Projet de loi 38: Moody's s'inquiète de la stratégie de la Caisse de dépôt

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Les libéraux jouent à la roulette avec le bas de laine des Québécois


NOTE DE LA RÉDACTION :
Une deuxième note de Moodys publiée dans la foulée de la première (dans notre article ici-bas) affirme que la cote de crédit Aaa de la Caisse de dépôt - la plus haute de l'industrie - ne sera pas affectée par l'entente avec le gouvernement du Québec sur les infrastructures. Cette seconde note précise par ailleurs que la perspective financière de la Caisse est stable et ne changera pas.

Moody’s a écrit également dans sa deuxième note que « l’exposition de la Caisse aux actifs d’infrastructure ne représente qu’environ 4% de son portefeuille total, soit le plus faible pourcentage parmi les gestionnaires de fonds de pension du Canada, et la place dans une position relativement supérieure pour absorber les risques de liquidités additionnels associés à ces actifs.
L’agence de notation new-yorkaise prévient que l’entente avec le gouvernement Couillard sur les infrastructures affectera négativement le crédit de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Selon Moody’s l’entente à la base du projet de loi 38, déposé à l’Assemblée nationale par le ministre des Finances du Québec le 18 mars dernier, éloignera la Caisse du rôle d’investisseur institutionnel.
L’approche préconisée par la Caisse dans le marché des infrastructures n’est pas la norme selon l’agence.
«Compte tenu de l’intérêt public dans lequel baignent ces projets, ils sont associés à des risques de réputation» importants, a déclaré Jason Mercer, vice-président adjoint chez Moody’s.
Rôle d’opérateur contesté

Le rôle d’opérateur de projets prévu pour la Caisse dans le cadre de l’entente pose problème dans les milieux financiers.
Le gouvernement nomme les membres du Conseil d’administration de la Caisse et le Président et chef de la direction. Cela ne fait rien pour calmer le jeu et éliminer la perception d’un risque éthique supplémentaire.
«La Caisse est une créature politique», estime l’éthicien René Villemure. Son Conseil d’administration est souverain. Toutefois, à titre d’actionnaire, le gouvernement conserve un droit de regard sur les orientations générales.
Le fait que le ministre Leitao sente le besoin de réaffirmer l’indépendance de la Caisse à ce moment-ci doit mettre la puce à l’oreille, estime René Villemure.
Le projet de loi 38 amendera l’article 4 de la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Une mention de l’indépendance de la Caisse «dans sa gestion administrative et dans la gestion de ses placements» doit être effectivement intégrée à la loi.
«Cela trahit l’inconfort» du gouvernement Couillard, dit René Villemure.
Autres risques
Dans une note émise en janvier dernier, Moody’s s’inquiète que l’entente de la Caisse confirme une «stratégie qui consiste à augmenter ses avoirs dans des projets qui sont moins liquides». La perspective de voir la Caisse exposer une proportion croissante de son actif à un piège de liquidité fait sourciller.
La même note évoque un manque de transparence risqué concernant le prix des projets d’infrastructures publiques.
Ces risques supplémentaires exigent une «surveillance robuste par le gestionnaire», lit-on dans la note de Moody’s.
Décote?
Reste à savoir si la cote de crédit actuelle de la Caisse (Aaa Stable) sera maintenue avec l’adoption du projet de loi 38.
Les investisseurs institutionnels comparables évitent généralement le terrain glissant où s’avance la Caisse en ce moment.
« Ce que nous recherchons (dans le marché des infrastructures) ce sont des flux monétaires à long terme prévisibles et ennuyeux », a déclaré Mark Wiseman, Président et chef de la direction de l’Office d’investissement du Régime de pension du Canada, lors d’une interview accordée à McKinsey&Company en 2013.
CalPERS, le fonds de pension public le plus important des États-Unis disait dans un rapport de 2012 «préférer une négociation bilatérale avec les agences gouvernementales, plutôt que de s’engager dans un processus de soumissions publiques » dans le cadre de projets d’infrastructures.
Le fonds de pension reconnait toutefois que des modèles intéressants de partage de risque avec le privé existent. Ces modèles permettent à l’investisseur institutionnel de limiter son exposition à la proportion des «actifs opérationnels à bas risque» des projets, lit-on dans le rapport de 2012.
Il y a peu à franchir pour conclure que la Caisse fera cavalier seul dans une approche de couverture tous azimuts des risques opérationnels liés aux projets d’infrastructures.
Pour l’éthicien René Villemure, la Caisse n’a pas à se lancer dans le volet construction et opérations de ses investissements.
Les enjeux éthiques qui découleront d’une telle approche s’additionneront à l’irritant pour les marchés financiers que représente déjà le volet de développement économique du Québec inscrit à la mission de la Caisse.
Dans de telles conditions, le « risque de décote devient important », affirme-t-il.
Réaction de la Caisse
«Je n’entrerais pas dans un débat avec Moody’s», a lancé en réaction Maxime Chagnon, Directeur principal des communications de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
«La Caisse considère que l’entente du 13 janvier 2015 avec le gouvernement du Québec fait partie de sa stratégie à long terme», a-t-il dit.
La Caisse estime que les commentaires formulés par Moody’s s’appliquent à la majorité des investisseurs institutionnels qui lui sont comparables. En particulier, sur le plan du risque de liquidité. Pour le reste, «notre stratégie est parfaitement alignée avec les attentes de nos déposants», affirme le porte-parole de la Caisse.
M. Chagnon rappelle que l’agence de notation torontoise DBRS a salué cette entente et écarté toute atteinte à l’indépendance de la Caisse.
La Caisse reconnait tout de même que les commentaires de Moody’s sont parfois critiques. Elle reconnait aussi que certains commentaires visent spécifiquement le risque découlant de son entente avec le gouvernement du Québec.
«Moody’s a un point de vue là-dessus que la Caisse ne partage pas», a déclaré Maxime Chagnon.


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