On assiste à une méchante offensive de la droite. Et la « gauche efficace », la « gauche Plateau », est en train de se faire avaler tout rond par la droite. Un bel exemple est la « performance » de Marie-France Bazzo face à Mario Dumont à la « Commission Bazzo-Dumont », une chronique de l’émission de Paul Arcand sur le réseau Corus.
À chaque matin, vers 8 h 25, Bazzo et Dumont doivent commenter deux sujets d’actualité. Expert ès démagogie, Dumont n’a aucune difficulté à attirer Bazzo sur son terrain, l’emmêler dans ses rets, et la livrer toute ficelée à l’auditoire.
Un exemple parmi tant d’autres. Appelé à commenter les accidents mortels d’adolescents sur les routes, Mario y va de propos « law and order » prévisibles. Plutôt que de prendre le contrepied de Dumont et, par exemple, de remettre en cause la puissance des voitures vendues au Canada – les voitures ont toujours beaucoup plus de chevaux-vapeur que le même modèle vendu en Europe – ou mieux encore l’influence de la publicité toujours principalement axée sur des performances délirantes en termes de vitesse et de conduite dangereuse – Bazzo met le pied directement dans le piège que lui a tendu Dumont et se demande pourquoi il n’y a pas de surveillance policière la nuit, les fins de semaine, sur les rangs secondaires du Québec !
Clac ! Le piège se referme ! Mario, triomphant, lui demande si elle sait combien il y a de kilomètres de routes au Québec, et combien sa proposition coûterait ? Heureusement, il y a la pause publicitaire qui permet à Marie-France de se refaire une beauté.
Mais, jour après jour, chronique après chronique, le scénario se répète. Que ce soit sur la question du rôle de l’État, de la fonction publique, des syndicats, des écoles, Dumont ne fait qu’une bouchée d’une Bazzo qui, devant les propos démagogiques de Dumont, n’a rien d’autres à lui opposer que les propos centristes, toujours faits de concessions à la droite, de la « gauche efficace ».
« Oui », reconnaît-elle toujours en amorçant sa réplique, « il y a trop d’État », « la fonction publique est inefficace », « les syndicats sont trop corporatistes » et « on ne peut pas congédier les profs incompétents ». À partir de là, Mario a la partie belle.
Glissement de la « gauche efficace » vers la droite
La « performance » de Bazzo est symptomatique du glissement actuel de la « gauche efficace » vers la droite au point où elle abandonne carrément toute référence à la dénomination « gauche efficace » pour se proclamer ouvertement de droite.
C’est le cas du duo Legault-Facal qui, du temps qu’ils faisaient la pluie et le beau temps au Parti Québécois, ne rataient jamais une occasion de se positionner en dignes représentants de la « gauche efficace » face aux méchants gauchistes du SPQ Libre.
Mais l’échec récent de leurs modèles économiques et politiques a contribué à ce qu’ils abandonnent toute référence à la « gauche ». Rappelons-nous que François Legault voulait aligner la politique fiscale du Parti Québécois sur le modèle irlandais qu’il rangeait d’ailleurs, au mépris de toute considération géographique, dans les pays scandinaves! (Encore heureux qu’il n’ait été que financier et administrateur d’Air Transat et non pilote d’avion !) Ces politiques fiscales tant célébrées par François Legault ont conduit l’Irlande à la faillite!
Quant à Joseph Facal, pour bien montrer à quelle enseigne il logeait, il a doublé le nombre de ses chroniques au Journal de Montréal durant le lock-out, se méritant le titre du « scab efficace » en chef.
Lisée, le dernier des Mohicans?
Parmi les têtes d’affiche de la « gauche efficace », il ne reste plus que Jean-François Lisée. Mais il n’est peut-être qu’en sursis. Imaginons le pire qui pourrait lui arriver, soit que Legault et Facal pigent dans ses propositions pour construire le programme de leur futur parti de droite!
Rappelons quelques-unes de ces propositions. Dans « Pour une gauche efficace » (Boréal), où Jean-François Lisée reconnaît qu’il « emprunte cette belle expression de ‘‘ gauche efficace’’ à François Legault », on retrouve les propositions suivantes qui pourraient certainement trouver leur place dans un programme de centre-droit :Privatisation partielle à hauteur de 25% d’Hydro-Québec.
Réduction du fardeau fiscal des entreprises.
Réduction de la taxe sur la masse salariale pour la faire migrer vers la TVQ.
Réduction de l’impôt des riches, remplacé par plus de tarification.
Transformation de certains syndicats du secteur public en micro-entreprises se concurrençant entre elles et avec le privé.
En éducation, virage vers le modèle américain : décentralisation au niveau de l’école, paye au mérite pour les profs.
À droite, toute !
À voir ce qui se passe un peu partout à travers le monde, il est clair que la classe dominante a décidé de répondre à la crise par des mesures de droite et non par des mesures keynésiennes comme certains l’espéraient. C’était oublier le contexte social et politique totalement différent entre l’époque du New Deal et la situation actuelle.
Dans les années 1930, le mouvement ouvrier occidental était en pleine expansion et, galvanisé par l’exemple de la Révolution d’Octobre 1917, faisait preuve d’une grande combativité. On a de la difficulté à l’imaginer aujourd’hui, mais le président Hoover craignait en 1932 une réédition du la prise du Palais d’Hiver par une insurrection ouvrière à Washington, comme le rapporte l’historien Jean Edward Smith dans sa biographie de Franklin D. Roosevelt (FDR, Random House, 2007).
La droite est à l’offensive. En Europe, aux États-Unis, au Canada, au Québec. Dans ce contexte, il y a fort à parier qu’elle récupérera à son compte les propositions centristes de la « gauche efficace » et que les porte-parole de la « gauche Plateau » serviront de plus en plus de faire-valoir à ses démagogues.
À la gauche de se redéfinir sur ses positions traditionnelles, maintenant que le mirage du « New Labour » est en voie de se dissiper.
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