Le politicologue Jean-Herman Guay avait bien mis au jour, voici près de 20 ans, deux « moteurs » qui risquaient de tomber en panne afin de promouvoir l’indépendance du Québec : le premier avait trait à l’essor économique des « Canadiens français » obtenu par l’utilisation de l’État québécois depuis 1960 qui aura permis de combler en grande partie le retard économique de ceux-ci ; le deuxième était directement lié à l’adoption de la Charte du français qui, bien qu’elle ait été charcutée par la Cour suprême du Canada, a donné un sentiment de sécurité linguistique à une majorité de francophones.
Mais il y en a d’autres. Le troisième moteur faisant défaut découle des deux premiers et implique que, si plus de 80 % des jeunes francophones se considèrent d’abord comme Québécois, ils sont beaucoup moins nombreux à souhaiter l’indépendance du Québec, car, à également 80 %, ils pensent qu’il demeure possible de réformer le fédéralisme canadien de manière à satisfaire à la fois le Québec et le reste du Canada. Notons qu’en 1995, seuls 40 % des jeunes francophones étaient de cet avis.
Le quatrième moteur a trait aux enjeux écologiques et économiques, illustrés par les changements climatiques, qui sont source d’inquiétude pour une forte proportion des moins de 35 ans. Comme je l’écrivais, il y a quelques années : « Quand un tsunami risque de tout emporter, on se fout pas mal des chicanes de clôture ! »
Le cinquième moteur connaissant des ratés demeure le même que celui qui mine bien des partis se réclamant de la social-démocratie, celle-ci s’étant transformée pour plusieurs d’entre eux en social-libéralisme, les rendant incapables de changer quoi que ce soit au contrôle oligarchique actuel. Pour le PQ, cette difficulté prend en plus la forme d’un souci maladif de ne pas déplaire tant à droite qu’à gauche afin de ne pas miner ses chances de gagner un éventuel référendum, avec le résultat qu’avec de tels atermoiements le PQ, en fin de compte, ne plaît plus à personne.
Enfin, n’y aurait-il pas un sixième moteur, faisant défaut de manière plus insidieuse, découlant d’avatars de ce que d’aucuns ont appelé la « mondialisation », mais qui serait bien mieux nommé « uniformisation » de la culture asservie à un modèle universel Made in USA. Des avatars qui font que les moins de 40 ans, plus que leurs parents et encore plus que leurs grands-parents ont assimilé bien des traits culturels (valeurs, attitudes et pratiques) provenant d’Uncle Sam. Ces traits ont entre autres contribué à l’émergence d’identités morcelées au nom de la diversité amenuisant d’autant le sentiment d’une appartenance nationale commune. La culture numérisée de Spotify à Netflix, de Facebook à Instagram ou de Google Home à Siri vient laminer les cultures nationales instituant comme référant des mèmes globalisés conçus, produits et distribués par une oligarchie apatride disposant de la force des GAFA dont les moyens d’espionnage et de persuasion servent les intérêts d’entités transnationales.