QS-PQ : une entente en deux points?

Une proposition qui mérite examen



Les débats concernant la question référendaire apparaissent oiseux en regard des enjeux mis de l’avant par l’actualité, non pas que la question nationale ait perdu toute pertinence, mais son inclusion dans les problématiques actuelles semble, pour le commun des mortels, de plus en plus éloignée des préoccupations de l’heure.




Pourtant, il n’y a pas loin de la coupe aux lèvres, si l’on se donne la peine de l’envisager d’une manière toute pragmatique. Une très forte proportion d’électeurs francophones sont toujours séduits par ce que Pierre Drouilly appelait « la grande illusion », à savoir qu’il serait possible de réformer le fédéralisme canadien de manière à satisfaire à la fois le Québec et le reste du Canada.



Rappelons que près des trois quarts des électeurs les moins politisés adhèrent à cette opinion et près de la moitié des souverainistes modérés. Sans compter que cette proportion est devenue particulièrement élevée auprès des moins de 35 ans.



Il faut donc faire tomber les masques si nous désirons qu’une majorité d’électeurs constate qu’il est illusoire de croire que le Canada demeure disposé à nous reconnaître comme une nation avec tout ce qui en découle. Or, l’actualité nous propose sur un plateau d’argent un enjeu qui pourrait dessiller les yeux de nos compatriotes, un enjeu aussi important que le fut la construction du chemin de fer à la fin du XIXe siècle au profit de l’oligarchie britannique et contre laquelle se levèrent les Métis de l’Ouest.



Il s’agit évidemment de la traversée du territoire québécois par l’oléoduc Energie-Est de TransCanada. Ce projet pharaonique directement connecté aux puissants intérêts de la ploutocratie de Bay Street et provenant d’une industrie délétère à plus d’un égard est vital pour les pétrolières des sables bitumineux, malgré le feu vert donné par Donald Trump au pipeline Keystone XL. Car cette industrie doit diversifier ses marchés afin de ne pas dépendre du seul voisin américain.



Parcourant le Québec habité le long du Saint-Laurent de Rigaud jusqu’à Saint-Augustin-de-Desmaures, puis coupant le fleuve pour se poursuivre dans les Appalaches pour ensuite foncer vers le Nouveau-Brunswick, ce pipeline de grande capacité traversera plus de 860 cours d’eau, dont certains parmi les plus importants affluents du fleuve Saint-Laurent, ne créant qu’une poignée d’emplois, le pétrole qui coulera dans ce tuyau en plus d’être l’un des plus nocifs pour l’environnement est strictement destiné à l’exportation.



Sur le plan symbolique, ce projet s’apparente, par ses expropriations, à un viol porté à notre corps territorial. Sur le plan de l’identité, il s’attaque au cœur même de notre nation menaçant la vallée du Saint-Laurent. C’est pourquoi il suscite déjà tant de rejet.



Or, le temps presse, l’échéancier révisé à la suite de l’élection de Justin Trudeau conduit à une acceptation du projet pour le premier semestre de 2018 et le début de la construction dans les mois qui suivent, bref à quelques mois de l’élection d’octobre, sans que jamais la population ne soit formellement consultée sur ce projet.



Ironie supplémentaire, pour le rejet du projet Northern Gateway vers l’Ouest, le refus des nations autochtones de Colombie britannique a servi de motif à l’abandon de ce projet. Qu’en serait-il de la principale nation minoritaire de la fédération canadienne ?



Aussi, je propose que le PQ et QS s’entende afin de faire de cette opposition à Énergie-Est un enjeu électoral lors du prochain scrutin. On pourrait même annoncer que si le gouvernement fédéral s’entêtait à vouloir aller de l’avant, la population pourrait être invitée à se prononcer sur cet enjeu par voie référendaire.



Un tel engagement mettrait le PLQ encore plus en porte-à-faux avec un large secteur de la population. Il permettrait au PQ et QS de le dénoncer comme un parti antidémocratique uniquement voué au service du 1 %. Il permettrait même d’obtenir le soutien d’une partie des non-francophones soucieux des questions environnementales.



Pour ce qui concerne la CAQ, bon nombre de ses sympathisants habitant des régions où cet oléoduc doit passer, il risquerait de miner le soutien initial qu’a accordé François Legault à ce projet.



Enfin, de nombreuses institutions de la société civile appuieront une consultation de la population sur un tel enjeu. Un tel engagement électoral au fur et à mesure que l’actualité se fera plus pressante (audiences de l’ONE, manifestations contre ce projet, désobéissance civile de certains) deviendra un argument de plus en plus pesant en faveur d’un changement de gouvernement. Qui plus est, l’appel à la consultation populaire pourrait en plus démontrer qu’un référendum peut servir au bien commun, en réhabilitant ainsi la tenue.



Les quelques sondages menés depuis deux ans sur cet enjeu montrent qu’une large fraction de la population s’y oppose déjà. Même le très néo-libéral et inféodé aux intérêts des Desmarais, l’Institut économique de Montréal, tentant de minimiser dans son enquête l’opposition à ce projet, a été obligé de reconnaître  que « dans l’ensemble du Québec, 49 % des 1 000 répondants au sondage ont exprimé leur opposition au projet, alors que 35 % se sont dits favorables ».



Par contre, une enquête rendue publique en 2015 pour le compte des groupes Nature Québec, Équiterre, Greenpeace et de la Fondation David Suzuki révèle que « 57 % des Québécois sont en désaccord avec ce mégaprojet ». Chez les francophones cette opposition atteint 61 % et dans la populeuse région de Montréal 60 %. C’est dans la région de Québec où l'opposition semble la plus faible avec néanmoins 51 % rejetant ce projet.



On peut donc s’attendre à des résultats référendaires où une majorité d’électeurs rejetterait ce projet. Quelles seraient donc les réactions du reste du Canada et du gouvernement fédéral ? Il y a fort à parier, compte tenu des intérêts en jeu, qu’ils ne voudront pas tenir compte des résultats et tenteront d’imposer leur décision malgré le refus clairement exprimé de la population du Québec et toujours soutenu par son nouveau gouvernement. Ce faisant, ils feront tomber les masques révélant la véritable nature d’être une nation minoritaire au sein du régime fédéral. Une telle conjoncture donnerait une vue assez claire à nos compatriotes sur l’ouverture du Canada envers notre nation. Ceux-ci pourraient alors assez rapidement faire un choix final.



Des conditions similaires à celles ayant prévalu en 1990 et liées aux préoccupations de ce siècle, auxquelles les moins de 35 ans sont tout particulièrement sensibles, permettraient à très court terme de tabler sur un réveil de notre nation assoupie depuis plusieurs années par le discours soporifique des fédéralistes. Dans le cas contraire, nous aurions réussi à arrêter un projet nocif pour le climat et très périlleux pour les milieux que cet oléoduc devrait franchir.



 



Une réforme électorale : la proportionnelle compensatoire



Avec l’éclatement du vote francophone en plusieurs constellations, nous sommes en voie de passer d’un régime de bipartisme à un régime fondé sur des coalitions pouvant s'unir pour prendre le pouvoir au parlement. Encore faut-il que le système électoral permette aux élus de refléter ces changements. L’introduction d’éléments de proportionnel compensant les distosions du système uninominal à un tour permettrait à de telles coalitions d’émerger à l’Assemblée nationale, comme c'est le cas dans d'autres démocraties. Il faut donc qu’une entente se dessine en 2018 pour introduire ces nouvelles modalités électorales qui pourraient entrer en vigueur lors de l’élection de 2022.



La présence possiblement déterminante d’une majorité parlementaire à l’Assemblée nationale constituée d’une députation majoritaire issue du PQ et de QS en 2018 tirerait le PQ sur sa gauche comme c’est le cas au Portugal pour le parti socialiste soutenue par deux autres formations de la gauche dite radicale.



Enfin, autre conséquence de l’introduction d’un système électoral fondé sur un régime de partis formant des coalitions parlementaires, il est fort probable que pour l’électorat non francophone en grande partie captif du PLQ, il y aurait soudainement plus d’espace politique pour des formations représentant mieux les clivages idéologiques également présents au sein de cette frange de l'électorat, comme l’arrivée d’un parti fédéraliste de gauche. Ce qui pourrait mettre fin à la prééminence du PLQ auprès de cet électorat.



Cette transformation du paysage électoral est une raison de plus qui milite pour que QS et le PQ s’accordent lors du prochain scrutin pour au moins réaliser une telle réforme. 



En conclusion



Nous bénéficions d’un alignement de planètes favorable à ce que de tels changements puissent survenir, de telles conditions politiques étant rarement réunies. Il ne faut donc pas les louper, car elles ne reviendront pas de sitôt. Concernant celles-ci, je vous suggère d’écouter cette discussion intitulée La gauche est-elle condamnée à la division ? qui s’est tenue en mars sur Médiapart disponible à l’adresse suivante : http://bit.ly/2m1NF0E [1]



 






[1] Si elle traite de la politique française, elle contient des enseignements fort propices pour le Québec. Je suggère plus particulièrement de se rendre au propos de la députée portugaise, Ana Gomes, commençant à 28min 55sec de l’enregistrement.




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Pierre-Alain Cotnoir10 articles

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Pierre-Alain Cotnoir est membre-fondateur des coopératives de solidarité ADAPTE (www.coop-adapte.ca) et WebTV (webtv.coop) Détenant un doctorat en éthologie, il effectue depuis 1977 des enquêtes quantitatives portant sur différentes problématiques liées à la transmission des traits culturels au sein d’une population.





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