Une manchette de ce journal hier, intitulée «L'éolien se passe de l'avis des citoyens», nous apprenait qu'une poignée seulement des 150 projets de parcs éoliens qui seront présentés pour approbation par Hydro-Québec, dans un mois, ont fait l'objet d'une consultation en bonne et due forme auprès des citoyens des secteurs concernés. Ce qui se passe est en train de donner raison à ceux qui disent que c'est l'anarchie. À moins que ce ne soit la façon toute «libérale» d'aborder la question énergétique?
Tout le monde est pour l'éolien et contre les centrales au gaz ou au charbon. Tout le monde est pour la vertu et contre la pollution... Mais une fois qu'on a dit cela, encore faut-il les installer quelque part, ces fameux moulins à vent qui font jusqu'à 30 étages de haut et émettent un sifflement qui n'a rien de commun avec le bruissement du vent dans les arbres.
En choisissant de confier à l'entreprise privée le mandat de soumettre des projets totalisant 2000 MW supplémentaires d'électricité d'ici la mi-septembre, le gouvernement Charest entendait diversifier les sources d'approvisionnement en électricité, réduire le risque financier et éviter d'avoir à emprunter lui-même les millions nécessaires à ces investissements.
À cause de la réaction souvent négative des citoyens au cours de la première phase d'implantation de l'éolien, Québec a confié aux MRC, en février dernier, le soin de concilier les intérêts des uns et des autres pour l'aménagement de parcs éoliens sur leur territoire. Aussi, pour leur donner le temps de remplir leur mandat, on a reporté de la mi-mai à la mi-septembre la date de tombée des appels d'offres tout en fournissant un guide de travail et des ressources.
Or tout semble indiquer que, dans bien des cas, la consultation ait été limitée aux seuls acteurs directement actifs dans ces projets, reléguant au rang de spectateurs, et bientôt de victimes, ceux qui ont refusé l'offre des promoteurs ou qui devront vivre à proximité de ces parcs de moulins géants. Si tel était le cas, le pire est à venir.
L'énergie éolienne est une forme d'énergie propre et renouvelable, mais les machines conçues pour la produire sont des monstres qu'on ne peut pas ériger n'importe où. La Gaspésie, par exemple, est une des régions du Québec dont l'économie très fragile dépend le plus de la qualité des paysages. Ce n'est certainement pas en altérant même modérément cette richesse qui constitue la matière première de son industrie touristique qu'on améliorera la situation de l'emploi dans la région.
La MRC est par définition l'instance démocratique la mieux placée pour discuter d'aménagement du territoire, ce qui explique que Québec lui ait confié la responsabilité de l'étape de la consultation des citoyens avant l'adoption des projets d'éoliennes. En revanche, les élus, qui sont aussi les notables du lieu, manquent souvent de distance et d'objectivité dans l'évaluation de ce qui est bon ou non pour la région. Difficile en effet de rejeter un projet qui fera entrer des dizaines de milliers de dollars dans les coffres des sous-traitants locaux et dans ceux des municipalités.
Le phénomène est le même à l'échelle de la municipalité locale, où on a déjà vu des maires s'associer sur une base personnelle à des promoteurs pour construire des éoliennes sur leurs propres terres. Dans leur recherche de sites intéressants, les promoteurs ont beau jeu de s'entendre avec les propriétaires et les élus les plus sympathiques à leur cause et les plus «intéressés», au détriment d'une consultation plus large et démocratique.
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L'éolien n'est pas le seul dossier du secteur énergétique dans lequel les promoteurs privés semblent se croire en terrain fertile depuis quelque temps. Samedi dernier, dans nos pages, le président de la filiale canadienne d'Areva, cette grande société de production d'énergie nucléaire, appelait à un partenariat avec le Québec pour le développement de centrales de ce type. D'où vient cet intérêt soudain pour le nucléaire au Québec?
Et que dire des deux et peut-être bientôt trois projets de terminal méthanier dans une province où le gaz naturel ne détient qu'un faible pourcentage de la consommation énergétique totale? Comment se fait-il que trois consortiums aient pu projeter de construire de tels projets, sinon parce qu'ils ont l'appui des plus hautes instances du gouvernement Charest?
Malgré l'adoption d'une stratégie énergétique, l'an dernier, le leadership manque à Québec. L'impression d'ensemble qui se dégage de ce qu'on observe sur le terrain, c'est que ce gouvernement ne dit pas tout, qu'il cache ses véritables intentions derrière des discours vert tendre. Dans les faits, ce sont les promoteurs privés qui semblent tirer les ficelles derrière le rideau... du moins jusqu'au jour où des citoyens se lèvent pour crier leur opposition. Voilà qui devient agaçant à la fin.
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