C’était prévisible, peut-être même inévitable: l’ONU, ou plus exactement, un de ses improbables comités, a décidé de se mêler du débat sur le projet de loi 21 pour s’inquiéter de ce dernier. Mais bien franchement, seuls les esprits impressionnables, qui tremblent d’émotion dès que l’Organisation des nations unies est évoquée, s’en émouvront. Car qui prend encore au sérieux ce mammouth bureaucratique supranational, et plus encore lorsqu’il est question des droits de l’homme? Qui s’incline encore devant la supposée autorité morale de petits sermonneurs qui partout en Occident, prêchent les vertus de la société diversitaire alors qu’ils se montrent discrets, et même complaisants, devant les dictatures?
Il suffit de lire la lettre des «experts» onusiens pour voir à partir de quelle grille de lecture ils analysent la société. Nous sommes devant le modèle convenu de la sociologie antidiscriminatoire, qui prétend repérer la tyrannie de la majorité derrière toute norme commune, derrière toute décision collective. De telles normes, qui s’imposent en tant que manifestations de la culture de convergence, sont accusées aujourd’hui de pousser à l’exclusion sociale. On retrouve là le principe fondateur du multiculturalisme, qui repose sur l’inversion du devoir d’intégration et qui ouvre un immense chantier pour l’ingénierie sociale pour recomposer la société sous le signe de la «diversité».
Une notion semble échapper à nos experts onusiens: un pays n’est pas qu’un espace administratif neutre où se juxtaposent des communautés jouissant du droit nouvellement apparu dans l’histoire de ne pas s’intégrer au pays où on vit. Un pays a une identité, des mœurs, une profondeur historique. La vocation de celui qui s’y installe, qu’il soit immigré ou qu’il s’y réfugie définitivement, est d’en prendre le pli, et non de constituer ici une communauté revendicatrice réclamant un statut particulier par la reconnaissance de droits spécifiques. C’est pourtant ce que font certains en instrumentalisant le langage des droits de la personne pour se communautariser. Nos sociétés n’ont pas à multiplier les contorsions pour accommoder ceux qui n’acceptent pas les règles naturelles de l’hospitalité.
Nous ne brimons les droits de personne en invitant et même en obligeant, lorsqu’il le faut, les populations issues de l’immigration à respecter nos mœurs. Ce qui est scandaleux, en fait, c’est d’assimiler au racisme, à la xénophobie ou à la discrimination directe ou indirecte cette simple règle de bon sens. Ce qui est scandaleux, c’est de voir des «experts» qui ne sont en fait que des idéologues ne connaissant à peu près rien au Québec et à son histoire venir nous faire la leçon et nous dire quoi faire et ne pas faire avec notre pays. Ce qui est scandaleux, c’est de voir des nations se laisser aspirer ainsi par le système onucratique et consentir à se faire mettre en tutelle moralement.
À travers cette intervention de l'ONU, on voit bien là, cela dit, le type de philosophie politique qui domine l'esprit de notre temps: on plaque sur une société concrète un modèle censé correspondre à une théorie de la justice qui se prétend universelle, et on lui demande de s’y conformer. Ceux qui pratiquent une telle philosophie déforment notre rapport au monde davantage qu’ils ne l’éclairent. À travers cela, la philosophie politique confirme sa dérive spéculative et son incapacité à comprendre véritablement la vie des peuples et des civilisations, comme si elle semblait perplexe devant la résistance du réel à ses analyses.
Le «droit international» qui s’élabore à coup de pactes et de traités auxquels les peuples ont très rarement l’occasion de consentir se déploie en niant les principes élémentaires de la souveraineté populaire et de la souveraineté nationale. On l’a encore vu il y a quelques mois avec le pacte de Marrakech. À travers cela, c’est une forme d’impérialisme à prétention humanitaire qui se déploie sous la forme d’un néocolonialisme supranational. Il s’agit de mettre moralement les nations en tutelle sous la supervision d’experts en droits de l’homme nous disant ce que nous avons le droit ou non de faire. Les représentants de l’ONU ne sont pas les porteurs d’un idéal de civilisation devant lequel il faudrait se plier, mais des militants agressants dont on peut mettre le médiocre rapport à la poubelle. Bien franchement, que l’ONU se mêle de ses oignons.