Polygamie - Clairement contre

IDÉES - la polis


Nos représentants ne font pas que se quereller à l'Assemblée nationale: il arrive aussi qu'ils élèvent le débat et que les principes prennent le dessus. Ainsi de jeudi dernier. L'affaire est passée inaperçue, mais, dans les minutes qui ont suivi une période de questions pourtant acrimonieuse, les quatre partis politiques se sont sans peine entendus pour appuyer une motion déposée par la députée péquiste Louise Beaudoin. L'enjeu: condamner sans équivoque la polygamie.
Devoir consacrer du temps à une pratique aussi archaïque est en soi invraisemblable, mais il faut bien s'y résoudre quand un tribunal canadien — la Cour suprême de la Colombie-Britannique — doit déterminer si le Code criminel, en interdisant la polygamie, contrevient à la liberté de religion prévue par la Charte canadienne des droits et libertés. Or ce débat n'appartient pas aux tribunaux: il relève bel et bien de l'arène politique et sociale.
Au Québec, l'affaire a été comprise comme telle par tous les partis, et la motion l'expose clairement: «la polygamie ne fait pas partie des valeurs fondamentales de la société québécoise». Prenant appui sur le solide avis émis à ce sujet il y a deux semaines par le Conseil du statut de la femme, la motion précise que «cette pratique va à l'encontre du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes».
Les parlementaires qui ont pris la parole ont à juste titre mis en lumière le fait que la polygamie «repose sur des valeurs patriarcales en opposition à l'émancipation des femmes» (Louise Beaudoin); que ce système, moyen pour les hommes d'afficher puissance et richesse, considère la femme comme «un objet, une propriété», ce qui est en soi une violence (Sylvie Roy, ADQ); que même dans les sociétés traditionnelles, cette «forme injuste de l'organisation de la famille» est si minoritaire qu'il est «tout à fait fallacieux» de s'appuyer sur le multiculturalisme pour l'introduire ici (Amir Khadir, Québec solidaire).
La ministre de la Condition féminine, Christine St-Pierre, s'est pour sa part inquiétée de ce qui nous apparaît le plus grave à l'heure actuelle: la banalisation du phénomène. Nos sociétés carburent tellement au relativisme, à la nouveauté et au désinvestissement collectif («moi, tant que ça m'dérange pas...») que les conséquences de certains choix échappent à plusieurs de nos concitoyens. La polygamie, n'est-ce pas simplement une façon différente de vivre en famille, foi de Big Love, cette série de télévision américaine qui a rendu la pratique bien sympathique?
Non! La polygamie, c'est une union inégalitaire à la base et qui a pour objectif de maintenir cette inégalité entre un homme et «ses» femmes: c'est le droit collectif à l'égalité des femmes qui est en cause. À Québec, l'analyse féministe a été parfaitement comprise. À Ottawa, de qui relève pourtant le Code criminel, seule une déclaration du ministre de la Justice conservateur, Rob Nicholson, qui rejetait en quelques mots la polygamie comme n'ayant «pas sa place dans la société canadienne moderne», a été émise l'an dernier.
Une prise de position forte de l'ensemble du Parlement à ce sujet serait plus que nécessaire plutôt que d'attendre, encore une fois, que les tribunaux balisent nos choix de société.
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jboileau@ledevoir.ca


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