Depuis deux semaines, dans plusieurs municipalités du Québec, les propriétaires ont eu la mauvaise surprise de recevoir un compte de taxe scolaire gonflé au-delà de ce qui aurait été raisonnable. C'est vrai que la valeur des propriétés a augmenté au cours des dernières années. Mais le taux de la taxe aurait dû diminuer dans une proportion équivalente pour faire face aux mêmes dépenses. Si tel n'a pas été le cas, c'est que le gouvernement Charest profite de la situation aux dépens des propriétaires fonciers.
C'est en 2004 que cette ronde des hausses a commencé à la suite de la publication du nouveau rôle d'évaluation des propriétés sur l'île de Montréal. Cette année-là, les Montréalais ont subi une hausse moyenne de 22 % de leur compte de taxe scolaire, déjà beaucoup plus salé que dans la plupart des municipalités du Québec. Depuis ce temps, un peu partout au Québec, les propriétaires ont connu des hausses, les derniers en date étant ceux de la rive sud de Montréal, dont le compte a grimpé de 50 % en moyenne cet été, notamment à cause du report de publication du rôle depuis 2004. Un mal pour un bien puisque, si le choc fait mal, ces propriétaires peuvent toujours se consoler en calculant combien ils ont épargné pendant ces deux années...
Et ce n'est pas fini puisque les Montréalais recevront leur prochain rôle d'évaluation cet automne, avec de nouvelles hausses variant entre 25 % et 50 %.
Au moment de la réforme de la fiscalité locale entreprise par le gouvernement Lévesque, en 1980, Québec avait limité à 6 % la part des dépenses d'éducation financée par les impôts fonciers. Ce faisant, il abandonnait la presque totalité de ce champ fiscal aux municipalités, qui en avaient bien besoin et qui en ont toujours besoin.
Dix ans plus tard, sans autre logique que la recherche de revenus, le ministre Claude Ryan autorisait les commissions scolaires à réintégrer progressivement ce champ fiscal pour financer les directions d'école et l'entretien des bâtiments.
Aujourd'hui, l'impôt foncier suffit pour couvrir les dépenses dans quelques rares commissions scolaires seulement, dont Montréal, étant donné la valeur élevée du parc immobilier. Ailleurs, c'est Québec qui doit verser une subvention complémentaire, dont le total dépassait 700 millions par année en 2004 et a baissé depuis.
C'est dire que les Montréalais, propriétaires et locataires, paient deux fois pour les dépenses des écoles : une première fois par la taxe scolaire annuelle et une seconde par leurs impôts qui servent à subventionner les commissions scolaires régionales.
Il n'y a rien d'injuste à taxer les propriétés en fonction de leur valeur pour fournir des services de proximité, tels l'entretien des parcs, le traitement des eaux ou l'enlèvement des ordures. En revanche, l'équité exige que l'éducation nationale soit financée par tous les contribuables du Québec selon leurs revenus et non par les seuls propriétaires.
À l'heure actuelle, chaque fois que la valeur des propriétés augmente dans les centres urbains, Québec en profite pour accroître sa propre marge de manoeuvre fiscale, aux dépens des propriétaires dont le compte de taxes grimpe sans amélioration des services.
Dans la plupart des régions du Québec, la valeur des propriétés a fortement augmenté depuis cinq ans, mais le phénomène est particulièrement criant dans certains quartiers des grands centres comme Québec, Gatineau ou Montréal. En règle générale, cela n'entraîne pas de hausse importante du compte de la taxe municipale puisque, sous la pression populaire, les conseillers municipaux cherchent par tous les moyens à réduire le taux de la taxe dans une proportion proche de la hausse moyenne des propriétés.
Malheureusement, l'appétit du gouvernement Charest depuis son arrivée au pouvoir, en 2003, a fait en sorte que la taxe scolaire a suivi la hausse des valeurs partout sur le territoire, sans aucun ajustement. En cette année pré-électorale, on étudie la possibilité d'étaler les hausses à venir sur trois ans, comme c'est le cas pour les taxes municipales, mais cette mesure d'atténuation n'empêchera pas Québec de continuer à économiser des dizaines de millions chaque année sur le dos des propriétaires immobiliers, dont la vaste majorité peine à absorber le choc. C'est le cas des personnes âgées qui habitent toujours leur maison et des familles pour qui les hausses de la taxe scolaire et du chauffage viennent gruger une part croissante du salaire.
Il faut faire marche arrière et revenir aux principes de la réforme de 1980 : c'est à Québec qu'il appartient de financer l'éducation et aux municipalités d'occuper le champ foncier.
Quant aux hausses de taxes et de tarifs qu'a connues le Québec, c'est aux électeurs qu'il reviendra de juger de leur pertinence à la lumière des promesses faites par ce gouvernement il y a trois ans.
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