Propos sous influence

Quebecistan


Depuis une semaine, une chronique de Barbara Kay publiée dans le National Post fait couler beaucoup d'encre au Québec. Intitulé [«The rise of Quebecistan»->1510], ce texte reprochait aux chefs du Bloc et du Parti québécois, mais aussi au député Denis Coderre, d'avoir participé à une manifestation pour la paix au début du mois.

Comme cela se produit souvent lors de telles manifestations, quelques radicaux d'origine arabe, sympathisants du Hezbollah, ont appelé à la disparition d'Israël. Certains ont même su profiter de la naïveté, de l'ignorance ou de la légèreté politique d'un comédien connu, souverainiste par surcroît, pour procéder à un échange de drapeaux du plus mauvais goût. De là à se demander ce qui adviendrait d'un «Québec indépendant privé de leaders politiques capables de faire la différence entre une démocratie et une bande de fanatiques exterminationnistes», il y a une marge qui ne peut s'expliquer que par l'aveuglement idéologique de cette chroniqueuse et de la direction du Post.
Précisons que Barbara Kay n'est pas journaliste. Originaire de Toronto, elle vit à Montréal, où elle a enseigné la littérature à Concordia, Dawson et Vanier en plus d'apporter sa contribution à des organisations culturelles de la communauté juive à laquelle elle appartient, tel le respecté Centre Saidye Bronfman. Mais ce qu'il faut aussi savoir pour comprendre une sortie aussi peu nuancée de sa part, c'est que Mme Kay a milité pour le NON lors du référendum de 1995, aux côtés des artisans de la revue Cité libre dernière mouture, une période de l'histoire du Québec qu'elle qualifie de «petite noirceur» (chronique d'avril 2006).
Voilà qui explique l'hystérie du propos sans toutefois la justifier. Mme Kay s'indigne que ce soit du Québec qu'Israël reçoive le moins d'appui à sa cause, et elle attribue cela à l'antisémitisme qui aurait marqué le passé intellectuel du Québec. Elle sait pourtant que les Juifs du Québec ont toujours vécu en paix avec leurs concitoyens d'origine française malgré leur adhésion majoritaire à l'anglais, et ce, même pendant les années troubles où l'antisémitisme frappait partout, y compris, voire plus durement au Canada anglais qu'au sein de la communauté francophone. Pourquoi ce nouvel élan de Quebec bashing de la part d'une femme qui a choisi de faire sa vie à Montréal ? Pourquoi, sinon à cause de son refus obstiné, et celui de son journal, de reconnaître la légitimité du mouvement d'affirmation nationale des Québécois francophones ?

Comme l'ambassadeur d'Israël après elle, au lieu de condamner une manifestation pour la paix à laquelle ont participé 15 000 citoyens sincères, Mme Kay ferait mieux de retirer le bandeau qui l'aveugle. Elle se rendrait compte avec les Juifs d'Israël que l'offensive militaire au Liban a non seulement causé la mort de centaines de civils innocents mais a aussi permis au Hezbollah, à l'Iran et à la Syrie d'accroître leur emprise sur la région. De cette erreur stratégique considérable, aucun défenseur de la paix, qu'il soit chrétien, juif ou musulman, ne peut se réjouir. Et ce n'est pas en se défoulant sur cet autre nationalisme qu'est celui du Québec francophone que nos concitoyens juifs anglophones, «qui sont tous fédéralistes» (dixit Mme Kay), contribueront le mieux à l'harmonie des rapports interculturels ici même au Québec.


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