MARC NADON

Pour une démission

49472a575ab104aaf102bc01ddd35c4d

Nadon, dégage !

Même si elle ne fait pas les manchettes, ce sur quoi la Cour suprême s’est penchée mercredi — la validité de la nomination de Marc Nadon à cette même cour — est d’une grande importance. C’est, encore une fois, de la place du Québec dans la fédération qu’il est question. Pour la crédibilité du processus judiciaire, le juge Nadon devrait songer à démissionner.

Il est très rare, sinon inédit, que Québec conteste formellement, en Cour suprême, la nomination d’un juge… à la Cour suprême. Il a raison de le faire ici et l’argumentation de ses procureurs est convaincante. Rappelons qu’en septembre, le fédéral a nommé à la plus haute cour le juge Marc Nadon, même s’il ne provenait pas d’un tribunal québécois, même s’il n’appartenait plus au Barreau du Québec, comme l’exige pourtant la Loi sur la Cour suprême. Comme s’il doutait de sa propre nomination, Ottawa l’avait accompagnée d’un avis juridique de l’ex-juge Binnie, qui faisait son affaire. Devant le tollé, en octobre, il a proposé de modifier, dans le projet de loi C-4, les critères pour rendre la nomination de M. Nadon inattaquable. Le même jour, il a posé deux questions à la Cour suprême : 1) avait-il droit de nommer M. Nadon, un juge d’une cour fédérale ? 2) a-t-il le droit de modifier unilatéralement les critères de nomination des juges comme il veut le faire dans C-4 ? Cette affaire a été entendue mercredi.

Québec soutient que la loi est déjà claire et l’intention sous-jacente l’est encore plus : assurer que les trois sièges revenant à la nation québécoise à la CS sont occupés par des juristes provenant du Québec, connaissant la tradition du droit civil, aspect fondamental de la « société distincte » québécoise. De plus, il estime que de changer les critères est une modification constitutionnelle requérant l’unanimité. Bref, Ottawa n’a pas le droit de procéder ainsi.

Toute cette affaire est révélatrice de plusieurs déficiences de notre « Dominion » rebricolé en 1982. D’abord, ce sont des juges à la Cour suprême qui vont effectivement entériner ou rejeter une nomination, effectuée par l’exécutif. Ils se retrouvent donc « juges et partie » ! (Ce n’est pas la première fois cette année : elle a enquêté sur elle-même dans l’affaire Laskin, révélée par l’historien Frédéric Bastien.)

Dans d’autres fédérations, la séparation des pouvoirs est mieux respectée. Aux États-Unis, les nominations des juges par l’exécutif (le président) sont révisées non pas par la Cour suprême elle-même, mais par le Sénat. Et parfois sont refusées (Robert Bork, en 1987). Bref, tout n’est pas judiciarisé, comme dans le Canada de Trudeau, les trois branches de l’État se font contrepoids. En Allemagne, les États fédérés participent au processus de nomination, une vision du fédéralisme dont le Québec aurait voulu s’inspirer (voir le livre beige de Claude Ryan et l’accord du lac Meech), mais le fédéralisme canadien l’a toujours rejetée.

Lors des audiences en Cour suprême mercredi, certaines questions de juges — notamment Richard Wagner — exsudaient le scepticisme quant aux arguments des procureurs d’Ottawa. Est-ce à dire qu’ils vont rejeter la nomination du juge Nadon ? Ce serait souhaitable. Si, à l’inverse, la Cour suprême acceptait la nomination de M. Nadon, le problème serait-il clos ? Permettons-nous d’en douter. Au Canada anglais, il incarne la politisation de la cour (comme si la cour n’était pas déjà politisée ! Mais c’est un autre problème…) Au Québec, il a été presque unanimement rejeté dans les milieux juridiques. L’Assemblée nationale a adopté une résolution unanime la dénonçant. Quelle valeur auront ses positions auprès de ses collègues ? Auprès des avocats qui plaideront devant lui ? Déjà retiré en raison de la contestation, il devrait songer à se retirer totalement. Il rendrait ainsi un grand service au système judiciaire.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->