La nouvelle chaîne française d'information internationale (CII) chère au président Jacques Chirac, qui doit entrer en ondes fin 2006, envisage de diffuser la majorité de sa programmation en anglais, ce qui suscite la controverse.
«La chaîne s'adresse-t-elle aux Français hors de France ou au public international?», a expliqué au Devoir un responsable de l'équipe qui travaille à mettre la chaîne sur pied. «Notre public cible sera composé à 80 % d'anglophones, alors il faut pouvoir les rejoindre.»
Il y a deux semaines, certains médias britanniques avaient fait des gorges chaudes des rumeurs voulant que la CII diffuse en anglais. Selon les informations obtenues par Le Devoir hier à Paris, la CII veut d'abord diffuser en anglais et en français, avec des «décrochages» en arabe et en espagnol selon les régions. Mais pour éviter de changer la langue de diffusion à toutes les heures et de perdre ainsi les téléspectateurs, on a décidé qu'il devrait y avoir une «langue majoritaire de diffusion», qui serait donc l'anglais.
Comme argument supplémentaire, les dirigeants de la CII font valoir que TV5 joue déjà les rôles de défenseur de la francophonie dans le monde et de vitrine pour les émissions en français. La CII «n'est pas la voix de la France, il s'agit plutôt d'un regard français sur le monde», a-t-on indiqué.
Mais la CII évalue en ce moment la possibilité de diffuser en deux canaux distincts, l'un en anglais et l'autre en français, ce qui risque d'être difficile à réaliser avec le budget actuel.
La CII doit s'installer très bientôt dans des locaux situés à Issy-les-Moulineaux, en banlieue sud immédiate de Paris, et commencera à recruter ses journalistes dès la semaine prochaine. La chaîne a déjà reçu plus de 1000 curriculum vitæ et veut embaucher de 150 à 170 journalistes. Comme elle est à la recherche de personnel parfaitement bilingue, elle envisage de publier sous peu des offres d'emploi sur des sites Internet québécois. Au total, l'entreprise compterait 250 employés.
La chaîne prévoit être disponible en numérique fin 2006 en Europe, au Proche-Orient, au Moyen-Orient et en Afrique. Elle envisage de diffuser également sur la côte Est de l'Amérique, essentiellement dans les grandes villes comme New York ou Washington. Aucune diffusion n'est prévue au Québec ou au Canada pour le moment.
La naissance de la CII a été plutôt houleuse. Le projet d'un CNN français, évoqué dès la fin des années 80, a été réactivé par le président Chirac lors de la guerre en Irak pour contrer une vision jugée trop américaine sur les ondes internationales. Sa création coïncidait également avec la montée des chaînes d'information arabes.
Créature gouvernementale, cette chaîne a été placée sous la responsabilité conjointe et paritaire de TF1, le grand groupe télévisuel privé, et de France Télévision, le télédiffuseur public. Ce mariage a été jugé contre nature par plusieurs: c'est exactement comme si on demandait à TVA et à Radio-Canada de créer ensemble une chaîne d'information.
Les dirigeants de la chaîne soutiennent que la collaboration se passe bien, mais on sait que l'année dernière, TF1 s'opposait à ce que la CII soit diffusée sur le territoire français, sous prétexte qu'elle entrerait en concurrence avec sa propre chaîne d'information continue, LCI.
Par ailleurs, en septembre dernier, les syndicats de France Télévision, de Radio France Internationale (RFI) et de l'Agence France-Presse (AFP) soutenaient que la CII devrait être 100 % publique et mieux collaborer avec les organismes déjà en place, comme l'AFP et RFI.
Le budget de la chaîne est un autre sujet de préoccupation. Le gouvernement français lui a octroyé 30 millions d'euros pour la fin de 2006 et un budget de fonctionnement de 65 millions d'euros pour 2007. D'un côté, la télévision publique française se plaint déjà d'être sous-financée. De l'autre, plusieurs observateurs font remarquer qu'il s'agit d'un budget bien faible pour une chaîne à caractère international, comparativement aux 320 millions de dollars de BBC World ou aux 650 millions de CNN. La question se complique encore si la chaîne va de l'avant avec le projet de créer deux canaux de diffusion, en anglais et en français.
Mais le projet suit son cours puisqu'il a officiellement été lancé fin novembre. Depuis le début, le projet s'appelait CFII, pour «Chaîne française d'information internationale», mais curieusement, le f semble maintenant disparaître des articles de presse et des communications avec les dirigeants eux-mêmes.
Quand la France diffuse «majoritairement» en anglais
Le public cible de la nouvelle chaîne française d'information internationale sera composé à 80 % d'anglophones
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