Dans le cadre des élections fédérales et afin de dénoncer les politiques du gouvernement Harper, une grande coalition contre les politiques de droite regroupant des organisations de femmes, des groupes populaires et des syndicats organise une manifestation qui aura lieu le 5 octobre prochain à Montréal.
Ce rassemblement doit devenir un moment fort de la campagne électorale afin de mettre de l’avant nos revendications et clamer publiquement notre refus du conservatisme et du néo-libéralisme. La bataille politique doit se faire aussi dans la rue. Il faut dénoncer avec vigueur la loi rétrograde C-484 qui ouvre la porte aux législations anti-avortement, il faut dire non aux coupures dans la culture, il faut dire non aux politiques de dérèglementation et de privatisation du service postal.
Mais à plus long terme on ne peut faire fi de la nécessité d’une alternative politique progressiste à l’échelle pan canadienne. Sinon nous sommes condamnés à laisser l’horizon politique soit aux Conservateurs, soit aux Libéraux, nous sommes condamnés à chaque élection à battre le parti au pouvoir sans avoir de véritables perspectives. C’est un luxe que nous ne pouvons plus nous payer, particulièrement dans le contexte de la mondialisation et de la prédominance sinon de l’ingérence tant politique que militaire du gouvernement américain.
Au Québec nous avons bâti Québec Solidaire malgré la pression toujours présente du vote utile, de l’urgence de battre les Libéraux ou de maintenir les péquistes. Pourtant, les coupures dans la santé et l’éducation opérées par le gouvernement Bouchard, les réductions salariales de 20% du gouvernement Lévesque en 1982, les coupures de Pauline Marois lorsqu’elle était ministre, les déboires droitiers d’André Boisclair, nous ont démontré que la véritable urgence était bien la construction d’une alternative politique de gauche. Le problème particulier de la scène fédérale est qu’elle pose en plus la question nationale.
Quelles alternatives ?
Le Bloc Québécois, pour sa part, a apporté une réponse mais une réponse inverse à la solution. Au lieu de tisser des liens avec les progressistes au Canada-anglais, le Bloc qui par définition se cantonne au Québec, adopte des positions beaucoup plus alignées sur la politique américaine.
Dans son programme, il indique : « Les députés de partis fédéralistes, parce qu’ils sont forcés de considérer les choses dans une optique pan canadienne, en viennent à oublier les valeurs québécoises. Leur travail consiste à défendre leur parti, un parti canadien. Pour faire valoir les consensus québécois, les préoccupations québécoises et les valeurs québécoises à Ottawa, il n’y a que les députés du Bloc Québécois. »
Est-ce que l’envoi de troupes canadiennes en Afghanistan fait partie des valeurs québécoises ? Rappelons que le Bloc a soutenu l’envoi des troupes en 2001 et que paradoxalement, malgré l’opposition de 70% des québécois et québécoises à cette guerre, il persiste à justifier la présence des troupes canadiennes, même s’il indique que les troupes doivent se retirer en février 2009. « Le Canada aura toujours un rôle à jouer tant en Afghanistan qu’au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), dont il demeure membre. Il doit être disponible pour accepter un autre type de mission, moins offensive. »
Cette question n’est pas anodine, surtout si on considère que cette guerre est injustifiée, et qu’elle fait partie de la politique guerrière du gouvernement Bush. Il est important de noter également que le budget militaire canadien, toujours en croissance, est de $18 milliards par an soit environ $55 millions par jour, de quoi combler bien des besoins tant au Canada-anglais qu’au Québec.
