. On ne change pas son fusil d'épaule sur des questions aussi fondamentales simplement parce qu'on a perdu les élections.
Si, par contre, comme on s'en doute, M. Boisclair a toujours trouvé en son for intérieur que le programme péquiste était irréaliste et dangereux, c'était de l'hypocrisie que de se faire élire à la tête du parti en faisant semblant de l'approuver entièrement, et c'était mentir aux électeurs que de faire campagne sur un programme auquel il ne croyait pas lui-même.
Logiquement, le débat d'idées, s'il y en a un, devrait se faire avant une course au leadership, idéalement sous l'égide d'un chef intérimaire capable de ramener le calme.
Il reste que le PQ a peu d'avenues devant lui s'il se cherche une nouvelle orientation mieux adaptée à l'état d'esprit des Québécois.
Le PQ peut se débarrasser de l'engagement qui le contraint à faire un référendum dès après une victoire électorale, mais il ne peut pas renoncer à la souveraineté; il pourrait certes en faire un idéal à long terme, en adoptant à court terme une démarche «autonomiste». Or ce créneau est déjà occupé par l'ADQ.
Pierre Marc Johnson pouvait toujours proposer une démarche «d'affirmation nationale» en 1986, mais à cette époque, l'ADQ n'était pas dans le paysage. Si jamais le PQ optait pour l' « autonomie « à la sauce adéquiste, il ferait tout simplement double emploi avec le parti qui a le vent dans les voiles. En fait, il signerait son avis de décès : pourquoi les électeurs voteraient-ils pour la copie plutôt que pour l'original?
Si l'on en juge par les méditations des divers penseurs péquistes, la stratégie qui semble se dessiner ces jours-ci serait une sorte de Meech II. Le PQ garderait la souveraineté à son programme mais essaierait de s'allier à l'ADQ pour obtenir l'élaboration d'une constitution québécoise et la réouverture de négociations constitutionnelles visant à accroître les pouvoirs du Québec. Comme cette opération est destinée à l'échec, on tablerait ensuite sur le mécontentement populaire pour relancer la marche vers la souveraineté. Reste à savoir si Mario Dumont entrera dans le jeu du PQ et si M. Charest saura résister aux pressions de l'opposition.


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