Où le Bloc québécois s'en va-t-il? Je sais, je sais. Vous l'entendez, celle-là, à chaque campagne électorale fédérale depuis le référendum de 1995.
Cette question existentielle, c'est le cas de le dire, prend plusieurs formes. Mais à peu près toujours les mêmes. Sa présence à Ottawa est-elle encore pertinente? Survivra-t-il à une autre campagne? Sera-t-il effacé de la carte, ou complètement marginalisé?
Dans les faits, le Bloc a probablement vu sa pierre tombale achetée par les analystes au moins autant de fois que Jean Charest! Mais il reste aussi que le Bloc perd un peu de son plumage à chaque élection.
Cette fois-ci, ses principaux obstacles potentiels portent deux noms: Stephen Harper et Pauline Marois. Le sondage CROP-La Presse du 27 août montre un Bloc menacé en région par les conservateurs. Du moins, pour le moment.
Quant à Pauline Marois, c'est celle par qui est arrivée la mise en veilleuse officielle du référendum. Du moins, la plus récente. Si le passé est garant de l'avenir, une telle décision met aussi nécessairement de côté l'option péquiste elle-même. Bref, sans référendum en vue et avec un appui à la souveraineté sous la barre des 40 %, plusieurs se demandent comment le Bloc réussira à s'en sortir. Encore une fois.
Et ce, sans compter la déclaration récente du député péquiste François Legault voulant que les Québécois soient devenus trop "cyniques" envers la classe politique pour appuyer un aussi "gros" projet que la souveraineté du Québec...
Et pourtant, la réalité est que le Bloc s'est déjà repositionné en conséquence, si je puis dire, il y a de nombreuses années. Cette mission censément impossible, soit fonctionner sans horizon référendaire, est accomplie depuis les fameuses "conditions gagnantes" de Lucien Bouchard. Vous vous souvenez? C'était son langage codé. Ça voulait dire qu'il n'y aurait pas de référendum. Gilles Duceppe, me semble-t-il, avait fort bien saisi le sens réel de l'expression "conditions gagnantes".
C'est ainsi que le Bloc s'est transformé, lentement mais sûrement, en parti nationaliste, disons, plus "classique". Un parti voué, pour reprendre son propre branding, à la "défense des intérêts du Québec". Ce qui, en soi, a sa propre légitimité politique.
Fait à noter: cette logique nationaliste plus classique constitue en fait un retour aux sources pour le Bloc. Certains se rappelleront peut-être que lorsque Lucien Bouchard a quitté le gouvernement de Brian Mulroney un peu avant l'échec de l'accord du lac Meech, pour ensuite créer le Bloc, il présentait son nouveau parti comme étant une alliance arc-en-ciel de nationalistes québécois. Certains, comme Jean Lapierre, étaient fédéralistes. D'autres, comme Gilles Duceppe, étaient souverainistes. Ce n'est que plus tard que le Bloc prendra une couleur plus souverainiste, à mesure qu'approchait l'élection québécoise de 1994. La victoire du PQ semblant à peu près assurée, et ce, avec un engagement formel de tenir un référendum rapido presto, le Bloc s'est alors joint à ce qui allait devenir "le camp du changement".
L'APRES-DUCEPPE
Bref, LE gros problème qui guette le Bloc dans les prochaines années n'est pas l'énième renvoi du référendum aux calendes grecques, puisque le Bloc s'y ajuste dans les faits depuis 1996.
Un vrai problème, par contre, est l'inconnu entourant l'avenir de son leadership puisqu'il est fort possible que la prochaine campagne électorale soit la dernière de Gilles Duceppe. Chef depuis 11 ans, il a d'ailleurs déjà tenté le saut au PQ après la démission d'André Boisclair. Plusieurs croient même qu'il aurait raté sa vraie chance lorsqu'il ne s'y était pas présenté après le départ-surprise de Bernard Landry. Mais ça, c'est une autre histoire...
Gilles Duceppe a beau avoir connu un apprentissage à la dure à la suite de son élection à la tête du Bloc en 1997, il est néanmoins devenu un chef expérimenté, respecté, aguerri. Un bon chef, quoi.
Et il arrive que les partis se remettent mal du départ d'un bon chef. Vous me direz que le Bloc a quand même survécu au départ de Lucien. C'est vrai. Mais c'était un peu, beaucoup parce que M. Bouchard, extrêmement populaire à l'époque, n'était qu'à un jet de pierre, soit à Québec. Et c'est aussi grâce à Gilles Duceppe.
D'où le premier vrai danger qui guette le Bloc: l'après-Duceppe. Qui émergera après son éventuel départ? Qui saura tenir le Bloc aussi bien dans un contexte où le PQ opterait pour un très long retour au "bon gouvernement"? Et que ferait ce nouveau chef, ou cette nouvelle chef, face à une prolongation encore plus marquée de l'intermission référendaire? Tenir le coup pendant 10 ou 15 ans sans souveraineté, ça peut toujours aller. Mais que faire si ça dure 20 ans... ou plus?
Quant au second danger, il est plus hypothétique, mais pourrait se concrétiser un jour. Qu'arriverait-il au Bloc, électoralement parlant, si, comme à l'époque de Brian Mulroney, un parti fédéral majeur venait à offrir au Québec un renforcement réel de ses pouvoirs? Le Bloc, sans accès possible au pouvoir, pourrait-il concurrencer un tel parti? Bien des bloquistes se posent ces questions. Et bien d'autres encore.
Mais, en bout de piste, seuls les électeurs seront habilités à y répondre. Vous me le dîtes si je me trompe, mais je crois qu'on appelle ça la démocratie...
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