Nous avons posé trois questions à des leaders de la communauté algérienne. Ils sont basés à Montréal. Pour eux, la société québécoise reste tolérante dans sa majorité, et les résultats du sondage ne sont que le fruit d’un battage médiatique. El Watan leur a posé les questions séparément. Ecoutons Farid Salem, président de l’association Solidarité Québec Algérie (Soqual) et Ahmed Mahidjiba, président du Centre culturel algérien (CCA).
Pensez-vous réellement que le Québec soit raciste ?
F. Salem : Le Québec n’est pas raciste. Il y a de l’incompréhension de part et d’autre. Nous à l’association Solidarité Québec Algérie, nous l’avons compris et nous privilégions les actions proactives. Nous n’attendons pas les événements, nous cultivons la prise de conscience de notre appartenance au Québec enrichie de notre algériannité. La Soqual situe d’abord la problématique au niveau de la citoyenneté. C’est dans ce cadre là que nous organisons une conférence le 24 février et qui aura pour objet de faire connaître l’influence de la lutte de libération nationale dans le développement politique et économique du Québec. Cette conférence va être faite par une personnalité et non des moindres, Guy Bouthillier, qui a été présent et actif pendant cette période. Il y aura probablement la présence de Raymond Lévesque célèbre compositeur de la non moins célèbre chanson - Si tous les hommes vivaient d’amour.
Ce peuple a travaillé fort pour arriver à ce havre de paix, à cette démocratie et à cette vie politique intense sans aucune violence. Bref, c’est à nous d’aller vers eux et non pas le contraire. Nous avons le privilège d’avoir notre histoire qui peut nous ouvrir grandes les portes.
A. Mahidjiba : Je ne pense pas que toute la société québécoise soit raciste. Pour preuve, les sondages produits lors de l’agression israélienne contre le Liban ont montré le contraire. Une grande majorité des Québécois était contre cette agression. Un autre exemple est celui des manifestations contre la guerre en Irak. D’ailleurs, avec ses positions pro-arabes, le Québec a fait exception par rapport au reste du Canada.
Les résultats du dernier sondage sont le fruit direct d’une manipulation médiatique de grande envergure. Ils avaient lancé le débat sur les accommodements raisonnables en se basant sur des cas largement isolés, ensuite juste après ça, ils ont lancé ce fameux sondage.
Objectivement, n’importe quel peuple aurait réagi de la même façon après cette manipulation. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de racisme dans la société. Bien sûr que le racisme existe mais pas avec une telle proportion. Je pense que les déclarations du conseiller municipal d’Hérouxville sont le fruit d’une campagne médiatique. Ce qui en ressort, c’est que les québécois sont menacés dans leur culture et que les immigrants sont des envahisseurs. En plus, ces déclarations montrent clairement le degré d’ignorance (par rapport aux autres cultures) des Québécois qui habitent la campagne. En résumé, je peux dire que ces déclarations sont basées sur la peur, la méfiance et l’ignorance. Ces déclarations donnent un aperçu sur le vide laissé par notre communauté dans le champ médiatique.
Considérez-vous certains accommodements demandés par certains comme une exagération ?
F. Salem : Les accommodements raisonnables ont commencé depuis bien longtemps, et cela ne venait pas de notre communauté. Par exemple, les juifs ont créé un lobby important qui avait pour mandat d’influencer le gouvernement libéral du Québec pour le financement de leurs propres écoles à 100%. Ce gouvernement allait le faire.
Heureusement que la population a dénoncé cette initiative. Cela n’est pas un accommodement, c’est de la ségrégation.
A. Mahidjiba : Certains accommodements sont, selon moi, exagérés par les médias, comme par exemple le cas de la piscine. Se baigner n’est pas une obligation. Je peux même dire que dans certaines situations, il s’agit d’une provocation (ou abus) surtout dans le contexte actuel où toutes les lumières sont orientées vers les musulmans. La différence substantielle de notre religion par rapport aux autres religions réside dans sa capacité de s’adapter et surtout dans sa flexibilité. Quand on examine certaines demandes faites au nom de l’Islam, on a l’impression que l’Islam est le contraire de la flexibilité. Quand on sait que les médias ne cherchent que ça pour tirer sur nous, il ne faut surtout pas leur donner les balles gratuitement. Cela nuit sérieusement aux efforts louables faits par certains organismes pour promouvoir notre culture et qui permettent, par conséquent de lutter contre le racisme.
Tout cela ne justifie pas le traitement malhonnête des médias à ce sujet. Je pense que le sujet est potentiellement sensationnel. Et il rapporte beaucoup.
Que diriez-vous aux Algériens qui hésiteraient à venir s’installer au Québec à cause de ces événements ?
F. Salem : L’émigration est une décision très importante, et je la considère de l’ordre du privé. Donc je parle de ma propre expérience. Après 3 années, sincèrement, le jour où je me suis mis en mode québécois, c’est-à-dire être positif, tout a commencé à être clair. Cette agitation ne nous concerne pas. Nous, au contraire, nous construisons doucement mais sûrement en pensant à la génération qui s’en vient (qui arrive en québécois, ndlr). Le nombre de personnes qui nous soutiennent dans notre démarche a dépassé nos prévisions. Cela nous encourage à continuer.
A. Mahidjiba : Je ne pense pas que cela représente un obstacle sérieux pour émigrer au Québec. Bien au contraire, le monde entier connaît actuellement ce genre de débat. Il permet aux futurs immigrants de bien connaître la réalité québécoise et surtout de bien se positionner par rapport à leur projet d’immigration.
Samir Ben Djafar
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