Moins spectaculaires, les résultats du dernier sondage Léger sont sans doute plus près de la réalité que ceux auxquels était arrivée la firme Mainstreet Research, mais la tendance est la même : la Coalition avenir Québec semble en voie de remplacer le Parti québécois comme solution de remplacement aux libéraux.
Jeudi, Jean-François Lisée a cru nécessaire de corriger son leader parlementaire, Pascal Bérubé, selon qui le Parti québécois serait incapable de faire élire à lui seul un gouvernement majoritaire. En réalité, la déclaration de M. Bérubé était déjà trop optimiste. Le PQ risque plutôt d’être relégué au rang de deuxième groupe d’opposition, avec tout ce que cela peut faire craindre pour sa survie.
Mathématiquement, une alliance PQ-CAQ serait la plus productive, mais il faut être réaliste. François Legault peut raisonnablement espérer que ce n’est qu’un début. L’électorat non francophone lui demeure réfractaire, mais il est manifestement celui en qui les francophones voient le meilleur premier ministre. Il lui reste à recruter quelques candidats vedettes pour donner plus de crédibilité à son équipe. Il n’a aucune raison de redynamiser le PQ par une alliance.
Alors qu’ils s’apprêtent à se prononcer sur une entente avec le PQ, les délégués au congrès de Québec solidaire peuvent faire deux lectures du sondage Léger. La situation précaire dans laquelle se retrouve cet allié potentiel met QS dans une position de force pour négocier. En revanche, si vraiment le PQ arrive au bout de sa vie, pourquoi ne pas laisser les choses suivre leur cours et devenir le seul champion de la cause progressiste ?
Les deux courants de pensée qui s’affrontent au sein de QS sont bien illustrés par Amir Khadir et par l’habituel candidat dans Ahuntsic, André Frappier, également membre du Comité de coordination national, qui a livré vendredi dans Le Devoir un plaidoyer bien senti contre tout rapprochement avec le PQ, dans lequel il n’a aucune confiance. Une alliance avec QS ne suffira pas pour le porter au pouvoir, estime-t-il. Pour courtiser les électeurs caquistes, il retournera tôt ou tard à ses vieux démons identitaires.
Cette méfiance est compréhensible, et Jean-François Lisée a fait la preuve d’un détestable opportunisme, concède M. Khadir, mais il estime que les avantages d’une alliance l’emportent sur les inconvénients. À eux deux, le PQ et QS pourraient faire élire un gouvernement majoritaire, lequel pourrait enfin réaliser la réforme du mode de scrutin qui est la clé de l’avenir de QS. Selon lui, une alliance ponctuelle n’empêcherait pas de conserver une distance critique par rapport au PQ.
Depuis le début, les opposants à l’alliance ont été les plus démonstratifs, mais la discrétion des éléments plus pragmatiques, notamment en région, ne doit pas en faire sous-estimer le nombre. Le débat aura lieu après l’élection des nouveaux porte-parole, ce qui devrait permettre à Gabriel Nadeau-Dubois de sortir de la réserve qu’il s’était imposée. La partie n’est pas gagnée pour autant. M. Khadir n’a même pas été capable de convaincre les militants de Mercier de prendre ce « beau risque », qui suppose l’abandon de son confort idéologique au profit du concret.
Sur papier, son scénario d’une alliance dans 30 circonscriptions — 19 actuellement représentées par le PQ et 11 par la CAQ — a tout pour plaire aux membres de QS. Si tout allait pour le mieux, la députation solidaire pourrait plus que tripler et compter jusqu’à 13 élus, dont 4 en région.
Dans la réalité, les choses s’annoncent plus compliquées. Dans une des circonscriptions « anonymisées » qui lui seraient réservées en région, QS a recueilli seulement 11 % des voix à l’élection d’avril 2014, loin derrière le PQ (32 %) et le PLQ (38 %). Même si la direction du PQ donnait son accord, les militants péquistes de ladite circonscription accepteraient-ils de l’abandonner à QS ? Tout le succès de l’opération repose évidemment sur un report suffisant des voix. De toute évidence, le scénario de M. Khadir ne peut être qu’un point de départ pour des négociations qui seront tout sauf faciles.
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