Il appuie également l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Dans son programme, il affirme que : « Une position protectionniste serait contraire à nos intérêts et c’est la raison pour laquelle le Québec, et en particulier les souverainistes québécois, a massivement approuvé l’Accord de libre-échange avec les États-Unis puis l’ALENA. »
Il faut se rappeler que l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis (ALE) a pu être adopté en 1988 grâce aux efforts de Lucien Bouchard et à l’appui de Bernard Landry et de Jacques Parizeau. Le pari politique du PQ à cette époque était, comme l’a précisé Parizeau, de jouer les États-Unis contre le Canada, en inscrivant le Québec dans l’axe commercial Nord-Sud plutôt que Est-Ouest. [1]
L’ALE et l’ALENA ne font que rendre le Québec plus dépendant des États-Unis, comme du reste les autres provinces canadiennes. La signature par le Canada de ces deux accords de libre-échange entraîne comme conséquence l’arrimage des politiques économiques et sociales du Québec au char néolibéral du gouvernement canadien. En 2002, les dirigeants de Rassemblement pour l’indépendance du Québec voient finalement le piège… 15 ans trop tard :
Dès lors, parce que le Québec est demeuré une simple province, son appui à l’ALE et à l’ALENA, et son ouverture à l’économie mondiale ont eu pour conséquences immédiates le déploiement de nouvelles politiques économiques canadiennes en sol québécois et l’intrusion de ce gouvernement dans les champs de compétence qui étaient sien(…) Pour le Québec, ces conséquences sont dramatiques, et cela dans tous les domaines. Par exemple, les visées économiques du Québec sont neutralisées par le déploiement des politiques canadiennes auxquelles il doit s’adapter. [2]
Le Bloc peut continuer à se prétendre le défenseur des champs de compétence du Québec, il demeure victime de sa propre turpitude. Par ailleurs, ces choix politiques ne sont pas sans incidence économique pour le Québec ni pour le Canada et entrent en contradiction avec les énoncés de son programme. Il prend position par exemple contre la déréglementation de Postes Canada mais appuie en même temps L’ALENA, traité qui met en péril l’existence même du service postal public et universel et qui pave la voie à la déréglementation.
Le NPD a pour sa part à son actif bon nombre de bonnes positions sur les questions sociales et économiques ainsi que sur les questions internationales. Il est le seul à prendre position contre le Partenariat pour la Prospérité et la Sécurité, il s’est opposé à l’ALENA et à la guerre en Afghanistan. Cependant, il demeure pratiquement absent de la scène politique québécoise.
Lors des dernières élections fédérales, Judy Rebick écrivait dans la revue Alternatives (27 février 2006) que ces élections étaient un désastre pour les forces progressistes. Elle soulignait à juste titre qu’au moment où les conservateurs s’affairent à construire prudemment une majorité en vue du prochain scrutin, la gauche était profondément divisée et démobilisée :
« En annonçant, à l’improviste en début de campagne, son appui à la Loi sur la clarté référendaire, Jack Layton a détruit toute chance d’union avec la gauche québécoise. Alors qu’il jetait à la poubelle toute possibilité d’alliance avec les progressistes du Québec, Stephen Harper construisait stratégiquement une alliance avec la droite québécoise (…) À l’ère du néolibéralisme, où les médias se situent impitoyablement à droite, l’attrait de la politique électoraliste est énorme. La seule solution, pour les mouvements sociaux, consiste à s’opposer radicalement à cette tendance. »
Alors que faire ?
En 2004, à la faveur de l’ouverture de Jack Layton sur la question de la loi sur la clarté référendaire je me suis présenté pour le NPD dans le compté de Papineau et je me suis identifié comme souverainiste. La marge était mince et le pendule est par la suite revenu à l’heure en 2006 suite aux pressions électorales.
Toutefois, le NPD représente à l’heure actuelle le seul véhicule à partir duquel on peut pousser pour indiquer aux progressistes au Canada-anglais l’importance de la reconnaissance de l’autodétermination du Québec. Ce choix sera fait au Québec et nous n’accepterons pas d’ingérence d’Ottawa. Mais il sera important, le cas échéant, d’avoir des appuis qui militeront pour le respect de notre décision. C’est une dynamique de choc des idées, même pour beaucoup de progressistes au Canada-anglais, c’en est également une au Québec que d’assumer la construction d’un parti fédéral.
Mais cette dynamique, alliée à la mobilisation dans la rue, peut seule nous permettre d’aller plus loin, de tisser une solidarité politique entre les syndicalistes, les groupes de femmes, les groupes communautaires au Canada-anglais et au Québec afin de sortir de cette impasse.
Notes
[1] Le virage à droite des élites politiques québécoises, Jacques B. Gélinas, éd. Écosociété, 2003, p.61
[2] Idem, p 62, OC, Claude Bariteau et autres, Sortir le Canada du Québec, Montréal, Les Intouchables, 2002, p. 62-63.
DÉBAT SUR LE PROCHAIN VOTE
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé