Texte publié dans Le Soleil du jeudi 4 juin 2009 - La société de gestion des déchets nucléaires tient cette semaine des consultations à Montréal, Trois-Rivières et Québec pour trouver une communauté qui acceptera de recevoir les déchets nucléaires radioactifs hautement toxiques produits depuis 50 ans au Canada. Ces consultations ne sont que la dernière manifestation d'un mouvement de relance du nucléaire qui a été amorcé avec l'annonce de la réfection de la centrale Gentilly-II en août dernier. Les Québécois ont encore le temps de dire non.
De Sept-Îles à Bécancour en passant par le Nunavik, l'Abitibi ou Chibougamau, le nucléaire fait depuis quelques mois sa rentrée par la porte d'en arrière au Québec. Il y a deux semaines, les citoyens de Sept-Îles organisaient un forum citoyen pour s'opposer à un projet de mine d'uranium en milieu urbain. La semaine dernière, c'était au tour des citoyens de la Mauricie et du Centre-du-Québec de manifester à Trois-Rivières contre la centrale nucléaire Gentilly-II.
En octobre dernier, une coalition de groupes écologistes et les Artistes pour la paix se mobilisaient avec l'appui de l'écologiste David Suzuki pour sortir le Québec du nucléaire. La mobilisation s'organise, mais les forces en présence sont inégales et les intérêts, énormes.
Opération coûteuse
Hydro-Québec annonçait en août dernier son intention de procéder à la réfection de la centrale Gentilly-II à Bécancour avec l'appui de la FTQ et d'acteurs économiques de la région. Bien plus qu'une réfection, on procéderait en fait à la reconstruction entière du réacteur de la centrale au coût de 1,9 milliard, ce qui en ferait l'un des plus importants chantiers au Québec.
Compte tenu de l'historique des dépassements de coûts dans l'industrie nucléaire, on peut déjà anticiper le double du 1,9 milliard avancé, auquel il faudra ajouter une somme inconnue pour le déclassement et la décontamination de la centrale au terme de sa durée de vie. En outre, plusieurs médecins ont déjà exprimé leurs inquiétudes quant au maintien des opérations de la centrale.
À Sept-Îles, un projet de mine d'uranium à l'intérieur des limites de la municipalité a suscité une mobilisation des citoyens, qui y voient des risques importants de contamination de l'eau et d'exposition au radon libéré dans l'air lors de l'extraction du minerai. Les risques pour la santé publique ont été dénoncés par une trentaine de médecins, qui ont menacé de quitter la région si le projet allait de l'avant. Des dizaines de projets d'exploration d'uranium sont à l'étude ou sont en cours d'obtenir une autorisation partout au Québec.
Déchets radioactifs
Finalement, la société de gestion des déchets nucléaires consulte les Québécois cette semaine pour trouver une communauté qui souhaiterait accueillir les déchets radioactifs de tout le Canada, au moment même où le président des États-Unis, Barack Obama, vient d'annuler le projet d'entreposage des déchets américains dans les montagnes Yucca, projet jugé trop risqué.
Peu de gens savent que l'industrie nucléaire promet depuis 50 ans de trouver une solution d'entreposage permanente de ces déchets dangereux. En attendant un lieu d'entreposage jugé sécuritaire, ceux-ci sont empilés près des centrales. Qui oserait accumuler des millions de grappes de déchets radioactifs et prétendre qu'il s'agit d'une source d'énergie propre? Étrangement, les coûts d'entreposage de ces déchets ne sont jamais comptabilisés dans le coût des centrales nucléaires. On parle maintenant de 20 milliards pour le Canada.
Projets liés
En apparence ces projets ne sont pas liés, mais dans les faits, ils le sont. Le lobby nucléaire utilise en ce moment la crise climatique pour orchestrer la renaissance de cette industrie. C'est pour cela qu'Hydro-Québec souhaite «conserver cette expertise» en reconstruisant Gentilly-II. C'est aussi pour cela que les gisements d'uranium deviennent alléchants et que la société de gestion des déchets nucléaires relance sa recherche d'un site dans les provinces qui ont des installations nucléaires. Sans centrale nucléaire, le Québec ne serait pas considéré pour accueillir des déchets. Sans centrale nucléaire, le Québec aurait la légitimité pour s'opposer à l'extraction d'uranium. Gentilly-II est la clé de voûte de la renaissance du nucléaire au Québec.
L'industrie nucléaire est moribonde, et depuis longtemps discréditée. Quelle autre industrie peut se vanter de faire systématiquement des dépassements de coûts, de produire des déchets qui demeurent radioactifs pendant plusieurs centaines de milliers d'années et pour lesquels il n'existe pas de solution, de multiplier les incidents dangereux et d'être une cible de choix pour les terroristes?
Le Québec doit faire un choix: prendre part à cette prétendue renaissance du nucléaire ou refuser d'en faire les frais. Ce choix doit être fait maintenant. Les Québécois n'ont aucune raison de se lancer dans l'aventure nucléaire pour une autre génération. Le Québec doit adopter un moratoire permanent sur le nucléaire et faire de son territoire une terre libre de nucléaire.
***
Ont signé ce texte:
Karel Mayrand (Fondation David Suzuki), Laure Waridel (écosociologue et auteure), Pierre Jasmin (Les Artistes pour la paix), Marc Fafard (Sept-Îles sans uranium 2009), Éric Notebaert (médecin) et Sophie Gosselin (médecin)
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé