La situation à laquelle fait face le député de la circonscription de Saint-Jérôme, M. Pierre Karl Péladeau, vient opportunément mettre en valeur la pertinence de penser à nouveau la question de la professionnalisation du journalisme au Québec. En effet, se pose avec une grande acuité la nécessité de trouver un moyen pour rassurer le public sur la non-intervention éventuelle de l’actionnaire majoritaire de Québecor dans la gestion journalistique des médias qu’il possède. Le député lui-même propose de signer « une déclaration solennelle dans laquelle je m’engagerai à ne jamais intervenir dans le contenu éditorial des médias d’information, de quelque manière que ce soit ». Devant une telle insistance, ses déclarations antérieures voulant qu’il ne soit jamais intervenu dans la gestion journalistique de ses médias prennent un sens assez particulier. Cet engagement devrait cependant l’amener à poursuivre sa réflexion dans un tout autre sens : celui de la consolidation de la professionnalisation du journalisme au Québec.
En effet, aucune instance professionnelle n’a jamais proposé que le fondement de la professionnalisation du journalisme repose, non pas sur une loi spécifique votée par l’Assemblée nationale, mais sur une entente contractuelle rendue publique entre un propriétaire de médias et les éditeurs ou les éditrices qui le représentent à titre de responsables de la cueillette, du traitement et de la diffusion de l’information journalistique. Ce contrat d’indépendance journalistique de l’éditeur ou de l’éditrice signé entre cette personne et le propriétaire contiendrait deux dispositions fondamentales. La première disposition assurerait l’éditeur ou l’éditrice d’une indépendance totale quant à la gestion de l’information journalistique pendant un certain nombre d’années. La deuxième disposition obligerait cette personne responsable à produire un rapport annuel sur sa gestion de l’information journalistique et à le rendre public annuellement. Dans ce rapport seraient abordées des considérations sur l’autonomie éditoriale telle que cette personne éditrice l’aurait vécue au cours de l’année écoulée.
Nouvelle pierre d’assise
Ainsi, l’indépendance journalistique de l’éditeur ou de l’éditrice d’un média par rapport à son propriétaire deviendrait la pierre d’assise de la professionnalisation du journalisme au Québec. À ce propos, il semble opportun de rappeler ici le cas du journal Le Devoir, dont l’indépendance journalistique de l’éditeur est exemplaire. Évidemment pour des raisons historiques qui découlent de la volonté testamentaire de son fondateur, Henri Bourassa, le directeur du journal en est aussi l’actionnaire majoritaire tant et aussi longtemps qu’il exerce sa fonction. Le cas des autres quotidiens québécois, chacun le sait, est bien différent. Cependant, il n’est pas interdit de penser que l’actionnaire majoritaire de Québecor ne pourrait pas profiter de sa situation pour introduire un degré assez poussé d’indépendance journalistique dans le fonctionnement et la gestion de ses médias en contribuant de cette manière à la professionnalisation du journalisme au Québec. En transformant le projet hypothétique de sa déclaration solennelle de non-intervention dans les affaires journalistiques de ses médias en un engagement de signer un contrat public d’indépendance journalistique avec leurs éditeurs et éditrices, il les rendrait plus libres d’agir à leur guise tout en se libérant lui-même de la situation dans laquelle il semble placé au moment où il réfléchit à son engagement futur au sein de sa formation politique.
PKP pourrait faire oeuvre utile
Le député de Saint-Jérôme devrait signer, tout de suite, un contrat d’indépendance journalistique
Une proposition intéressante
Jacques Rivet4 articles
Professeur titulaire, département d'information et de communication, Université Laval
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé