Politique américaine: satire hilarante et réalité se fusionnent

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Deux films à voir ou à revoir


L’inculpation de Jeffrey Epstein a donné l’occasion aux médias de rappeler les inconduites sexuelles de Bill Clinton qui ont failli lui coûter sa présidence. Nombreux sont ceux qui profitent des jours pluvieux des vacances pour visionner des films ou des séries télévisées. En voici deux excellents qui s’inspirent des frasques de Bill Clinton et qui sont aussi des critiques cinglantes et perspicaces des élites dirigeantes des États-Unis. 


Primary Colors (1998) est une interprétation de la campagne présidentielle de Bill Clinton de 1992 et un commentaire acerbe sur le rôle des médias dans le labyrinthe déroutant qu'est la politique américaine. Lors de sa sortie en salle, Bill Clinton a réagi en déplorant que le film fut trop inspiré de sa vie. La fiction anticipe la réalité! John Travolta interprète Jack Stanton, le gouverneur d’un État sudiste ayant une faiblesse pour les femmes. Emma Thompson joue le rôle de Susan, son épouse nordiste. Le personnage d’Hillary Clinton avec son côté impitoyable est joué de façon convaincante. 


On suit l’ascension politique du gouverneur Stanton et les efforts de son équipe pour le soutenir et le protéger, souvent contre lui-même. On est porté à sympathiser avec ce candidat à la présidence tout en étant déçu par ses mensonges, ses infidélités et son manque manifeste d’empathie pour ceux qu’il prétend défendre.   


Primary Colours est plus qu'une satire du couple Bill et Hillary, c'est une satire de la moralité politique américaine en général. Cette tragi-comédie révèle tout ce qu’un politicien ambitieux et déterminé est prêt à faire pour s’assurer la victoire et sur le rôle déterminant des promesses irréalisables et des engagements irréalistes dans la conquête du pouvoir aux États-Unis. En politique, les vœux pieux, les flagorneries, les engagements solennels, mais creux et les mensonges ne coûtent pas cher et rapportent beaucoup. 


Primary Colours est un exposé sur le cynisme et l’immoralité qui caractérisent la classe politique américaine, démocrates aussi bien que républicains. Et, à bien y penser, ça s’applique - sauf à de rares exceptions - aux politiciens en général. C’est universel. 


Wag the Dog (1997) est souvent considéré comme la satire politique américaine la plus réaliste jamais réalisée. Le film décrit comment les médias, les gouvernements, les relationnistes et les politiciens manipulent les émotions pour s’assurer du soutien de l’opinion publique et, aussi bien sûr, pour faire de l’argent. 


Deux semaines avant sa réélection, alors qu’il est en tête dans les sondages, le président des États-Unis est accusé d'inconduite sexuelle sur une mineure dans le bureau ovale. Le relationniste combinard de la Maison-Blanche Conrad Brean (Robert De Niro) fait appel à un producteur d’Hollywood sordide et inquiétant Stanley Motss (Dustin Hoffman) pour sortir le président de cette situation extrêmement embêtante. Les deux hommes décident de créer une guerre fictive avec l'Albanie en utilisant de fausses informations et de fausses vidéos pour pouvoir présenter le président comme un héros. 


Wag the Dog montre comment les médias peuvent être manipulés, quand ils ne sont pas eux-mêmes manipulateurs. Et à quel point le public américain est crédule, particulièrement quand leur leader se drape dans la bannière étoilée.  


Cette satire prémonitoire, à la fois hilarante et inquiétante, a été tournée un an avant que Clinton ne soit accusé d’inconduites sexuelles avec la stagiaire Monica Lewinsky et qu’une guerre éclate dans les Balkans au Kosovo qui est limitrophe de l’Albanie. Wag the Dog présente les électeurs américains comme des idiots faciles à berner. Il faut dire que le recours à la force pour imposer la volonté des États-Unis est souvent utilisé par des présidents pour rehausser leur popularité. L'arnaque fonctionne à merveille. Souvenez-vous de la «Mission accomplie!» de George W. Bush au sujet de l’Irak en mai 2003, alors que la guerre ne faisait que commencer. Et plus récemment des frappes ordonnées par Donald Trump en Syrie en 2017 et 2018, cette dernière qualifiée par Trump de «mission parfaite».  


En politique américaine, la vérité est vraiment plus étrange que la fiction. L’irrésistible ascension de Donald Trump s’explique par son animation de la téléréalité The Apprentice. Le système politique américain se fusionne avec la télévision. À mesure que le temps passe, la satire Wag the Dog se transforme en réalité.