Quand le fruit n’est pas mûr on peut manger du P’tit Québec

Cette campagne électorale n’aura peut-être servi qu’à faire la preuve, une fois de plus, que la Canada c’est bon pour les canadiens mais pas pour les québécois.

Tribune libre 2008

Il y en a qui comprennent et admettent d’emblée des évidences et d’autres qui ne les comprennent jamais ou ne les comprennent pas au bon moment. Il y a au Québec un bloc quasi inébranlable de souverainistes convaincus. Ils représentent probablement la majorité des québécois francophones. De plus, ce sont généralement des gens très ou au moins moyennement politisés. Si on ne tient pas compte des gens qui ne se considèrent pas québécois, des gens dont la seule conscience politique consiste à voter une fois par 4 ans et de tous ceux que la politique laissent parfaitement indifférents, on comprend que la masse des souverainistes, dans l’ensemble des gens politisés et politiquement un tant soit peu actifs, dépasse très largement la majorité dans notre échantillon significatif retenu.
Les souverainistes ne sont généralement pas des électeurs qu’on peut appâter facilement avec quelques bonbons fiscaux, quelques douceurs législatives ou quelques hochets sémantiques insignifiants. C’est loin d’être une particularité des souverainistes québécois. Tous les souverainistes du monde sont des gens fortement attachés à leurs convictions. La rage d’une nation (ou d’un grand groupe d’éléments d’une nation) éveillée qui revendique le droit d’exister comme entité entièrement autonome n’a probablement d’égal que l’attachement viscéral d’un groupe à ses croyances religieuses profondes.
Oui les indécis et les fédéralistes inconditionnels peuvent se laisser séduire indifféremment et sans retenue par n’importe quel parti fédéraliste ou presque, les différences entre les uns et les autres étant relativement secondaires. Mais comment les fédéralistes peuvent-ils croire que les souverainistes vont quitter en masse leur navire pour s’aventurer sur de nouvelles embarcations où personne ne les comprend et où ils doivent, à tout moment, surveiller leurs arrières pour éviter d’être poignardés dans le dos ? Comment des analystes sérieux en sont-ils arrivés à penser que les souverainistes allaient déserter en masse le seul navire qui n’est authentiquement que le leur.
Après avoir gouverné le Canada pendant près de 3 ans, après avoir probablement fait des efforts notables réels pour comprendre les québécois (autant fédéralistes, nationalistes que souverainistes), Stephen Harper disait il y a quelques jours qu’il ne comprenait toujours pas la très grande majorité des québécois. Ce n’est pourtant pas étonnant. Il n’arrivera probablement jamais à comprendre vraiment les québécois parce qu’il n’est tout simplement pas québécois. Je ne crois pas qu’il y ait non plus de nombreux québécois qui comprennent les albertains, les terre-neuviens, les prince-édouardiens, les saskatchewanais ou les yukonais. C’est toujours très difficile de comprendre ce qui ne nous ressemble pas. Stephen Harper a vraiment pensé qu’il pouvait nous amadouer en nous reconnaissant comme une nation dans un Canada uni, en nous accordant un siège purement virtuel à l’UNESCO et en soulageant temporairement le déséquilibre fiscal entre Ottawa et Québec.
Je ne veux pas faire partie d’une nation conditionnelle, subordonnée aux conditions imposées par une autre nation. Je ne veux pas d’un siège à l’UNESCO que je dois partager avec une très forte majorité issue d’une autre nation. Je ne veux pas qu’une autre nation soulage temporairement mon déséquilibre fiscal. Je veux des points d’impôts et un accès à tout ce qui pourra solutionner définitivement mon déséquilibre fiscal. Et même si on nous donnait une reconnaissance inconditionnelle de notre statut de nation, qu’on nous donnait un siège propre et entier à l’UNESCO, qu’on nous transférait des points d’impôts, je ne serais pas plus satisfait.
Comme la plupart des souverainistes je veux rien de moins que la souveraineté. Alors, le Parti Conservateur ne pourra jamais me donner ce que je désire. Pourquoi de mon côté je lui donnerais mon vote ? Du côté du Parti Libéral ce n’est pas mieux. Stéphane Dion comprend probablement plutôt bien les souverainistes québécois. Malgré qu’il affirme depuis peu qu’il est un nationaliste québécois, il a choisi son camp depuis longtemps et a choisi également sa stratégie d’approche face aux souverainistes. Ce choix c’est la confrontation, la menace partitionniste, le chantage nébuleux à la clarté. À quelques jours du vote notre nouveau nationaliste québécois révèle à nouveau son attachement envers la confrontation en ramenant sur les tribunes, avec lui, Jean Chrétien et son aréopage de matamores casseurs de souverainistes et disciplines de la commandite. Il ne manque que les apparitions d’Alphonso Gagliano, de Pierre Pettigrew et autres chantres anti-souverainistes pour compléter le tableau. À mon sens Stéphane Dion a fait une grave erreur en ramenant des grands disparus sur scène avec lui, dans les derniers milles de la présente course. Stéphane Dion avait presque réussi à nous faire oublier l’ancienne équipe libérale qu’on avait tant de plaisir à oublier. Stéphane Dion n’aura pas le vote du souverainiste que je suis et je ne vois pas le jour où les libéraux pourront me le soutirer.
Les néo-démocrates sont trop centralisateurs et ne s’attardent pas réellement au problème québécois. Ils n’auront pas mon vote de sitôt. Les verts ? Étant fort soucieux des questions environnementales, je me dis qu’on s’en sortirait mieux dans un Québec souverain qui a déjà une bonne longueur d’avance sur le Canada en matière d’environnement. Et je n’ai pas envie d’attendre après l’autre nation. En définitive, il n’y a aucun parti politique à l’échelle canadienne qui puisse satisfaire les aspirations des souverainistes québécois ou même tout simplement des nationalistes québécois. Il n’y en a ni ici, ni maintenant, ni à l’horizon. Et Gilles Duceppe a parfaitement raison.
Ce n’est pas la faute des souverainistes si les partis fédéralistes canadiens n’arrivent pas à nous vendre leur salade. Les uns choisissent depuis toujours la confrontation. Ce ne peut mener nulle part car ça ne fait qu’accentuer l’acrimonie entre les deux camps et aucun des deux camps ne va s’évaporer, comme par magie, du jour au lendemain, même si c’est ce qu’on semble bêtement espérer des deux côtés. Il y a ceux qui choisissent de ne jamais aborder le problème de façon sérieuse (le NPD), comme si un problème ignoré était un problème résolu. Il y a ceux qui donnent un peu, plus souvent qu’autrement des "objets" purement symboliques, mais qui, parce qu’ils ne pourront jamais se permettre de déplaire à la vaste majorité de leurs électeurs canadiens, ne pourront jamais satisfaire une majorité de québécois.
Il est impossible d’envisager des changements constitutionnels profonds pouvant satisfaire un tant soit peu les québécois parce que le fruit n’est pas mûr, que le terreau n’est pas fertile, que la majorité canadienne n’est pas prête, que le vent ne souffle pas du bon côté, que le café n’est pas prêt, que le bateau coule, que le vernis de la table n’est pas sec, que la voiture du premier ministre manitobain ne démarre pas, que le premier ministre néo-écossais est embourbé dans la neige, parce que le conseiller principal du premier ministre est parti à la chasse et qu’il est impossible de la rejoindre sur son cellulaire défectueux, parce que l’activité solaire provoque une tempête magnétique empêchant les communications de fonctionner, parce que l’épouse du premier ministre canadien vient de se faire enlever par les extraterrestres, parce que la plomberie vient de lâcher au 24 Sussex, parce que le premier ministre du Yukon vient de découvrir qu’il est cocufié par sa femme avec le premier ministre de Terre-Neuve, parce que le principal conseiller du premier ministre de l’Ontario vient d’apprendre que Brad Pitt et Angelina Jolie viennent lui rendre une visite non annoncée, parce que... Parce que... Parce que Mars attaque...
Le Canada est tellement vaste et tant de choses peuvent survenir à tous moments que des pourparlers constitutionnels sérieux pouvant aboutir à quelque chose de concret et de substantiel pour le Québec sont, dans les faits, pratiquement impossibles. Ceux qui nous disent que le fruit n’est pas mûr savent très bien qu’il ne le sera probablement plus jamais. En réalité ils attendent plutôt que le fruit souverainiste se détache de l’arbre, qu’il tombe directement par terre ou en bifurquant sur la tête de Newton, qu’il roule un peu sur l’herbe puis dans la boue d’un chemin de terre, qu’il soit écrasé par un gros camion, qu’il pourrisse rapidement sur place ou qu’il soit entièrement dévoré par les insectes et les bactéries afin qu’il disparaisse complètement.
Malheureusement pour les fédéralistes ce scénario ne se réalisera pas. D’un autre côté les fédéralistes ne parviendront jamais à mettre assez de substance sur la table constitutionnelle pour satisfaire les aspirations légitimes de la nation québécoise. Alors, elle est où la solution ? Je n’en vois aucune autre satisfaisante que la souveraineté du Québec. Elle se fera le jour où la majorité des québécois et des québécoises se rendront à l’évidence qu’il n’y a pas d’autre ou de meilleure solution. L’attente peut être encore longue. Elle peut également être très courte. En politique tout peut changer très rapidement. Au début de cette campagne électorale ils étaient nombreux à croire que les conservateurs allaient gagner du terrain au Québec, au détriment du Bloc Québécois. En fin de course la situation n’est plus du tout la même. C’est peut-être parce qu’encore une fois les québécois ont déchanté en constatant que les différentes versions possibles du Canada qu’on nous propose, encore et encore, ne cadrent absolument pas avec les désirs et les aspirations de la nation que nous sommes.
Cette campagne électorale n’aura peut-être servi qu’à faire la preuve, une fois de plus, que la Canada c’est bon pour les canadiens mais pas pour les québécois. À force de nous démontrer leur impuissance à nous satisfaire, les partis fédéralistes vont peut-être finir par engendrer plus de souverainistes que n’arrivent à le faire, eux-mêmes, les partis souverainistes.


Laissez un commentaire



4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 octobre 2008

    Bonjours M.Mitriou. Si on était en Afghanistan, Stephen Harper dirait qu'il a été victime de tirs amis de la cohalition fédérale. N'est-ce pas Jean Charest qui lui a enfoncé dans le talon d'Achile la rebuffade spectaculaire à Québec en disant que la déséquilibre fiscal n'était pas réglé et que les coupures dans le arts étaient une grossière erreur? Gilles Duceppe et les artistes n'ont eu qu'à surfer sur la vague alors que le vaisseau amiral conservateur naviguait dans la tourmente se dirigeant sur les récifs. On fait les gorges chaudes dans les médias quand les souverainistes se chamaillent, à observer les fédéralistes, on pourrait écrire un nouveau Guerre et paix de Tolstoï.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 octobre 2008

    Le Canada n'est pas meilleur pour les Canadiens !
    Un siège à l'UNESCO n'est pas un avantage, c'est un boulet d'esclave de plus à son pied !
    L'UNESCO est l'outil par excellence des banquiers internationaux qui nous font le spectacle de cette "crise" économique afin de manipuler le transfert de capitaux qui leur serviront pour l'établissement de leur gouvernement unique et mondial !
    Ce Canada éclate.
    L'Alberta a sa niche avec son pétrole et représente le vestige de ce qui était le Canada.
    Il y aura naissance d'un parti ontarien. C'est innévitable.
    Nous sommes témoins d'une réaction à une tentative de globalisation totalitaire mondiale.
    Les Québécois, devons êtres solidaires et plus nationalistes que jamais. Nous avons une histoire unique et particulièrement "atypique" qui nous avantage actuellement.
    Nous avons une chance, une ouverture, innespérée, à l'accession à notre indépendance.
    J'espère que notre élite sera avec nous, cette fois.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 octobre 2008

    Si le Québec continue à être une colonie de la Couronne britannique à travers le Pouvoir centraliste d'Ottawa, c'est tout simplement parce que la majorité des Québécois sont soumis, consciemment ou inconsciemment, à cette dichotomie : si l'on ne fait pas partie de la solution, l'on fait partie du problème.
    Vive le Québec libre de caciques, de tricheurs de la politique, de traîtres et de pilleurs des ressources fiscales et naturelles

  • Michel Guay Répondre

    11 octobre 2008

    Les fédéralistes construisent le Canada sur le mensonge , les commandites propagandistes , les coups et les arnaques .
    Ces méthodes anti démocratiques sont efficaces mais ne peuvent que durer un temps .
    Un pays ne peut pas se construire sur des messures de guerres abusives des coups de la Brink's des coups sexistes des Yvettes, des commandites et des loi anti-démocratique style C20 .
    D'égal à égal, ou rien , donc de nation à nation et pas de Meech -moins à la Charest Dumont ou Harper .
    L'unique projet caché mais évident des fédéralistes est la destruction anglicisation de la nation Québecoise et bien entendu les Québecois n'en veulent pas et n'en voudront jamais .